vetèth

français : veau
Mot languedocien correspondant : vedel

Prononcer entre "bétèt" et "bétètch".
variante : vedèth

Comme pour les mots gascons en -èth, les dérivés se forment sur la finale -èr :
veterar : véler
veteret : petit veau
veteralar (beteralà) : « lieu où les vaches vêlent. Du gascon veterar (= vêler) et suffixe collectif –ar. »
Microtoponymie de Biscarrosse

voir aussi :

vaca / vache

Prononcer "baque" ou "baco".
vaquèir (voir le nom "Baquey") ou vaquèr : vacher
vacada (prononcer "bacade") : troupeau de vaches landaises (on dit aussi élevage, ganaderia ou manade)*

*Merci aux Coursayres des Arrigans.


 

Grans de sau

  • Variante macarienne vutèth et libournaise {}vudèth

  • Il est important de remarquer que le gascon vetèth, concurrencé par les formes vedèth, tiré du latin vitellu(m) "petit veau", est l’un de ses rares mots où un -t- intervocalique s’est maintenu, ce sur une grande partie du domaine gascon, alors que ce fait phonétique, dans l’actualité, est cantonné aux seules vallées d’Aspe et de Barétous en Béarn.

    On s’explique mal cette anomalie, là où l’on attendrait, généralisé, la forme vedèth avec sonorisation de -t-. On sait que le maintien des sourdes intervocaliques, dont -t-, est un phénomène de l’ancien gascon, sur substrat basque, avant que le gascon ne s’aligne sur le reste des parlers romans du Sud de la France (d’où le phénomène des hypercorrections, des changements fautifs type cautèra).

    On sait aussi que l’aragonais a le terme betiello, avec maintien du -t- intervocalique (pour les autres mutations : pas de chute du -u final latin, maintien de -ll- intervocalique, diphtongaison).

    Comment expliquer la distribution de ce terme dès lors ? On remarque le même phénomène dans un monde à la structure consonantique proche : vita "vie". Mais vita est clairement un cultisme. Le patronyme languedocien Beteille me semble devoir être prise en compte dans l’équation et pourrait permettre d’élaborer une explication purement romane.

    Car sinon, reste l’autre théorie, reprise par Rohlfs, d’un mot migrateur, qui s’est propagé à la plaine depuis la montagne : que sait-on de l’économie agricole ancienne et du commerce des veaux ?

  • La carte n°392 donne la distribution des dérivés de vitellu en gascon : cf lien.

     La forme en -t- est généralisée en Béarn, dans les Landes, en Bazadais, jusqu’aux abords de Bordeaux (ainsi qu’une curieuse attestation en Entre-Deux-Mers), en Albret, en Agenais gascon (à Aiguillon !), dans le Gers occidental.

     La forme en -d- domine en Bigorre (sauf apparitions sporadiques de la forme concurrente dans les coteaux et la plaine), ainsi que dans l’ensemble des Pyrénées gasconnes (Comminges, Couserans), et par extension, il semblerait, dans le Gers oriental, ainsi qu’au contact de Toulouse.

    La forme en -d- est aussi celle du Médoc et des parlers guyennais immédiatement voisins du gascon (qui vocalisent vedèu, ce qui est un trait fascinant).

    Conclusion :

    Se dessine une opposition entre Gascogne de l’Ouest (Médoc excepté) et Gascogne de l’Est quant à la distribution des successeurs du latin vitellu, qui n’est pas sans en rappeler d’autres.

    NB : A noter que l’occitanisme écrit vedèl en languedocien, avec dépalatisation de -lh final en languedocien, phénomène classique, alors que -lh est maintenu dans des mots comme miralh (latin miraculu) pour des motifs de dérivation, alors même que la dépalatisation a également lieu (on prononce miral en languedocien).

  • "- La forme en -t- est généralisée en Béarn, dans les Landes, en Bazadais, jusqu’aux abords de Bordeaux (ainsi qu’une curieuse attestation en Entre-Deux-Mers), en Albret, en Agenais gascon (à Aiguillon !), dans le Gers occidental."

    Autrement dit les pays où opéraient traditionnellement les pasteurs haut-béarnais (transhumances et circuit commerciaux).

    Tu suggères donc (après Rohlfs dis-tu) que c’est à eux que l’on doit le maintien ou la réapparition d’une prononciation "dure" dans ces zones de parler "doux", c’est bien cela ?

    Sur ce mot typiquement lié à l’élevage, c’est assez convainquant.

    Existe-t-il une liste de ces mots à la prononciation "dure" même en plaine ?

  • Il s’est logé une coquille qui brouille l’explication et que je mets en gras :

     La forme en -d- domine en Bigorre (sauf apparitions sporadiques de la forme concurrente dans les coteaux et la plaine), ainsi que dans l’ensemble des Pyrénées gasconnes (Comminges, Couserans), et par extension, il semblerait, dans le Gers oriental, ainsi qu’au contact de Toulouse.

    Je la mets sur le compte de l’heure tardive de l’envoi ?

  • Il fallait lire : "dans le reste des Pyrénées gasconnes", sous-entendu, partout sauf en Béarn.

    Pour le reste, pour ceux que déchiffrer la carte de l’ALG fatiguerait les yeux, voici la distribution entre la forme en -t- et celle en -d- (les formes en -t- sont à l’Ouest).

    L’explication d’un mot étendu depuis les vallées béarnaises dans la plaine est plausible. Il sous-entend, ce qui est également un fait avéré, que les Ossalois possédaient le consonantisme sourd aspois contemporain, avant de passer au consonantisme sonore par influence de cette même plaine (qui a perdu pareil consonantisme à date bien plus ancienne, sans traces autres que des vestiges).

    Les raisons pour lesquelles le mot vetèth est resté tel quel sont mystérieuses. J’insiste sur l’existence de termes languedociens comme béteille, *betelha je suppose en alibertin, ou encore le maintien de la sourde dans des dérivés du latin betulu "bouleau" (cf la commune de Bétous (32) en Armagnac).

    Dans tous les cas, pour prouver le fait que le mot vetèth aurait été itinérant, il convient de se pencher un peu plus sur le commerce des veaux dans l’ancien monde, et sur lequel je ne sais rien.

    Je remarque que les formes gavaches du Nord-Gironde (bodè et beudè) semblent empruntées à l’oc, peut-être même au gascon, vu qu’un b initial se maintient (ce n’est pas le cas pour le point guyenno-périgourdin de Vélines qui a bien un v initial), avec seulement la chute du -t final. Le latin vitellu ne peut pas donner en oïl standard pareil terme : v initial se maintient et -d- intervocalique tombe.

  • Je suis préoccupé par le fait que je n’arrive pas à afficher distinctement l’image de l’ALG fournie par Vincent. Et vous ?
    Préoccupé parce que c’est le fonctionnement du chargement d’image via un gran de sau qui est plus largement en question...

    Pour les administrateurs, il y aurait d’ailleurs un autre moyen : charger l’image dans la médiathèque, repérer son numéro et l’insérer au gran de sau par (ex pour une image centrée et avec le n° de document 789) le code <doc789|center> . Dans ce cas, l’image serait accessible dans sa taille voulue en cliquant sur son imagette.
    C’est un peu compliqué, je le reconnais.

  • Quand les images sont grosses, et nécessitent de zoomer, j’héberge généralement l’image ailleurs et la propose en lien, comme c’est le cas dans mon second message.

    Lien

  • On trouve en marge de l’aire gasconne : budèt (autour de Libourne mais aussi Créon) ; bédé et budé(est du Libournais), bété( canton de Pujols), védèou (Gours, Puynormand et canton de Ste Foy), bédèou (canton de Ste Foy). Mais aussi, plus au centre, butèt autour de St Macaire et Cérons, ce qui explique pourquoi je l’utilise Notez aussi cette étrange avancée du -t- autour de Targon/Branne/Sauveterre. Cela dit, je n’ai pas tout relevé...les microfilms de l’enquête Bourciez ayant disparu la dernière fois que je suis allé aux Archives départementales de la Gironde.

  • Il est bien dommage que l’enquête Bourciez ne fasse pas l’objet d’une numérisation et d’une mise en ligne, à défaut d’une publication, tout comme devrait l’être l’intégralité des enregistrements sonores de l’ALG et de l’ALLOc.

    L’extension de la forme en -t- dans un secteur de l’Entre-Deux-Mers s’explique probablement par le fait que cette contrée était bazadaise, et la Petite Gavacherie est venue perturber ce phénomène. Il conviendrait de savoir ce que Monségur, restée de langue gasconne, disait, ainsi que Duras, à l’Est de l’enclave.

    Je constate que les formes guyennaises de l’Agenais non-gascon, à Seyches comme à Sainte-Foy, vocalisent : bedèu. Encore un trait qui les éloigne du fantasme occitaniste du grand languedocien d’Aurillac à Salses, qui apparaît de plus en plus comme une escroquerie intellectuelle visant à légitimer la centralité du languedocien.

    Je suis surpris par les formes gavaches relevées en Nord-Gironde. Le dictionnaire de Belloumeau les atteste, en concurrence cependant avec des formes en v initial comme "vedais" (sic). Il se confirme que les parlers de la Grande Gavacherie sont probablement un patchwork de diverses influences, sur une base grammaticale d’oïl.

    Les formes de la Petite Gavacherie sont plus oïliques que celles de la Grande Gavacherie, ce qui recoupe d’autres constatations. veudè doit être le vedais de Belloumeau (qui n’indique pas la provenance) / veudéw montre une forme vocalisée, qui l’apparente aux parlers guyenno-limousins.

    Je constate enfin en Agenais vers Agen que la rive gauche dit betèt alors que la rive droite dit bedèl : ce genre de différences devait participer d’un sentiment de distanciation assez net.

  • L’ALLOC donne pour veau, du Nord au Sud :
    - "védèw" limousin à St-Michel-de-Montaigne, "vœdèw" à Tayac (sud Puynormand) et aux Lèves-et-Thomeyragues
    - "bœté" (= "vedèth" gascon avec amuïssement de la finale) et féminin "bœtèlœ" aux points Baleyssagues près Duras et St-Antoine-du-Queyret,
    - "bœtèt" aux Esseintes près La Réole,
    Les marchés et foires ont eu une importance dans la propagation de formes qui devaient paraître plus normatives que son propre parler local. Langon avec son foirail devait avoir une attractivité importante pour l’Entre-Deux-Mers. J’ai remarqué que le mot oison se dit aucat (comme en gascon) dans la zone d’attractivité d’Agen et passe à aucon"awcou" dans celle de Villeneuve-sur-Lot.

  • Merci pour ces compléments, Andriu, qui prouvent que l’ALLOc est également très important pour une meilleure compréhension (malgré son nom irrédentiste qui inclut sous le nom de Languedoc occidental des contrées qui ne l’ont jamais été).

    Quelques réflexions :

     La forme "vœdèw" de Tayac est nettement influencée par la forme limousine, mais fidèle au syncrétisme fascinant de Puynormand, elle montre un vocalisme "œ" qui est plutôt typique du gascon de l’Entre-deux-Mers et du Nord-Gironde (le "semi-neugue").

    La forme "védèw" de Saint-Michel-de-Montaigne est pleinement limousine et rejoint d’autres observations sur la toponymie de cette commune, qui semble avoir subi des migrations limousines intenses.

     La forme "bœté" des environs de Duras est fascinante, car au phonétisme du -t final (influence gavache ou limousine), c’est une forme gasconne qui montre que la Petite Gavacherie a constitué un îlot qui a coupé des terres gasconophones entre elles, encore que Monségur, restée de langue gasconne, devait être un relais.

    Il conviendrait de savoir la forme employée par la vallée du Dropt plus en amont, quand les dernières influences gasconnes s’éteignent.

  • Remarque : ""védèw" limousin à St-Michel-de-Montaigne" : il faut bien préciser que, si ce mot a une morphologie/prononciation à caractère limousin, le parler bergeracois peut plutôt être qualifié de "guyennais", ce qui est en accord avec la culture du sud du Périgord de façon plus générale, en continuité avec celle du Haut Agenais, du Libournais etc. (la Basse Guyenne quoi)

  • Se la carta junta pòt passar 2Mb peu tuièu, que serii mèi clar.
    Je pense que les personnes qui ont réalisé les atlas linguistiques étaient très attachées à une langue déjà en perdition, et ont conçu leur œuvre dans un esprit scientifique, tout comme les naturalistes qui avaient d’abord décrit les êtres vivants de façon la plus précise, avant que la bataille ne fasse rage entre les évolutionistes et les créationistes.

  • La carte de l’ALLOc est malheureusement moins précise que son équivalent de l’ALG, où les occurrences de chaque village sont notées. Elle est aussi ultérieure de 15 ans, et l’on sait la dégradation des parlers dans la seconde partie du XXème siècle.

     La forme "védèw" possède une distribution étonnante, le long de la Dordogne, autour de Vélines, tandis que le reste de la vallée et de l’intérieur du Périgord, plus en amont de la Dordogne et de l’Isle, retrouve une forme non-vocalisée, avec bêtacisme ou non ("védèl" dans la forêt du Landais, au contact des parlers centraux du Périgord, "bédèl" en Bergaracois et Sarladais).

    Soit le terme "védèw" a été importé depuis le Limousin via des réseaux commerciaux que je méconnais, soit il existe une zone qui possède une forte tendance à vocaliser, ce qu’il faudrait vérifier sur d’autres termes.

    L’existence d’une zone "bédèu" dans la vallée du Dropt autour de Miramont et Eymet ne permet pas de se faire une religion. C’est une forme en tout cas curieuse, méridionale par son bêtacisme, septentrionale par sa vocalisation de la finale.

     La carte de l’ALLOc mentionne que rive gauche de la Garonne, en face d’Agen, autrement dit autour de Moirax, la forme languedocienne "bédèl" dominerait. Il semble pourtant qu’aucun point linguistique ne l’atteste même si c’est possible dans le parler agenisé du Port-Sainte-Marie.

     La carte de l’ALLOc étand la forme "budèl" au confluent de la Garonne et de l’Ariège, qui est de langue gasconne. L’ALG sur ce point est plus précis puisqu’il note "bédèt", forme gasconne orientale. Dans l’ALG toujours, les points toulousains de Toulouse et de Sainte-Foy-d’Aigrefeuille ont "bédèl".

     La forme "bédell", avec l final palatisé, qui est propre à l’Aude pyrénéenne et au Donezan ariégeois, est toujours aussi passionnante dans ce qu’elle dit de la totale continuité entre le languedocien audois et le catalan.

    Dans tous les cas, ceci me confirme dans l’urgence qu’il y a à ce que les enregistrements qui ont servi à élaborer les atlas linguistiques soient numérisés et mis à notre disposition. C’est le Thesoc qui en possède les droits : que fait-il ?

    COCOON : Atlas linguistique et ethnographique de la Gascogne

    COCOON : Atlas Linguistique et ethnographique du Languedoc Occidental

  • Un lien intéressant, pour connaître précisément à chaque point des atlas, les formes notées avec l’API :

    Thesoc : veau

  • Je renvoie pour plus de lisibilité sous .doc la carte de l’ALLOC
    à laquelle j’ai rajouté un morceau de la carte de l’ALF :
    époustouflant, des formes ayant conservé le -d- du latin vitellu jusqu’ l’estuaire de la Loire !

  • Les attestations en domaine poitevin-saintongeais côtier sont absolument aberrantes, voire plus loin en gallo : bodè au Nord de Nantes, bodè en presqu’île de Guérande, bodét avec t final prononcé sur Oléron, beudè en Saintonge et dans le Sud des Deux-Sèvres, ...

    Face à ces formes, on trouve des formes attendues vô ou vyô ailleurs en Poitou et Angoumois. On trouve des formes avec conservation du -d- intervocalique jusque dans l’ancien Maine néanmoins vydô.

    Je ne m’aventure pas avec précision dans la variabilité de l’oïl, il semble clair que celle-ci est immense et que le -d- intervocalique roman héritier de vitellu a pu se maintenir.

    En revanche, les formes avec b- initial sont vraiment étranges, encore plus celle de l’île d’Oléron avec un -t final sonore ! Soit il y a eu croisement avec baudet, soit c’est la preuve que ce mot est migratoire et que le mot pour veau dans un grand espace Ouest entre Gironde et Loire a été pris au gascon, soit il a existé un phénomène de bêtacisme en poitevin-saintongeais et en gallo.

    Je pense que l’hypothèse migratoire est une solution probable car dans l’ALF, contrairement à l’ALG, pour les points de la Grande Gavacherie, on trouve des formes oïliques plus attendues comme vdè (qui peut être un emprunt au limousin adapté, ou une évolution oïlique que nous ignorons). Il y a donc concurrence de termes.

  • Rappeler l’histoire et la démographie et non seulement la pure linguistique peut éclairer la répartition des formes d’oïl étonnamment proches de celles d’oc.
    Les ravages (si souvent oubliés) de la guerre de souveraineté entre les Plantagenêt et les Capet en région picto charentaise, puis l’impact monstrueux de la peste ont conduit à un repeuplement "francophone" qui a fait basculer la plus grande partie de la région de l’oc à l’oïl en conservant ici et là quelques traits du substrat précédent (rappellons nous entre autres que la cour de Poitiers fut un temps occitanophone). Les formes bodèt et autres en sont vraisemblablement la trace.
    Comme pour la toponymie,(ex : terminaison des noms de lieux en -AC ) l’ancienne extension des parlers d’oc comme des parlers celto-bretons peuvent expliquer l’apparente aberrance de certains vocables locaux dans des parlers devenus par ailleurs incontestablement "français" (gavaches, gallo) depuis longtemps.


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