Adieu Soum de Ramond, Pic Le Bondidier et Aiguille Russell ! L’Aragon redonne leurs noms véritables aux sommets pyrénéens de plus de 3.000 mètres.

- Vincent P.

Et bienvenue au Pico d’Añisclo, à la Tuca d’el Morro de Cregüeña et à l’Agulla de la Solaneta ! Ou plutôt, bon retour parmi nous ... Bel exemple dans tous les cas, chez nos voisins aragonais, de volonté de renouer avec les vraies appellations autochtones.

La toponymie gasconne, elle-même, a été massacrée et maltraitée, ça et là. Les noms des montagnes, en premier lieu (qui sait que le nom du Pic du Midi de Bigorre est une invention française des géographes du XVIIIème siècle ?).

Mais pas que : la menace, aujourd’hui, ce sont les intercommunalités nouvelles. Les communes girondines de Salignac et Aubie-et-Espessas, aux noms si gascons, sont devenues "Val de Virvée", nom grotesque, que l’on croirait tiré du pire de la poésie révolutionnaire.

Il ne suffit pas de parler gascon, il faut aussi sauvegarder les sonorités des lieux, et ne pas céder aux modes francisantes ridicules."Lotissement des Géraniums", "Clos des Lilas", ... Tout ceci est ridicule et constitue une perte identitaire : c’est l’un des combats de Gasconha.com, et certainement pas un combat d’arrière-garde, comme le montrent les Aragonais.

Voir en ligne : El Gobierno de Aragón rebautiza los 160 tresmiles del Pirineo aragonés

Grans de sau

  • Soum de Ramond n’était pas le pire cependant, de notre point de vue :
    Wikipédia :
    « Côté espagnol ou aragonais, on nomme le sommet Pico Añisclo car il surplombe le Bal d’Añisclo.
    Côté français, le nom de Soum de Ramond a été donné en l’honneur de Louis Ramond de Carbonnières, père du pyrénéisme, Soum signifiant « sommet » en gascon bigourdan. C’est le pyrénéiste Franz Schrader qui en 1872 donnera ce nom au sommet non encore répertorié à l’époque. »
    Il y avait au moins le mot "Soum" !

    On a bien pire côté Pyrénées françaises, et même pour les simples lieux-dits qui, souvent gascons (quand ils ne sont pas vascons), sont souvent estropiés. Il suffit d’aller sur Géoportail avec notre bagage gascon pour voir les dégâts, ou au moins de nombreuses raisons d’insatisfaction.

    Parmi elle, l’absence massive de l’article pyrénéen, qui pourtant est ici et là repérable grâce à notre sagacité : par exemple, pont de capdéralanne, 65710 Campan.
    Cap d’era lana (Bout de la lande)... Le nom n’est pas amoché, l’article pyrénéen y est, mais quand même, cette manière d’écrire tout collé le masque, c’est le contraire d’une graphie des lieux-dits qui ouvre au milieu, à la culture et à la langue locale !
    Ensuite, il y a bien pire encore. Mauvaises coupures, confusions...
    Rien qu’en restant près de mon pont de Capdéralanne, je vois déjà un "Pla des Chars" qui me parait suspect : d’Eishart ? Je vois la Coume d’Echarts (Coma d’Eisharts - là c’est clair) pas loin, qui confirme mon soupçon...
    Le nouvel Institut occitan fusionné va-t-il s’occuper de ce genre de choses ? Briga segur...

    Mais bien sûr, je partage la préoccupation exposée ici par Vincent, qui est la préservation des noms du cru face aux renommages savants, touristiques et autres.
    Comme souvent, il y a plusieurs combats en même temps.

  • Je dis bravo à Vincent et Tédéric.

    Mais compter sur un Institut "occitan" (quels que soient ses avatars) pour retrouver les graphies autochtones, témoins naïfs de la prononciation de jadis, cela me parait une gageure.

    Et changer « Echarts » par « Eisharts », c’est faire de l’« occitan » : nos ancêtres devaient écrire « Eixarts », comme Azereix en Bigorre, attesté en 1286, ou Soeix en Béarn, attesté dès 980… Noms que les officiels français ont respectés, parce que les notaires et édiles du pays les avaient conservés.

    Mais aujourd’hui, les édiles comptent sur l’INOc pour leur dicter comment écrire leurs lieux-dits ! Et je doute que ’I.B.G. soit en mesure de rétablir les noms authentiques…

    • Entendons-nous bien, Mèste Lafitte :
      Je ne veux pas à tout prix remplacer « Echarts » par « Eisharts » ! Ce n’est pas « Echarts » (dans Coume d’Echarts) qui me gêne, mais "des Chars" (dans Pla des Chars) ; et justement je disais que Coume d’Echarts (Coma d’Eisharts en alibertin) éclairait le vrai sens de "Plan des Chars".
      Mon souci n’est pas donc pas ici la graphie mais le sens du nom, la graphie officielle française faisant passer un sens absurde.
      Ensuite, je trouve que eishart est bien, très lisible et plus étymologique que echart. Je ne rejette pas en bloc la graphie alibertine et suis préoccupé par les dégâts de la querelle des graphies.
      A propos du x : je comprends bien l’attachement à cette notation enracinée en Gascogne, mais il parait que ce x est maintenant prononcé ks (Azéreks) !

  • C’est comme "Seix" en Ariège, prononcé par "Sex". Hmm. Du coup, tous ses magazins sont des "Sex shops". Une sacrée ville de libertins. En gascon, c’est "Seysh". C’est une déformation totale du nom originel dû à l’orthographe, elle-même originelle. Ce n’est pas si simple que ça, ce -x, comme le dit Tédéric.

    Logiquement, ça devrait même être "Plân deths E(i)sharts" parce que "Plân d’E(i)sharts", à moins que cela ne soit en lien avec un nom de famille, ça ne veut rien dire.

  • L’exemple que tu donnes, Renaud, avec le Seix ariégeois prononcé comme "sex", n’est hélas pas le seul. Dans les PA, Mirepeix est couramment prononcé "Mirepèks" même par la plupart des ruraux. De même que Baudreix déformé en Baudrèks. Quant au patronyme Gabaix, personne ne se hasarderait à le prononcer autrement que "Gabèks".
    Le rouleau-compresseur d’une francophonie omniprésente a été d’une efficacité redoutable. Ses ravages sont irréversibles. L’éternelle et universelle histoire du pot de terre et du pot de fer.

  • Je rebondis sur ce Renaud dit "Logiquement, ça devrait même être "Plân deths E(i)sharts" parce que "Plân d’E(i)sharts", à moins que cela ne soit en lien avec un nom de famille, ça ne veut rien dire."

    Euh... pas sûr. Du moins je puis rapidement trouver quelques contre-exemples dans ma vallée tels "Pont de Camps" "Houns de Gabes"...
    Il me semble que l’article défini en patois est moins systématiquement requis qu’en français (dont c’est d’ailleurs un trait récent non ?).

  • Moi, je pense plutôt que c’est un "deth" qui a sauté et qui s’est transformé en "de" qd le toponyme s’est fossilisé. On le voit beaucoup dans les sobriquets des maisons, par exemple à Nistos, là où j’habite "en çò de Maire" pour les plus jeunes, il y a 50 ans, le maire vivait ds cette maison. Chez les anciens, on l’entend bien "en çò DETH Maire". Après, des toponymes avec des noms qui ne sont plus employé ds le langage courant, ont pu être déformé. Peut-être "eishart" n’était plus ds le langage courant.

    Mais rien que comme ça "Pont de Camps", c’est clair que on doit encore entendre "Pont deth Cam" chez les derniers locuteurs. C’est comme si on disait en français "le Pont de Champs", alors que c’est "le pont DU champs"... Et la fontaine, si elle a un rapport avec le "gave", c’est aussi forcément "era Hont DETH Gabe"... D’autant plus que les substantifs sont ici clairs et du langage courant.

  • Hypothèse :
    eixart > xart > deths Xarts > ’’detcharts’’ > d’Echarts
    ( Il suffit de vérifier si xart existe)

    Pour rebondir sur ce que dit Daniel, rappelons que -eix limousin/périgourdin/auvergnat (Duvaleix, Firbeix, Boulesteix, Theix...) se dit -é.

  • Non Gaby parce que phonétiquement, ça fait :

    échart => chart, pourquoi pas

    Mais "deths charts" ça sonne comme ça : "déss charts", on n’entends pas le "t" au pluriel. Donc, au pire, ça aurait pu être écrit "De Scharts"...

    Pour moi, c’est sûr, c’est "Cap deths Eisharts" (cap dedz écharts), ça ne peut pas être autrement.

    Et idem, Tederic, pour "Pont deth Cap dera Lana". "Un Cap dera Lana", il y en a un à Sost (65) où j’ai fait pas mal d’enquêtes et tous disaient "eth Cap dera Lana". Mais ce phénomène de mauvaise compréhension, voire de mauvaise écriture du "deth" est très fréquent. Même quand les gens écrivent leur sobriquet de maison, par exemple "çò de Tistalhèr" au lieu de "çò deth Tistalhèr".

    L’article pyrénéen est un grand problème dans la toponymie car il est vraiment compliqué. Par exemple, à St Girons (09), un rond-point qui s’appelle "rond-point de Chaure". Il faut comprendre "deth haure". Cette mauvaise coupre est extrèmement courante. Par exemple en Barousse qui connait le même phénomène de palatalisation de "eth" devant un "h", bcp de sobriquets sont écrit "etch castèth" par exemple...

  • Pour ses 161 + de 3000 l’Aragon récupère ses oronymes traditionnels,quand ils existaient (100) , bravo.
    Sauf que l’Aragon a tendance à aller vite en besogne notamment sur les crêtes frontières où les appelations gasconnes/françaises disparaissent quasi systématiquement. Les pics des cascades à Gavarnie sont remplacés par d’autres noms du plus bel effet au motif que du versant aragonais on ne peut voir les cascades caractéristiques du versant nord. Même chose pour le Balaïtous "Vath laitos" devenu pic Moros sans doute parce que le fond enneigé de la vallée versant nord n’était pas visible du versant sud et ne pouvait justifier le qualificatif de "val laiteux" pour le sommet qui la domine. Un minimum de concertation avec les voisins aurait évité la pagaille à venir de doubles appellations selon les cartes utilisées. Désormais il vaudra mieux se fier au GPS pour ne pas s’y perdre.

    • Il est logique que les Aragonais aient eu leur propre manière de nommer les sommets de leur versant, y-compris frontaliers, non ? Cela ne me choque pas, au contraire, il y a une excitation véritable à ce qu’un même pic possède plusieurs noms, c’est la richesse du pays, et des lieux où les langues se croisent.

  • Du point de vue linguistique certes plus il y a de noms divers pour un même endroit plus on s’amuse.
    C’est en tant que pyrénéiste et pour des raisons pratiques et de bon sens que je juge la profusion des noms un tantinet pagaillouse car les noms surtout en montagne ont une fonction et gagnent à ne pas prêter à confusion ne serait-ce que pour des raisons de sécurité. C’est pour cette raison que je regrette que ce travail légitime de récupération n’ait pas été concerté avec toutes les parties prenantes professionnelles, linguistiques, politiques des deux états riverains. Le risque étant des cartes et autres documents aux dénominations divergentes, car non accordées, selon la nationalité des éditeurs et autres serveurs.


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