Bordeaux / Bordèu Anneau gascon Entre-deux-Mers

Bordeaux

- Vincent P.


 

Rue Fondaudège / Arrua de la Hont d'Audèja / Arrue de la Houn d'Audèje

en graphie alibertine :

Lahont + (la,era) Hont

hont / fontaine, source

hontan ou hondan seraient d’autres formes, féminines aussi, de ce (...)

Audèja
Prononcer "Aoudèje".


C’est l’ancienne "via medullica", autrement dit la route du Médoc, qui est le "Camin de Soulac" sur la carte de Drouyn du Bordeaux du XVème siècle.


 

Grans de sau

  • Les textes gascons de Bordeaux notent immuablement "Audeya" (fons Audeia en latin).
    Faut-il en déduire que la prononciation bordelaise du yod intervocalique roman a été "y" à une époque avant de passer à "j" qui est la prononciation de la Gascogne de l’Est (alors que les Landes, le Béarn et la Bigorre ont "y") ?
    Très curieusement, le Nord-Gironde a également "y" alors que les parlers limousins et guyennais ont "dz" (ainsi que la pointe du Médoc).

    Intuitivement, il semble que la distribution du phénomène j/y laisse entendre comme souvent dans cette dichotomie Ouest/Est que la prononciation originelle est "y".

    Réponse de Gasconha.com :
    Je vais essayer de donner la référence et la phrase précise, mais Fauché dans sa "Langue gasconne de Tonneins" écrite dans la 2e moitié du 19e siècle, signalait que les anciens connaissaient ou avaient encore la prononciation "y".
    [Tederic]

  • J’ai trouvé ceci dans le livre de Fauché :
    "L’ y que nous remplaçons par l’ i simple ou par l’ ï avec tréma, trouverait plutôt sa place au rang des consonnes parce qu’il s’emploie tantôt pour un g, tantôt pour un j dans certains mots que le patois actuel n’a pas encore modernisés." mais je me rappelle qu’il dit les choses plus clairement à un autre endroit.

    Et si à Tonneins, en plaine de moyenne Garonne, hors de l’hyperGascogne, le "y" était la prononciation ancienne, on peut faire l’hypothèse que celle-ci était répandue jadis dans une grande partie de la Gascogne ; donc peut-être un trait distinctif de plus du gascon par rapport aux autres parlers d’oc.

  • L’aréologie des yods initiaux et intervocaliques est intéressante.
    Voici, pour ma zone dialectale, ce phénomène que j’ai étudié lors d’une enquête de terrain en 1990-1991.
    Au Nord d’une ligne qui inclue La Teste, Gujan, Le Teich, Mios, Salles, Lugos, Saugnacq-et-Muret, Biganon, Mano, Belhade, Argelouse, Sore, Callen et Luxey, c’est J partout : JOU, CUJE.
    Au Sud d’une ligne incluant Sanguinet, Ychoux, Liposthey, Moustey et Pissos, c’est J à l’initiale et Y à l’intervocalique, avec traces de Y initial dans la toponymie : JOU et CUYE.
    Au Sud d’une ligne incluant Saint-Julien, Bias, Mézos, Onesse, Solférino, Commensacq et Trensacq, c’est Y partout : YOU et CUYE.
    Par rapport à la fameuse et décriée gasconnité. Le Nord est dans la zone 50/59%, le centre dans la zone 70/79% et le Sud dans celle à 80/89%. Exemple, la ligne Biganos-Saint-Symphorien possède un gradient moyen de 25. Le quadrilatère Biscarrosse-Moustey-Sabres-Mimizan est à 30 et la ligne Saint-Julien- Bias-Mézos-Onesse est à 33.
    Le Y médoquin et le J de certains parlers pyrénéens est un problème par rapport aux conclusions sur l’ancienneté ou non du phénomène. Je pense tout de même que Y est plus ancien que J.

  • Il me semble qu’à l’intervocalique, les parlers périgourdins ont également Y (ainsi les nombreux lieux-dits "Le Pouyet" en concurrence avec "Le Pouzet", en supposant qu’il ne s’agit pas de "petit puits").
    Je pense que le phénomène nord-girondin est une extension de l’aire périgourdine.
    On peut aussi expliquer le Lapouyade gavache comme un simple résidu de trait plus généralement "oc" sans chercher du gascon méridional (mais c’est vrai que le voisin Laruscade ne peut s’expliquer que par le gascon : on aurait Laruchade en limousin/périgourdin, non ?).
    Il serait intéressant également de savoir si ce phénomène est connu dans le poitevin-saintongeais.
    Reste aussi à expliquer le DZ nord-médoquin : probablement l’influence oïlisante régionale des colonies gavaches du Verdon mais c’est à vérifier.

  • Pour ce qui est du J des parlers pyrénéens, l’ALG montre que cela ne touche que les parlers pyrénéens de la vallée de la Garonne, donc dans l’influence phonétique directe de Toulouse, à l’exception de la vallée d’Ossau dont on sait qu’elle fut en contact étroit avec le Bordelais d’où elle a peut-être ramené cette mode linguistique et d’autres traits comme l’absence de subjonctif dans les subordonnées temporelles ou l’article de la plaine.
    L’Ossau est tout sauf un conservatoire.

  • Oui, j’ai les cartes sous les yeux, 2117 et 2118. En fait, ce sont Gélos (692NE), Lasseube (692), Arette (692SO), Bedous (692S), Bielle (693NO) et Aas (693) qui ont J et pas Y à l’initiale.
    A l’intervocalique, seulement Aas et Bielle ont aussi J, donc l’Ossau juinte partout.
    Ainsi, c’est toute la montagne béarnaise (et la région de Garlin, 676SO) qui est touchée par le juintement, total ou partiel, du yod roman.
    Puis, comme le dit Vincent, Comminges et Couserans ne connaissent que J. Aux deux extrémités, il est intéressant de comparer les solutions identiques de l’aire Biscarrosse-Parentis-Moustey-Mimizan-Lue (Que j’ai décrite dans mon précédent message) et d’Aspe-Barétous.
    A Biscarrosse, par exemple, comme à Bedous, on à J initial et Y intervocalique.
    Ceci me laisse penser que ces deux zones ont été perturbées par le juintement girondin et ossalois mais ont refusé de l’adopter en bloc.
    Donc, il est probable que toute l’aire du yod roman intervocalique actuel (carte 2118) connaissait aussi, à une date que je ne peux déterminer mais en tout cas récente, le yod initial.
    Cette aire inclue les points 672NO (Biscarrosse), 674 (Moustey), 664S (Labrit), 675N (Mazerolles), 675 Grenade-sur-Adour), 685NE (Cabidos), 686 (Lembeye), 687E (Marseillan), 689NO (Bordes), 689 (Lannemezan), 696E Laborde), 698N (Barrancouéou) et 698 (Betpouey).
    On a bien une l’impression de régression du yod roman, sous la pression de la Gascogne bordelaise au Nord, et de la Gascogne toulousaine à l’Est.
    Cette réduction de l’aire yodisante correspond parfaitement au mouvement général "d’occitanisation" du gascon et, une fois de plus, dessine assez bien les aires de plus ou moins grande gasconnité.
    Je suis navré pour ceux que ça navre mais les faits scientifiques sont têtus.

  • Pour Gelos, il semble que l’informateur n’est pas très fiable : il s’agit de Simin Palay, qui était originaire du Montanérès.
    C’est aussi la seule occurrence en Béarn de "bona annada" avec deux n face au plus gascon "bona anada".
    Je pense que Palay avait hyper-corrigé sa langue, même involontairement.

    J’en profite justement pour vous souhaiter à tous une belle année !

    Réponse de Gasconha.com :
    Mercés plan, Vincent ! Qu’atenem tots dab impaciéncia las toas produccions de 2011 !

  • J’ajoute un témoignage personnel : à ma question régulière au sujet de la variété du "patois" parlé dans la région, mon grand-père me répondait souvent avec les mêmes exemples dont le fait qu’à Arzacq, "ils disent jou" (là où à Morlaàs et partout ailleurs dans les environs immédiats, on dit you).
    Mon grand-père rajoutait : "ce doit être une influence du français". Comme quoi le son J était senti comme étranger.

    A la vérité, il ne semble pas qu’Arzacq ait J à l’initiale, d’ailleurs ma grand-mère attribue cette manière de dire à Thèze, qui ne l’a(vait) pas plus.
    C’est donc un phénomène suffisamment important pour qu’une culture populaire à son endroit soit née, avec donc l’idée qu’il s’agit d’un francisme.

  • Errata : 692NE c’est Lasseube et 692 c’est Agnos. Gélos, c’est 685SE et c’est bien en zone yod.
    A Gélos, l’informateur principal, appelé "informateur continu", n’est pas Palay mais Pierre Béthérous, 50 ans en 1958, né à Gélos, père originaire de Bosdarros et épouse de Pau.
    Pour Palay, informateur secondaire, l’enquêteur, Ravier, note : 84 ans, poète, lexicographe.
    Il y a un 3eme informateur, la mère de Pierre Béthérous, née à Riupeyroux.
    Il y a enfin un quatrième informateur dont l’identité n’a pas été relevée.
    Béthérous est considéré comme "informateur continu", car son chiffre, 1, est souligné. Les autres, y compris Palay, sont dits "informateurs incidents".
    Ils n’interviennent que par intermittence et le plus souvent comme doublures des informateurs continus. L’enquête a eu lieu en trois fois. Le 23/2/58 puis les 12/1 et 23/11/1962.

  • Dans une petite partie seulement du nord-Gironde (Cubsaguais, Fronsadais), le j est un iod palatalisé : /ty/ (june = /tyune/).
    Le Libournais semble, lui, avoir le /j/ français.

  • I a pas a cercar qui, de J o Y, es mèi gascon ; son duas variantas de la prononciacion dau gascon, quò’s tot !
    Lo paròlis vasadés es pas mens gascon que lo biarnés.
    Auta causa : es pas perçò que los Lengadocians diden tanben "annada" que seré pas corrècte en gascon !!!
    Per jo, "anada" es incongrut, lo viri pas jamèi sonque dens las esplicacions hiper-gasconisantas de Chaplain e querduri que s’èra trompat...

  • L’ALG est assez clair : anada domine en Gascogne, conformément à la phonétique "topique" du gascon qui veut que -nn- intervocalique se simplifie en n simple.


Un gran de sau ?

(identification facultative)

  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Ajouter un document