"¡Que no sea el francés !"
"Pourvu que ce ne soit pas le Français !"
C’est ce que vient de dire, à la cérémonie des Goya que je regarde distraitement sur TVE par exotisme, l’acteur chargé de remettre le prix du meilleur directeur de la photographie.
En effet, parmi les nommés, se trouvait Jean-Claude Larrieu, né à Montastruc (65), en Bigorre.
Larrieu est vraiment un patronyme très gascon, par sa distribution. Bien évidemment, il est maquillé : c’est le gascon L’Arriu, "la rivière", à prononcer Larriuw, maladroitement graphié parfois Larriou.
Ce son diphtongué, les générations actuelles ont du mal à le prononcer (et ne parlons pas du double r roulé). Tiens, voilà que l’acteur s’excuse, de peur qu’on l’accuse de xénophobie et rassure : "c’est juste pour la prononciation".
Oui, pour un hispanophone, il est clair que "Larrieu" est quasi imprononçable : aucune espèce d’accent tonique, r grasseyé à la parisienne, et cet abominable "eu" final (le même qui pose problème aux hispanophones qui s’essaient au catalan oriental, la norme de Barcelone).
Et je me suis mis à songer : nous devons être la première génération qui constate l’incapacité d’un hispanophone à prononcer aisément un patronyme gascon. Jean-Claude Larrieu serait né Joan-Claudi Larriu, ou Yan-Glaudi, peu importe, il est probable que jamais son nom n’aurait été perçu pour bien plus étrange qu’il n’est vraiment. Au pire, quelque chose d’un peu catalan.
Au fond, nous avons là une illustration nette du grand paradoxe des dernières décennies : France et Espagne n’ont jamais été aussi ouvertes l’une sur l’autre via l’UE mais jamais les populations des deux côtés de la frontière n’ont en réalité été aussi étrangères les unes aux autres, des décennies d’État-Nation obligent.