La dialectologie et la toponymie au service d’une géographie préhistorique Tederic M.

- Tederic Merger

[Fernand Braudel, Identité de la France, Arthaud 1986, Flammarion 1990] :
"Les patois - ou pour mieux dire les dialectes et parlers locaux - ne témoignent pas seulement des réalités des XVIIIe et XIXe siècles.
La dialectologie et la toponymie - l’étude des noms de lieux -, branches actives du travail des linguistes, offrent, sur le passé lointain de notre pays, un prodigieux gisement de connaissances que ni la géographie traditionnelle, ni l’histoire la plus nouvelle n’ont encore exploré.
Le mérite de Pierre Bonnaud, un jeune géographe, est d’avoir réalisé la première tentative sérieuse pour incorporer ces richesses et témoignages aux discours explicatifs de la géographie et de l’histoire.
[...]
le patient travail de Pierre Bonnaud vise à reconnaître, à travers de multiples signes linguistiques, les « ethnies », ces « cellules fondamentales » très anciennes qui, lors de la première et si lointaine occupation des sols, ont marqué chacune, à jamais, une « unité territoriale » plus ou moins vaste, à la fois dans son paysage et dans sa culture profonde.
Quelques bouleversements qu’elles aient subis ultérieurement, « leurs noyaux resurgissent de toutes les tempêtes ». Là se trouve la clef des permanentes diversités de notre pays. Diversités reconnaissables bien qu’érodées, aplanies par l’ennemi, par l’Etat qui, à partir d’un espace dominant, le Bassin Parisien central, à partir d’une langue nationale, a poursuivi une tâche de lente absorption, de lente uniformisation."

Pierre Bonnaud a déjà été mentionné ici et là sur "Gasconha".
Ce que publie Braudel en 1986 incite à le lire.

25 ans après, qu’a-t-on obtenu en suivant cette piste, et spécialement concernant la Gascogne ?
Tout en sachant que 25 ans, c’est court, pour la recherche fondamentale.

Et (question totalement distincte de la précédente) ces 25 dernières années ne sont-elles pas en train d’effacer la diversité qui s’était, selon Bonnaud et Braudel, perpétuée depuis la nuit des temps ?

Grans de sau

  • Bonnaud est à lire de toute urgence. Sa meilleure carte de visite est d’être sur la liste des bêtes noires de l’occitanisme. Son travail est tout simplement fondamental et ce seul éloge du grand Braudel réduit à néant tous les commentaires de ces crétins d’occitanistes qui ne produisent strictement rien de scientifiquement valable, en dehors de leurs sempiternelles invocations dogmatiques. Un Braudel = 2000 Sumien (Et encore !)

  • Les idées de Bonnaud sont intéressantes et résumées ci-après dans le lexique en lien :
    auvergnelangueciv.pagesperso-orange.fr/lexique

    Maintenant, je crois aussi qu’il a peut-être tendance à trop individualiser les pays du Massif Central, probablement, sans faire de mauvaise psychologie, pour réconcilier sa généalogie personnelle.
    La relation entre les limousinophones et les hommes d’oïl d’Angoumois était au moins aussi conflictuelle que celle des Gascons avec les Saintongeais.

    Je suis d’accord pour faire du fait "oc" ce qu’il reste par miroir de l’avancée culturelle oïlique.
    Mais si le Limousin et l’Auvergne sont restées plutôt méridionaux, et pas la Saintonge ni le Lyonnais, c’est qu’il y a des raisons ...

  • J’avais pensé aussi que P. Bonnaud avait une inclination personnelle à concilier Oc et Oïl dans un groupe roman central un peu large, du Poitevin au francoprovençal (mais pourquoi ne pas y inclure aussi le romanche, le ladin et le frioulan ? tout dépend des traits qu’on retient).

    Cela ne retire rien à la valeur de son énorme travail accompli dans des conditions physiquement et moralement éprouvantes.
    Il est assez rare qu’un géographe en remontre aux linguistes (ou proclamés tels).

    Les noms de lieux permettent de retrouver les substrats et l’aire ancienne des langues.
    Croisés avec d’autres données, ils sont un instrument d’enquête.
    C’est évident pour l’aquitain, le vieux-celtique, le gascon et le basque, pour le norrois (Briquebecq, Honfleur), pour le breton, pour le germanique (Wissant), pour les implantations des peuples de l’Antiquité tardive (Bretonvillers, Goux de *Gotones, etc.) qui dessinent le portrait ethnique de la Gaule romaine bien avant la France.

    Toutefois l’enquête est difficile parce qu’elle fait appel à plusieurs disciplines et que les universitaires se contentent souvent (pusillanimité, paresse ou médiocrité routinière) de puiser dans ce qu’ont écrit leurs collègues spécialisés (= précocement sclérosés). À moins qu’ils ne se laissent aller aux approximations qui les arrangent.
    Le temps des D’Arbois de Jubainville, F. Lot, A. Dauzat, A. Longon, L. Fleuriot, et al.) est passé...

    Quant à la géographie rurale, c’est le parent pauvre. Le travail de Bonnaud est à cet égard exceptionnel.

    Malgré les fatalités géographiques, les "pays" n’ont pas tous la même ancienneté. Par exemple, Soubestre et Chalosse, qui se recoupent partiellement.
    Les limites primitives ne sont pas toujours connues. On réclame une synthèse pour la Gascogne.

    Quant aux pays modernes, ils s’effacent comme le reste, se confondant avec les diverses circonscriptions actuelles ou avec les ’terroirs’. D’où la nécessité de les réactiver comme repères identitaires.

    Pour une vulgarisation intelligente je signale les deux gros volumes très bien renseignés de Ziegerman, ’Le guide des pays de France’, Paris (Fayard), 1999.

  • Il y a le livre d’Anne Zink qui fait ce travail pour la Gascogne, bouquin très précis.

    "Pays ou circonscriptions. Les collectivités territoriales de la France du Sud-Ouest sous l’Ancien Régime"

    http://books.google.fr/books?id=DmIi1dn25eMC&lpg=PP1&hl=fr&pg=PP1#v=onepage&q&f=false

  • Bonnaud est encore vivant et on peut se procurer sa thèse directement auprès de lui, en lui écrivant.


Un gran de sau ?

(connexion facultative)

  • [Se connecter]
  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Ajouter un document

Dans la même rubrique :


 

Sommaire Noms & Lòcs