Les annonces du TER dégasconnisent à tout va !

- Tederic Merger

La voix enregistrée d’hôtesse du fer qui annonce les gares de la ligne Bordeaux-Langon dégasconnise ce qui peut encore l’être :

 Saint Médard d’Eyrans : "Saint Médard d’Eran" (prononciation locale - à vérifier quand même qu’elle n’est pas oubliée par la population : "Eÿran"),

 Portets : "Portè" (prononciation locale, ça c’est sûr : "Portès")

 Arbanats : "Arbana" (prononciation locale : "Arbanas"),
sans compter bien sûr "Vil’nav’ d’Ornon", mais faut pas rêver...

Curieusement, "Podensac" a échappé au massacre, puisque la voix du Conseil régional d’Aquitaine et de la SNCF ne le prononce pas "Podansac".

Côté landais, on est sans doute aussi condamné au pire, avec la prononciation d’Ychoux et de Labouheyre...

Grans de sau

  • Mais dans un sens, ne reflètent-elles pas la prononciation majoritaire in situ ? La prononciation locale n’est plus la prononciation des habitants des lieux en de nombreux endroits ... même de la part d’anciens autochtones. Ainsi sur Toulouse, prononcer "Mu’rètt" ou "Empa’lott" (ce qui se dit "Mu’ré" et "Âmpa’lo") est une invitation à la moquerie (ou à l’incompréhension : j’en ai fait l’expérience sur Empalot pourtant auprès d’un Couseranais sur Toulouse). Sur Bordeaux, on ne me comprenait pas plus quand je disais "Eÿzine" pour Eysines (prononcé "Ezinn"), "Cénon" pour Cenon (prononcé Ceunon), ... Je ne me suis jamais aventuré à prononcer correctement la rue "Saint-James" de peur d’être incompris. Sur Pau par contre, c’est assez curieusement un phénomène inverse : certains croient qu’il est bon de prononcer le r final dans Bougarber ou Montaner (ce dernier de plus en plus immuablement prononcé "Montanair"). Les z finaux d’Orthez ou Arthez sont de moins en moins prononcés "ss". Sans oublier la moquerie traditionnelle : "alors comme ça vous prononcez Lagoss et Uzoss, mais pas Bordèreuss ou Tarbeuss ?".

    • Pour Portets et Arbanats, je pense que la prononciation "Portè" ou "Arbanà" est encore rare. Je ne l’ai jamais entendue que dans ces annonces, qui m’ont d’autant plus choqué.
      J’ai encore écouté des jeunes qui sont montés dans le train samedi dernier : une jeune fille disait "Portèts" en prononçant le "t" et le "s".
      Moi aussi je dis comme ça, mais les autochtones prononcent le "s" mais pas le "t" ("Portèss", "Arbanass").

      Je n’exclus pas que les nouveaux arrivants disent "Portè" ou "Arbanà", mais je pense qu’ils sont encore ramenés à l’usage local par la prononciation qu’ils entendent.
      Par contre, la généralisation de ce type d’annonces risque de faire pencher la balance dans l’autre sens.

    • Communes de Lourdes et Julos : noté voici trente ans une double prononciation pour le col de Socs : / so / et / soks /, de la part de gens du coin.
      Hagetmau : la forme / hajet / est encore connue. Un jour on dira / agett’mo /.
      Il sufit parfois d’un instituteur, d’un maire ou d’un gros propriétaire pour faire basculer la pronociation.

      P. J.-M. 

  • quelqun peut-il nous donner l’adresse SNCF TER idoine pour une lettre ou un mèl demandant à changer cette situation ?

  • Qui peut nous donner l’adresse mèl ou postale pour demander à la SNCF que cela change ?

    • "Bonjour,
      Je trouve choquant que les nouveaux messages d’annonce dans les TER Bordeaux-Langon ne tiennent pas compte de la prononciation locale et régionale des noms de gares.
      C’est le cas particulièrement pour les gares de Portets et Arbanats.

       Portets : les annonces prononcent "Portè" (prononciation locale : "Portès")

       Arbanats : les annonces prononcent "Arbana" (prononciation locale : "Arbanas")
      Il est encore largement connu que, dans l’aire gasconne, "on prononce toutes les lettres" (en fait les consonnes finales des noms).
      Le Conseil Régional d’Aquitaine devrait défendre cette différence emblématique de notre région, et coller aux usages traditionnels de sa population.
      Adishatz !"

      (envoyé le 11 février 2011 par le formulaire http://www.ter-sncf.com/Regions/aquitaine/Fr/Transverses/Contact/Default.aspx)

      Je pense qu’il faut trouver encore d’autres canaux.
      C’est un problème général : celui de l’uniformisation par une prononciation/accent standard sur toute la France.
      Après avoir perdu notre langue, nous sommes dépouillés des derniers signes d’appartenance à un monde lingüistique propre.
      Tout accent régional est marginalisé, exclu du monde officiel des annonces publiques, et sera vite considéré comme ridicule...

    • C’est la triste réalité d’aujourd’hui,en effet.Merci pour l’adresse,Tederic ;je vais en faire autant.

  • C’est pire que ça : la voix automatique du TER a longtemps annoncé en effet "Labouère" avec l’accent plat septentrional bien convenu.
    A la suite de protestations d’usagers, on a recomposé la voix en question pour faire de l’accent. Et ça donne un incroyable et risible "Labouhéiiirre" à croire que la SNCF se fout de nous !

  • C’était plutôt Labwèrr, Labouére est encore bien trop méridional et optimiste. On ne finit pas de descendre, le karma sans doute.
    Comme disait Jules, vae victis.

  • Après l’ineffable morsã enregistré, pour morsês (Morcenx), voici Coarraze-Nay qui devient /’ko araznaj/ au lieu de /kwarazë naj/. Le panneau digraphe mode IEO n’arrange rien (heureusement que la forme administrative a conservé le y).

  • Si on pouvait échapper à YchouX et surtout au au grotesque Labouèyyrrèéé (désolé,inimitable en phonétique pour moi !) du TER Bordeaux Hendaye/Lourdes !

    • Que’t vau ajudar, Gerard :
      La votz que pronóncia "Laboué-ïre".
      On a dû leur dire qu’il fallait marquer le y, mais on ne leur a pas bien dit comment, et au lieu de le mettre en diphtongue avec le è qui précède, donc de fondre les deux voyelles, elle (la voix féminine) sépare les deux voyelles.
      Résultat : encore pire qu’avant, quand ils prononçaient "Labouère" !

      L’idée m’a quand même traversé l’esprit qu’ils faisaient exprès de prononcer mal, on ne peut pas tout-à-fait l’exclure non plus. Ou alors, entre les deux, une paresse mêlée de mauvaise volonté face à une injonction jugée régionaliste*...

      *Je suppose que ce "Laboué-ïre" est le résultat de la protestation du député Fabien Lainé sur la prononciation des noms de gares landaises dans les trains.

  • Adiu Tederic,
    Je ne crois pas que nous soyons tous deux devenus paranoiaques mais je partage ton interprétation sur l’origine de cette sotte prononciation,qui porte à mes yeux la marque d’un agacement devant des protestations antérieures sur le peu de respect porté aux prononciations locales.

  • Adishatz,
    Pour rajouter une mauvaise prononciation sur la même ligne, suite à ces effroyables dictions dans le TER en question, lorsqu’il atterri au Mont, il passe et s’arrête aussi à "ARANgosse" [aran’gɔsə] pour le bon (Arangòssa - "a" atone prononcé [ə] en gascon). Nos pauvres oreilles gasconnes en prennent un sacré coup à chaque annonce de direction et d’arrêt. Le pire dans tout cela est de savoir que les milliers de personnes qui prennent ces trains finiront pas reproduire ces prononciations fausses. Il y en a marre !
    Arengosse

    Voir en ligne : http://www.perlogascon.com

    • Justement, j’ai discuté récemment avec une amie de la prononciation de "Arengosse"... pour savoir si c’est "Aran" ou "Aren"...
      Apparemment, c’est bien "Aran" (qui viendrait directement du basque pour dire "vallée) ; mais alors comment prononcent-ils au haut-parleur du train ? je sais, c’est difficile : il faudrait écouter des enregistrements...

      PS : si je trouve mieux, je vais changer le point de branchement de ce fil de discussion, dont le sujet s’écarte de "La Voie ferrée du Médoc"... (hèit !)

  • En gascon du lieu (parler noir) on ne dit ni Arangosse ni Arèngosse, ni Areungosse mais Leungosse.
    On ne dit pas Ychoucs, ni Ychouss mais Chouss.
    Il y en a bien d’autres comme Biarnawe et pas Bilenawe (celui à côté d’Arengosse justement), Lucsoey ou Licsoey et pas Lucsèy, Moustoey et pas Moustèy.
    Bref, même ceux qui sont censés connaître le gascon ne savent pas les formes vernaculaires, peut-être à cause de la confusion que crée la graphie normée. A moins d’être un autochtone ou bien un amateur averti, comment déceler Biarnawe derrière Vilanava, Sent Delian derrière Sent Julian ? Rècouhort derrière Ròcahòrt ?
    Ainsi, comment reprocher à la SNCF quelque chose que les Gascons de 2023 ne maîtrisent pas eux-mêmes ? Je vous le demande.

    • Adiu Halip !
      Il s’agit d’annonces en français, et notre souhait minimal est que les noms des gares, qui, eux, viennent du gascon, gardent quelque chose de cette origine.
      On est donc ici dans la recherche d’un compromis, la recherche d’un standard français régional...*

      Quels pourraient être des traits importants de ce compromis ?
       garder la diphtongue ey (Labouheyre)
       garder le e final atonique tel qu’il est prononcé en français du sud (Labouheyre encore, Villenave et bien d’autres...)
       ne pas prononcer x, mais s, des noms où le x n’est pas étymologique (Ychoux à prononcer "Ichouss", "Accouss", "Morcens" peut-être...)
       prononcer "en" et non "an" (Podensac, Morcenx encore...).

       recourir pour l’enregistrement des annonces à un locuteur qui a "l’accent du midi", plutôt que de requérir spécialement quelqu’un qui ne l’a pas... là, ce serait la totalité de l’annonce qui aurait une couleur régionale, et pas seulement le nom de gare.

      *Le TER (piloté ici par la Région Nouvelle Aquitaine) peut être sensible à cette question, puisqu’il a, par exemple, accepté de mettre les noms des gares en "bilingue".
      Mais la demande d’annonces totalement en gascon est un autre sujet ; il me semble qu’il y a des essais d’en faire en alsacien dans le TER alsacien.

  • Le problème est que, désormais, la prononciation des noms de lieu à la manière autochtone sonne comme quelque chose de risible pour la plupart des allogènes. Non seulement risible mais fautif. C’est la conséquence logique de la perte de la langue, qui est le premier stade, fatal, de la perte de l’identité. Ceux qui pensent qu’on peut sauver quelque chose quand la langue a disparu se trompent lourdement, je le dis et le répète depuis des années. Au mieux une espèce de pseudo-folklore résiduel, sans véritable conscience. Un décor de façade en carton pâte avec rien derrière. Comme les faux saloons des westerns.
    Perte de la langue > disparition de l’accent > nouvelle norme imposée par les allogènes dans un milieu où les indigènes sont devenus minoritaires et inaudibles.
    Dans mon collège de Salles, où la grande majorité des enseignants n’est pas d’origine gasconne, ni même méridionale, la prononciation de noms comme Leyre ou Lapeyre, à la gasconne, passe pour erronée. Ce qui donne Lèrr (avec des trucs du style L’Eyre du temps) et Lapèrr (y en a pas deux). On fait la remarque une fois, deux fois et, quant à la troisième on te répond que c’est comme ça qu’on dit en français et que quasiment plus personne n’est là pour dire le contraire, la partie est mal engagée. Comme je n’ai pas envie de me fâcher avec mes collègues ou passer pour un emmerdeur, je me tais.
    J’ai cette année 6 classes, c’est à dire 159 élèves. J’ai fait le sondage en classe en posant la question suivante : "Qui parmi vous est issu d’une famille originaire de Salles, Lugos, Belin-Beliet (rebaptisé Belin-Béliet), Saint Magne ou bien d’une commune de la région ?". J’ai, en tout, 20 élèves qui ont répondu favorablement sur 159 (je ne peux pas vous donner les listes, malheureusement).
    Connaissance du gascon ? Aucun des 1000 élèves du collège n’en a la moindre idée, ou bien quelque chose de très très vague pour certains. L’accent gascon ? Aucun de mes 159 élèves ne l’a. Les quelques Lapeyre, Dubos, Dubourg, Belliard ou Lafon qui peuplent mes classes parlent avec un accent français neutre, tout comme leurs parents, qui sont généralement des quadragénaires.
    J’ai le souvenir de ma fille au collège de Biscarrosse (environ 700 ou 800 élèves à l’époque, il y a quinze ans) où elle était strictement la seule à savoir parler le gascon.
    Récemment, je leur ai fait écouter l’enregistrement de la parabole pour Salles (enregistrée en 1961), en leur expliquant que les habitants du lieu, il y a une soixantaine d’année, savaient encore majoritairement parler le gascon. Ils tombaient des nues. Même mes collègues, pourtant censés éduqués et cultivés, n’en ont aucune idée et s’en foutent énormément en fait.
    Tout ce que je viens d’écrire était aussi valable à Audenge.
    Voilà, ça fait maintenant 44 ans que je m’intéresse au gascon et à l’identité gasconne et, en quatre décennies, malgré tous les efforts faits ici et là par les vaillants que nous sommes, je n’ai assisté qu’à une dégringolade ininterrompue. C’est un fait et je ne crois pas que quelques annonces dans les gares, ou quelques panneaux bilingues y changeront grand chose. C’est bien que ça existe mais ça ne suffira pas.
    Quand je vois que le gros du combat identitaire tourne autour de la chocolatine/pain au chocolat, qui donne aux utilisateurs du premier vocable la sensation d’être des vrais de vrais, je me dis que ça ne va pas très bien.

  • A la rescousse Guillaume d’Orange : il n’est pas nécessaire de réussir pour persévérer ! Ne baissons pas les bras.
    Ce que raconte Halip est indéniable mais j’ai constaté que ce que nous disons aux allogènes dans nos villages (le mien en tout cas) n’est pas sans effet.
    Certains prennent conscience de notre identité et tentent à leur manière de s’en imprégner pendant que des natifs se rendent compote qu’il ne faut pas laisser se tarir le mince filet d’eau qui coule encore.
    Le combat pour les annonces du TER est important puisqu’il représente une certaine norme qui s’impose à tous, même aux profs des collèges de Salles, Audenge ou ailleurs.

  • "Lapèrr" pour Lapeyre m’a toujours écorché les oreilles !

  • La bien connue maison Lapeyre est, si je ne me trompe, d’origine auvergnate. On dit LapeIre. Maintenant, Lapaire, bien entendu (mais que leur manque-t-il donc ?).
    Il y a une corrélation entre
    1) l’arasement des capacités cognitives (euphémisme gentil),
    2) la tyrannie médiatique de masse venue du point de commandement (dont la circonférence est partout et le centre nulle part),
    3) les mouvements migratoires massifs,
    4) l’indifférence au temps long,
    5) l’indifférence aux notions fondamentales qu’étaient le lieu et l’appartenance.

    Tout cela s’est parfait entre 1960 et 2000 au plus tard.

    N. B. : Gérard, pourquoi parles-tu de rendre la compote, post 12 ligne 6. Nous ne rendrons rien du tout !

    Attention à ne pas confondre la forme gasconne parlée locale familière, abrégée ou affective, avec des formes moins altérées du nom, qui ont dû exister (Hayet pout Hagetmau, etc.).

  • Lapeyre était le nom d’un de mes instituteurs. Son nom se prononcait bien... Lapeyre. De même pour les patronymes Labeyrie et Bayrou, souvent écorchés dans les médias.

  • Oui,bien sûr Christian mais c’était il y a combien de temps ? Aujourd’hui il est vrai qu’on dégasconnise à tout va et ça va continuer si nous ne ruons pas dans les brancards.

  • 17-Les annonces du TER dégasconnisent à tout va !

    Ruer dans les brancards, ami Gérard ? Il n’est jamais trop tard pour bien faire mais là je me sens effleuré par l’ombre d’un doute. J’ai tenté naguère de corriger en Lapèyre l’horrible "Lapèrr" prononcé, comble d’ironie, par certaines de mes connaissances pourtant bien natives d’un Sud-Ouest tout ce qu’il y a de plus rural. En vain ! C’est peine perdue. Et il en va de même pour les autres patronymes gascons et occitans déformés et francisés par les descendants d’autochtones quand ce n’est pas par les autochtones eux-mêmes comme j’ai pu le constater plus d’une fois.

  • Ruer dans les brancards, pour moi, ça commence par écrire aux responsables de la région gérante des TER et leur demander de changer la manière de prononcer de plusieurs noms de stations, exemples à l’appui .

  • je vais vous en raconter une bonne
    je m’appelle CASTAGNET donc on prononce l t final avec l’accent é
    eh bien pour le faire entendre à tous c’est très compliqué et j’ai parfois je l’avoue renoncer :
    j’ai droit à Castagné, Castagnai, quand ce n’est pas Castagnette, bref de quoi piquer une grosse colère
    Alors entendre Lapaire au lieu de Lapeyre à aussi le don de m’énerver.

    ben a vosauts
    portets pla

  • Je partage tout à fait l’exaspération de Régis CASTAGNET.
    Mais tout compte fait, c’est se faire monter la tension pour rien car autant parler aux murs. Nous vivons dans une société désormais dégasconnisée, désoccitanisée, dépatoisée... Et il serait illusoire de penser que quelque bonne fée, par la vertu de sa baguette magique, pourra renverser la vapeur. C’est désolant, mais c’est la réalité.

  • Je ne crois pas.
    Un exemple personnel tout récent dans un autre domaine me fait penser qu’une intervention ferme auprès des collectivités locales (ici, la Région pour les TER) peut avoir une suite rapide et concrète.
    Ecrivons aux Régions concernées.

  • J’aimerais, Gérard, que vous ayez raison. Personnellement je pense que les collectivités locales et les "régions" se fichent pas mal de ces histoires de patronymes et de toponymes locaux estropiés tant et plus. Mais pas qu’elles, hélas. Indifférence et ignorance vont bien la main dans la main dans une société en mal de repères. Et je parle par euphémismes...

  • Pour ne parler que du TER en Aquitaine, il faut savoir que maintenant de très nombreux contrôleurs arrivent de Paris ou de régions "au nord". (Ce qui est d’ailleurs vrai également dans toute la population, et pas seulement à la SNCF !). Les messages pré enregistrés dans les trains sont lus par une parisienne.
    Avec ce brassage de population, avec cette migration nord/sud qui explose depuis peu (surtout à Bordeaux qui est devenue une ville parisienne), comment notre langue et notre accent peuvent-ils résister ?
    Un membre de ma famille habitant dans les Pyrénées me disait il y a peu : "on n’entend plus dans le village que des gens à l’accent pointu".
    Mais il y a pire encore : les jeunes autochtones eux-mêmes ont perdu l’accent de leurs parents et ont pris l’accent parigot. Pourquoi ? il faudrait poser la question à des spécialistes. Je pense qu’il y a d’abord un phénomène de mimétisme qui pousse les jeunes à copier la culture des "nouveaux arrivants" (je n’ai pas dit des "envahisseurs" !). Ensuite, cette idée que notre accent ferait "plouc" par rapport à l’accent de la capitale forcément plus fin...Sur ce dernier point, il y a effectivement débat. Mais bref...le résultat est là : on est content et plein d’espoir pour notre culture lorsqu’on s’enorgueillit de voir naître des écoles en langue occitane (ou gasconne). C’est très bien. Mais parler occitan avec l’accent parigot, n’y a-t-il pas comme un problème ?

  • Je partage tout à fait le constat de Philippe Lartigue et pour faire suite à son message, je rajouterais une anecdote (mais il y en a tant !).
    Mes collègues à Bordeaux (tous parisiens ou à peu près) qui étaient chargés de gérer les fêtes de Bayonne ou Dax dans le cadre de leurs fonctions, me parlaient des "festairs". Tout fiers d’employer un terme local, cherchant peut-être à s’approprier un tant soit peu la culture occitane ou, du moins, ce qu’il en reste pour son côté folklorique. Je leur demandai donc ce qu’étaient ces "festairs". Ils me répondaient : "Ben, c’est ceux qui font la fête, tiens", avec un air supérieur, tout contents de m’apprendre ce qu’est ma culture...J’ai enfin compris qu’il s’agissait des festayres.
    C’est là que j’ai réalisé que l’Aquitaine était en train de rentrer définitivement dans le giron des parisiens. J’assiste parfois à des réunions publiques, même dans un village et je ne peux m’empêcher de comptabiliser ceux qui ont encore l’accent du sud. Ils sont toujours minoritaires, parfois très largement. Nous devenons étrangers chez nous.

  • Alors juste pour une précision : on a rien dit du tout à la gentille dame qui annonce les stations du train... C’est une voix automatique... Ils ont dû mettre deux "ï" à la place du "y" et ça a donné ça...
    Et pour les constats... oui c’est assez terrible... Je peux dire que au bout de 5 ans d’enseignement du gascon en Comminges, je n’ai jamais eu un élève qui pouvait faire la moindre phrase sur à peu près 700 élèves... Quelques mots (ce qui est déjà mieux que pour Halip !) pour de rares élèves (dont "minja e cara’t").
    Par contre, je pense que plus de la moitié de mes élèves ont l’accent (et quand je passe l’Immortèla de Nadau, je pense aussi que plus de la moitié de la classe l’a déjà entendu).

    • C’est celle de Lisa Labouheure*.
      A écouter l’enregistrement en lien, on a l’impression d’un accent standard français, ce qui est sans doute le but recherché.
      Remarques :
       Le reportage interroge deux voyageurs sur la voix et le physique qu’ils associent derrière, mais pas sur l’accent.
       J’ai entendu comment elle prononce "Belle Rose", une station de Bègles : Bèl Rôôse ; or j’estime que la majorité des habitants de Bègles (et même globalement de Bordeaux) ne prononce pas du tout comme ça. On leur suggère donc qu’ils prononcent mal...

      *D’après ma recherche, Labouheure est un nom béarnais, que je n’arrive pas bien à expliquer.

  • Depuis longtemps admirateur de la lucidité de Philippe/Halip Lartigue et partageant les doutes fortement teintés de pessimisme de ce dernier quant au salut d’une langue morte socialement, le gascon en l’occurrence, je cède à la tentation de faire un copier-coller d’un passage de son message dans lequel tout est dit :

    Ceux qui pensent qu’on peut sauver quelque chose quand la langue a disparu se trompent lourdement, je le dis et le répète depuis des années. Au mieux une espèce de pseudo-folklore résiduel, sans véritable conscience. Un décor de façade en carton pâte avec rien derrière. Comme les faux saloons des westerns.
    Perte de la langue > disparition de l’accent > nouvelle norme imposée par les allogènes dans un milieu où les indigènes sont devenus minoritaires et inaudibles.

    Missa dictum est.

  • Bonjour Daniel,

    Tu sais, il n’y a pas grand chose d’admirable. En fait de lucidité, il s’agit simplement de constater la réalité et de l’accepter telle qu’elle est. Cette réalité ne me plaît pas du tout, j’en suis très malheureux et je la déteste. Cependant, la nier ne serait pas une attitude saine.

  • Bonjour Philippe,

    Pour moi le fait d’être lucide, de voir la réalité telle qu’elle est et non pas conformément à nos rêves, c’est une chose admirable de nos jours pour la bonne raison que ça ne court pas les rues. C’est d’autant plus admirable que c’est le plus souvent très inconfortable car nos espoirs se voient alors sévèrement malmenés. Et pour l’heure j’ai la désagréable impression que les rêveurs, les utopistes (au sens péjoratif du terme), les marchands de rêve, les brasseurs de vent, les manipulateurs et les faussaires en tous genres, mènent le bal chez nous comme ailleurs dans le vaste monde.
    Moi non plus je n’aime pas la réalité telle qu’elle est, et celle du gascon en fait partie, mais comme dirait l’autre, il faut faire avec.

    Sache néanmoins que ça fait toujours plaisir de te lire.

  • Je vous trouve bien pessimiste
    je sais bien que le PFH cher à Hubert Reeves est déterminant, mais le pire n’est jamais sur

  • Heureusement, Régis, que le pire n’est pas toujours sûr !
    Il n’empêche que si l’on envisage froidement la réalité telle qu’elle se présente à nous et non comme on voudrait la voir se plier à nos convenances et à nos fantasmes, on ne peut pas dire qu’un optimisme béat s’impose à nous comme une évidence. Il en est de la situation des langues historiques de France dont le gascon fait partie, comme de l’ambiance générale et du vivre-ensemble dont on nous a rabattu les oreilles depuis des décennies.
    La seule décision rationnelle qu’on puisse envisager, ce n’est ni verser dans le pessimisme ni dans l’optimisme, mais simplement de tenter de sauver les meubles si tant est que ce ne soit pas trop tard.

  • La première condition nécessaire à la réussite d’une lutte révolutionnaire/identitaire est, grosso modo, selon Mao Zedong et autres penseurs révolutionnaires, une avant garde extrêmement déterminée bénéficiant d’un soutien massif dans la population concernée.
    Une revendication identitaire et linguistique déterminée existe-t-elle en Gascogne ? Les Gascons, ou supposés tels, sont-ils prêts à se lancer dans une lutte agressive (quasi pléonasme) et sont-ils prêts à soutenir massivement ceux qui s’y lanceraient, dans le genre basque ou corse ?
    Sont-ils prêts à engager un bras de fer, incluant la violence, avec l’Etat français, pour créer un rapport de force obligeant ce dernier à plus de respect et de considération ? Pour l’obliger à reconnaître l’identité et la langue gasconne sur leur territoire ?
    Combien sont les Gascons ayant une véritable conscience nationale et se sentant gascons avant d’être français ? Ceux que je connais se comptent sur les doigts d’une main.
    Un véritable combat identitaire demande des sacrifices terribles dont nous ne sommes pas capables.
    En ce bas monde, tout n’est que rapport de forces et seuls ceux qui sont capables d’en créer un à leur avantage sont gagnants. Les autres, les tièdes, les peureux, n’obtiennent jamais rien d’autre qu’une espèce de condescendance confinant au mépris et, in fine, la certitude de l’effacement.
    Jusqu’à preuve du contraire, le pouvoir central français nous méprise et ne nous prend pas au sérieux. C’est la raison pour laquelle nous n’obtiendrons jamais rien de la France, si ce n’est la poursuite de la destruction de notre peuple déjà évanescent.
    La première chose que nous aurions dû faire, sans avoir recours à la violence, aurait été de transmettre massivement notre langue, malgré l’adversité, à nos descendants. Mais, même ça, nous n’en avons pas été capables.

    ITA MISSA EST

  • Allez rien n’est perdu
    Ma petite fille qui habite Toulouse apprend de l’occitan
    Elle était très fière de me dire les quelques mots qu’elle a appris.
    J’ai pu lui répondre, au temps que possible en gascon, à son grand étonnement, s’en est suivi une petite leçon de géographie et d’histoire pour lui apprendre, comment, pourquoi je savais un peu.
    Nous continuons nos échanges
    Il existe de multiples associations, regroupements, qui se préoccupe du gascon à plusieurs niveaux, ne faudrait-il pas commencer par les répertorier avant de tenter de les fédérer sur des revendications communes ?

  • Espiem entà capsús :

    « El euskera “se perdió antes cuanto más al sur”. “Lumbier era muy euskaldun en el siglo XVII, pero a finales del XVIII el euskera autóctono acabó a nivel general. En Isaba, el último hablante del dialecto propio falleció en los años 70 del siglo XX”, compara.
    “Muchas fueron las causas del adiós de este patrimonio, que desapareció en silencio y siempre de forma rápida, en apenas dos o tres generaciones. La dictadura franquista fue la puntilla final, pero el proceso venía de atrás. Desde mucho antes el castellano iba ganando terreno, y se fomentó su uso desde las instituciones, desde los colegios, desde la iglesia, mientras que las elites no apoyaron la pervivencia del euskera. Y la gente, bien por censura, por vergüenza o por ser más operativo hablar castellano, dijo adiós al euskera”. »
    Diario de Navarra : La silenciosa perdida del euskera

  • L’extrait du Diario de Navarra que tu cites, Tederic, éclaire un fait universel, à savoir l’effacement des langues ethniques, dialectales en règle générales, privées du soutien d’un peuple et en premier de ses élites politiques, religieuses, littéraires, artistiques. Si le cas du gascon était unique, ça se saurait. Hélas, l’histoire des langues comme l’Histoire avec un H, c’est celle du pot de terre contre le pot de fer. Autrement dit, c’est uniquement un rapport de force. La liste serait longue des langues, ethniques ou non, qui ont disparu en l’espace parfois de quelques générations et parfois d’une seule. Ne serait-ce qu’en Amérique du Nord, les langues "autochtones" sont en train de disparaître comme neige au soleil. Seuls l’inuit et le navaho ont une petite chance de se maintenir jusqu’au siècle prochain. Le Lakota, langue des Sioux occidentaux, en dépit des louables efforts d’une poignée de personnes dévouées, est en train de devenir une langue étrangère pour la très grande majorité des jeunes générations. Le complexe du "patois" n’est pas l’apanage d’une France incapable de se désengluer de son jacobinisme, même si ailleurs le terme de patois est inconnu. Partout les mêmes causes engendrent les mêmes effets.

  • Oui, comme dit Tederic, sauvons les meubles, en d’autres termes faisons tout ce que nous pouvons, chacun selon ses moyens.
    Ce que dit Halip (la "lutte révolutionnaire" aurait eu du sens au XVIIè siècle quand le souvenir d’une Aquitaine/Gascogne à peu près indépendante était encore fort. Au XXIè siècle,l’identité gasconne (sans parler en plus évanescent et vague, de l’occitane...) est presque perdue totalement, donc pas de lutte d’un peuple à prévoir.
    Au passage, Halip, qui a transmis sa langue à sa fille, a droit à toute notre estime, un exemple encore possible à suivre malgré l’absence d’un environnement favorable (ce qui est peu dire).

  • Oui Gérard, la conscience nationale gasconne existait encore au XVIIème siècle, même à Bordeaux avant sa dégasconisation accélérée du XVIIIème, quand elle est devenue une tête de pont de la francisation en Gascogne. Mais des facteurs historiques complexes et variés, dont la mise en place d’un Etat central fort et omniprésent, ce qui n’est pas la seule explication, ont joué contre nous. Ceci dit d’autres communautés, qui ont connu la même adversité, résistent toujours tant bien que mal.
    Quant à la transmission de la langue c’est, je l’ai toujours pensé, vital. Avec ma fille, j’ai fait preuve d’obstination et de conviction mais personne n’est jamais venu me menacer de quoi que ce soit à cause de cela. Donc, aucun héroïsme non plus. Si je l’avais fait dans le cadre d’une dictature répressive, avec sanctions et brimades, comme sous Franco en Espagne, ça aurait été héroïque. Mais là, vraiment pas. Juste quelques moqueries, rares cependant, venant la plupart du temps des fameux autochtones. Parfois de l’incompréhension et les sempiternelles réflexions imbéciles du style : "Tu ferais mieux de lui parler en anglais". Ou bien : "Elle va mal parler le français".
    C’est la raison pour laquelle j’en veux à tous ces militants gasconistes et/ou occitanistes qui ont plein de revendications, de solutions, de doléances, de rancoeur, mais qui n’ont même pas fait ce minimum chez eux, avec leur progéniture. Quelle cocasserie que de demander à l’Etat français de faire ce qu’on n’a pas été capable de faire chez soi. Bizarre. La transmission familiale, c’était la clef et ça ne demandait aucun courage autre que celui de la conviction.
    Maintenant, ces gens qui n’ont pas fait le job quémandent ce qu’on ne leur octroiera jamais en haut lieu. Je dirais tout simplement, de manière un peu triviale, qu’il aurait fallu se bouger le cul avant d’en arriver où nous en sommes arrivés.


  • Damazan
    (Pompiey)
    Carrefour du Placiot

    Aujourd’hui j’ai parlé avec un vieil habitant de Damazan (85 ans, je calcule donc une année de naissance 1938).
    En français, bien sûr, mais ce qui m’a fait plaisir, c’est qu’il prononçait les t finaux à la gasconne : le Placiot, Buzét*...
    Il roulait aussi les r.

    * Des puristes du gascon attendraient peut-être "Buzèt" (pour ce qu’on suppose être Busèth) , mais il me semble avoir entendu plutôt "ét".

  • Je me souviens, quand j’étais en poste à Moissac/Beaumont-de-Lomagne, avoir l’impression de rentrer chez moi après le passage à Cap du Bosc, dans Damazan. Ensuite, la sensation était encore plus forte à la sortie de Casteljaloux, au lieu-dit Péjouans. (Damazan)
    Attention ! Dernière station avant l’autoroute et les Landes !

  • Tederic, pourquoi voudrais-tu que des puristes prononcent Buzet avec un e ouvert alors que la finale gasconne -et se prononce avec un e fermé ? L’origine de ce toponyme remonterait, selon certains, au latin buxetu(m) , ensemble de buis. Mais alors comment expliquer que le -x- latin ait donné Buzet et non Buchet ou Bouchet ?
    Enfin, toujours est-il que si je voulais jouer les puristes, je prononcerais buzétt et non buzètt sous l’influence du français qui a donné par exemple Carpète à la place de l’ancien Carpet à Marmande.
    Buzet-sur-Baïse

  • Adiu Daniel !
    Je doute comme toi que le latin pour buis puisse donner "Buzet".
    Je ne retrouve pas les références, mais l’hypothèse "Busèth" est avancée par certain(e)s.
    Wikipédia écrit d’ailleurs "Buzet-sur-Baïse (Busèth en gascon)", et je ne me rappelle pas que ce soit moi qui l’ai mis...
    Maintenant, et c’est là que les puristes pourraient être déphasés, il n’est pas à exclure qu’un ancien èth ait fini par être prononcé comme un ét*. J’ai d’ailleurs eu récemment un échange avec Andrèu sur portanet/portanèth, qui pourrait poser un problème de ce genre. portanèth = portillon

    * Comment prononçait-on le "Muret" toulousain quand on disait encore le t ?

    Pour les profanes : le èth gascon correspond au èl languedocien (ex : castèth/castèl), et c’est parfois en cherchant le correspondant languedocien qu’on peut confirmer un èth gascon qui serait devenu douteux.
    Dans le cas présent, il faudrait trouver des Busel, or nous avons plutôt Buzet sur Tarn...

  • Adiu Tederic ! Très intéressant, ton point de vue sur un possible -èth à l’origine de Buzet. Reste à savoir comment les locuteurs autochtones prononçaient ce toponyme.
    Si je ne craignais pas de m’égarer dans des hypothèses fumeuses, je hasarderais de faire remonter Buzet à busèl qui, du moins en moyen-français, signifiait "petite buse, petit tuyau".
    Mais comme je ne suis pas dupe de mes éventuels fantasmes, étymologiques ou autres...

  • D’après Bénédicte Fénié, dans le dictionnaire toponymique des communes du Lot-et-Garonne (Cairn, 2012), ce serait Busèth, prononcé localement avec un è ouvert. Attestations les plus anciennes Buzel en 1009, Buzet en 1016 et Busello en 1028.

  • Merci Halip !
    Le dictionnaire toponymique des communes du Lot-et-Garonne par Bénédicte Boyrie-Fénié Vincent P.

    Le Dictionnaire toponymique de la Gironde est sorti !

    Notre amie Bénédicte Boyrie-Fénié (mentionnée en général sur Gasconha.com par l’abréviation BBF) apporte ici les attestations anciennes qui nous manquaient, et sont décisives.
    C’est un des points forts de ses ouvrages sur les noms de communes, qu’elle a réalisés pour au moins trois départements : le Lot-et-Garonne, la Gironde et les Landes.

    Gasconha.com/locs, qui travaille sur environ 200 000 toponymes de Gascogne*, parmi lesquels les noms de communes sont ultra-minoritaires, ne peut faire la recherche d’attestations anciennes qu’occasionnellement, par exemple par Google livres...
    * A ce jour, un peu moins de 90 000 sont validés-publiés.

  • Donc, Philippe, selon Bénédicte Boyrie-Fenié, Buzet (prononcè "buzètt") viendrait de Busel/Busello. Pourquoi pas ? Mais alors quid du Buzet tarnais et des Buzet belges, l’un faisant partie de la commune de Pont-à-Celles dans le Hainaut et l’autre près de Namur et faisant partie de la commune de Floreffe ?

  • Je n’en ai strictement aucune idée ni même aucun avis sur cette question. C’était juste pour dire ce que j’ai lu dans le livre de BBF.


Un gran de sau ?

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