Humeur

- Gerard Saint-Gaudens

Ce matin à Bidache (une vraie principauté, pour le coup, pas comme Laas !) une Bidachote me remettait deux packs de bière Eguski (la bière locale de Bardos, normal on est en pays charnègue), gagnés à la kermesse paroissiale le mois dernier.
Elle est d’origine toulousaine et son mari est basque, agriculteur dans le village. Je lui demande quelle est la langue familiale, le gascon ou le basque : "le basque pour mon mari, moi je ne le parle pas mais les enfants parlent occitan, appris à l’école du village (école publique bilingue, une rareté).
J’insiste : ah, gascon alors ! "Non, occitan ". Et moi d’expliquer que c’est le nom donné à l’école mais qu’en fait c’est bien le gascon parlé dans la région que les enfants ont dû apprendre.
La dame ne me contredit pas, un peu par politesse m’a-t-il vaguement semblé (toulousaine et donc sans doute purement francophone, savait-elle vraiment identifier le parler local ?) ; je ne suis pas sûr de l’avoir convaincue et à par moi, je commençais presque à douter de la validité de mon explication...
Bon sang, mais quand l’enseignement se décidera-t-il à appeler nos langues de leurs vrais noms ?

Grans de sau

  • Quand l’enseignement se décidera -t-il à appeler nos langues de leur vrais nom ?
    Je crois avoir la réponse : JAMAIS ...et ce qui ce passe à Bidache , ce passe sur l’ensemble du territoire GASCON ...à part quelques exceptions qui tiennent plus au courage de certains enseignants qu’à une volonté officielle .
    Si vous voulez que la langue Gasconne soit reconnue ,il va falloir d’abord faire reconnaitre la Gascogne et son identité . En convaincre les Gascons eux-même , former des groupes de pressions , et interpeller nos institutions locales et nationales . A j’oubliais : demander la permission à Occitanie : cela peut aider .

  • Cela signifie qu’on ne s’est pas donné la peine de d’expliquer l’équivalence (supposée) entre "gascon" et "occitan". La contradiction interne va loin, surtout si l’enseignement est donné... en gascon.

    Mais qui décide des appellations, pourquoi, et quels sont les canaux de transmission ?

    Le fantasme pan-occitan a pesé lourdement sur la définition, souvent fautes d’objecteurs motivés. Les accointances politiques aussi.

    Il suffit d’un secrétaire dans un ministère ou d’experts ad hoc.

    Le petit jeu des appellations officielles :
    Tantôt on refuse l’accession du flamand au maigre bénéfice de la loi Deixonne (1951) parce que ce n’est qu’un "dialecte" ; tantôt on promeut l’"alsacien" pour éviter l’appellation officielle "allemand d’Alsace-Moselle et ses dialectes", dangereuse pour la politique d’Etat (années 1970 et suivantes) ; tantôt on cède à certains réseaux amis pour faire passer l’occitan global, quitte à rectifier par la suite décrets et circulaires par des "et variantes locales (dauphinois, nissart, gascon et béarnais...", à quoi le grand public qui ne connaît d’autre appellation que "patois" n’accorde guère d’importance. D’autant que les parlers étaient encore assez vivants il y a quarante ans.

    On se retrouve un jour face à l’idée que l’occitan est la langue écrite, le gascon (quand le mot est connu) une variante, et le patois un occitan dégradé.

    Si des enseignants utilisent la désignation "occitan" alors qu’ils emploient le gascon, alors c’est un abus, et un écran entre l’appartenance réelle et le fantasme occitaniste, et ce qu’on leur a enseigné. Cela a été cent fois traité sur ce site...
    En pays gascon "occitan gascon" est inutile, "occitan" tout court est inacceptable (Manifeste gascon).

    Il serait logique et souhaitable qu’un gascon normé, qui intègre tout ce qui peut encore être sauvé, prenne le relais des parlers dans la perspective d’un renouveau. Mais si cela doit se faire sous le nom "occitan", cela mène à une sorte de déni de réalité et de porte-à-faux cognitif. A moins qu’un occitan de synthèse, supra-langue d’un milieu, ne s’impose comme référence à des populations déqualifiées.

    Ce n’est pas qu’une histoire de crédits. Les promoteurs de la langue occitane "aux six dialectes" (il y a un bon demi-siècle) n’ont pas trop pris garde aux appartenances populaires autres que linguistiques, même si pratiquement ils ont édité des manuels pour chaque aire (dont le gascon). Mais ce temps n’est plus, et l’Occitanie s’est durcie en coquille creuse.
    C’est le tout-linguistique.
    Cette Occitanie-là est une idée abstraite, très française, sorte de méridionalisme, beaucoup moins réfléchi que le vieux Félibrige, mais plus militant.

    Il faut compter aussi avec l’ignorance administrative. Savoir ce que cherchent les parents.

    Ce qui est au fond de la question, c’est la définition du peuple.
    L’occitanisme militant aurait pu être une grand chose, et il a donné des résultats que certains ont stupidement décriés ou jalousés, c’est sûr. Mais pour le gascon, le résultat est maintenant un trouble dans les esprits, qui nuit à l’appartenance.

    Mais quand les enseignants et les associations réagiront-ils ? Quand les responsables appelleront-ils les choses par leurs noms ?

    Il est vrai que l’appellation "gacon/ne" apparaît ici et là, mais en position subordonnée, mineure.
    Trop proche du terroir ? Trop distincte du discours convenu et faux sur lequel repose la pan-Occitanie ?

    L’explication n’est pas que dans les circulaires.


Un gran de sau ?

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