Le maire gascon transforme l’essai !

- Gerard Saint-Gaudens

J’avais déjà écrit il y a presque 4 ans combien le maire actuel de Carcarès Sainte-Croix, Philippe Dubourg, paraissait un bon défenseur de la ruralité gasconne :
Des maires gascons
Il vient de le prouver de façon majeure en refusant le PLUI du Pays Tarusate (Sud Ouest, édition sud Landes du 23 septembre).
Malheureusement l’article de Guy Bop (très bien analysé) n’est pas en lecture libre.
Pour résumer, Ph. Dubourg critique ce plan en plusieurs points :

 concentration urbaine tendant à l’abandon des territoires ruraux,
 concentration des zones économiques autour de Rion, Tartas et Pontonx,
 abandon de la zone d’activité de Champigny( *) en bordure de la quatre-voies,
 rôle ambigu des services de l’Etat imposant des normes urbaines dans les zones rurales et technique discriminatoire du développement de la fibre optique,
 vision centralisatrice du document conduisant à l’élimination des quartiers au profit de centres bourgs dortoirs,
 manipulation visant à sélectionner les Stecal (« zones naturelles,agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées » **),
 manque de démocratie dans le processus (réunions publiques seulement dans les communes de plus de 1000 habitants), plaquettes technocratiques à l’appui,
 arbitraire de quotas trop restrictifs (l’article ne dit pas de quoi).

Au total, l’élu dénonce l’accentuation de la fracture entre urbain et territorial : « la ruralité est morte en pays tarusate, comme ailleurs, avec trois pôles principaux seulement ». Et de regretter la « pensée unique de la concentration, entrainant de ce fait les diverses désertifications de nombreuses zones rurales… concentration acceptée par la grande majorité des éus (NB il est le seul opposant, une autre élue s’étant abstenue)... "Qui va vouloir vivre dans des villages décrédibilisés par une vie de plus en plus centralisée,métropolisée ?  ». Et en conclusion M. Dubourg pointe la malheureuse cohérence entre le SCOT Pays Adour-Chalosse-Tursan et le PLUI tarusate qu’il chapeaute, « SCOT passé au dessus de la tête des citoyens ».

Et au fait, le livre de M.Dubourg annoncé en 2015 est bien sorti deux ans plus tard sans que nous l’ayons repéré ici (un mauvais point pour nous !). Il ne peut que nous parler :
« Ainsi fait-on mourir un monde, l’extinction des sociétés paysannes » (éditions Gascogne).

sudouest.fr/2017/11/23/ruralite-deshumanisee-3972430-3567.php
*Voir aussi le blog www.philippe-dubourg.fr

*un nom peu gascon, sorti d’on ne sait où…
**encore une belle création technocratique faite pour noyer les petits poissons, peut-on craindre !

Grans de sau

  • Nous avions eu il y a quelques années un débat sur les figures d’Yves d’Amécourt et de Philippe Dubourg : que signifie la fin de la commune comme entité d’action publique ?

    Pour ma part, j’y vois plutôt la conséquence d’une restructuration des activités économiques : si la commune perd de sa pertinence, c’est qu’elle n’était pas le bon échelon pour les compétences qui lui furent transférées lors de la première vague de décentralisation des années 80.

    Dans tous les cas, je n’assimile pas la fin de la commune, et de ses marges d’action, à celle du monde rural, je pense même le contraire en réalité : l’action des maires, obsédés d’aménagement, de ressource fiscale et de rayonnement, a bien souvent encouragé la rurbanisation, via l’étalement urbain dont le symbole le plus frappant est le lotissement. Il n’y eut rien de pire que la concurrence des communes entre elles pour attirer les foyers nouveaux.

    À cet égard, le contraste entre le centre-ville de Tartas, désertifié et atone, et Carcarès, comme un lotissement américain encadrant une vieille église médiévale est saisissant : toute politique qui chercherait à réorienter les circuits économiques, démographiques ou administratifs vers une ville-centre comme Tartas, tout en rendant aux exploitations agricoles subsistantes les terres que la pression foncière leur fait perdre, a toutes mes faveurs. S’il faut choisir entre Tartas et Carcarès, mon choix est fait : c’est Tartas la ville.

    Je ne doute pas de l’attachement gascon de Monsieur Dubourg, mais je m’interroge sur le fait de savoir s’il n’associe pas trop étroitement sa frustration à ne plus pouvoir développer Carcarès selon des modes que je crois dépassés (la zone d’activité de Champigny a-t-elle à cet égard un quelconque intérêt local ?) avec la fin annoncée du monde rural, quand au contraire, l’idée de recentrer autour d’une ville-marché, lieu de rencontre, est le gage d’un redéploiement parallèle d’une véritable ruralité autour de Tartas.

    Pour dire les choses plus concrètement : quel intérêt Carcarès aurait à ne pas jouer collectif autour des petites villes (historiquement de taille critique) de son secteur ? En quoi développer rationnellement Tartas ou Pontonx, pour une meilleure qualité de service et une seconde vie de ces petites villes, bref par une "recentralisation" de certaines activités et compétences, oui, est-il un mal ?

    Si Philippe Dubourg nous lit, c’est avec grand plaisir que je changerais d’avis, s’il m’explique que je me trompe dans ses propos.

  • Chacune des critiques que le maire de Carcarès-Sainte Foy fait au PLUI du Pays Tarusate mériterait un examen tellement approfondi et technique que nous ne pouvons guère le mener.

    Un exemple : « rôle ambigu des services de l’Etat imposant des normes urbaines dans les zones rurales et technique discriminatoire du développement de la fibre optique »
     J’ai la vague intuition que l’Etat ne devrait pas imposer les mêmes normes à la ville et à la campagne, mais rien qu’argumenter ça... je vais y passer ma vie !
     Développement de la fibre optique : je comprends juste qu’on est dans une problématique de réseaux, et que les réseaux sont plus économiques dans des zones de population dense...

    Je me sens un peu plus compétent pour dire que de nombreuses communes ne sont plus un bassin de vie en soi. C’est probablement le cas de Carcarès-Sainte Foy : je suppose que la plupart des habitants sortent de la commune pour travailler et faire leurs courses quotidiennes.
    Par la carte de Géoportail, je m’aperçois d’ailleurs que le bourg de Carcarès touche Tartas (moins de 2 km entre les deux clochers !).
    Mais Sainte Croix, à l’autre bout de la commune, est plus proche de Meilhan.
    Heureusement, aussi bien Tartas que Meilhan appartiennent, comme Carcarès-Sainte Foy, à l’intercommunalité du Pays Tarusate, qui me semble mieux correspondre au bassin de vie quotidien des populations que les communes isolées.
    C’est dans le cadre de cette intercom que Ph. Dubourg émet un vote négatif quant au PLU, donc PLUI (I comme "intercommunal").
    Il s’oppose à la majorité sur la question de la répartition des activités et des habitants sur le territoire de l’intercom.
    Mais que veut-il dire exactement quand il s’oppose à « l’élimination des quartiers au profit de centres bourgs dortoirs » ? Est-ce qu’il inclut le bourg de Carcarès dans ces "centres bourgs dortoirs", ou est-ce qu’il applique le qualificatif "centre-bourg" uniquement à Tartas, Pontonx et Rion, auquel cas le bourg de Carcarès deviendrait un "quartier" (à éliminer !) ?
    Au vu de la carte de la commune, dont Carcarès et Sainte Croix sont les extrémités respectives, j’ai l’intuition que son maire aurait voulu en renforcer l’unité en en faisant comme une fédération de quartiers, dont le PLUI aurait dû prévoir la croissance en population, une croissance également répartie.
    Et peut-être pense-t-il que la zone d’activité de Champigny, un brin plus centrale dans le territoire communal, pourrait concourir à cette unité...
    Mais on sait que les travailleurs d’une zone d’activité viennent de 20, 30, 40 km à la ronde... Alors, l’échelle communale ne convient pas.

    En quoi une sensibilité gasconne peut-elle s’inviter dans ce débat ?
    Il me semble que nous voulons (voir le message de Vincent ci-dessus) une Gascogne avec des petites villes vivantes entourées de vraies zones rurales qui ne deviennent pas "mitées" par du pavillonnaire dont les habitants travaillent ailleurs et sont là uniquement par choix d’un terrain bon marché.
    En l’état, je suis incapable de dire si le maire de Carcarès Sainte Croix partage cette vision.

  • Il y a, comme souvent, des problèmes de vocabulaire :
     le centre-bourg n’est pas un bourg-centre !
    Carcarès peut avoir un centre-bourg, autour de la mairie, sans être un bourg-centre.
    Tartas serait - ou aurait - un bourg-centre.
    Alors, une expression apparemment simple comme "conforter les centres bourgs", utilisée parait-il par le SCOT Adour-Chalosse-Tursan, ne veut pas dire du tout la même chose que "conforter les bourgs centres"...
    Un "bourg centre" pourrait être la "ville-marché, lieu de rencontre", entourée d’une "véritable ruralité" évoquée plus haut par Vincent. Par exemple le bourg de Tartas, qui serait éventuellement à revitaliser...
    Mais la commune de Tartas a aussi ses lotissements... Ils ne font pas partie du bourg... Mais tout ça peut former une ville...
     le quartier : ???
     la "ruralité" :
    Est-ce que les lotissements de Carcarès-Sainte Croix sont ruraux ? Ils ressemblent à des lotissements de Tartas, non ?

  • Nous avons eu l’occasion avec Gérard de visiter Carcarès-Sainte-Croix cette semaine, et il me faut faire un petit mea culpa : la commune, avec ses deux hameaux bien distincts et fort éloignés l’un de l’autre en réalité (donc sans unité) donne les apparences d’un village encore rural, où la pavillonite, timide, n’est pas omniprésente.

    Disons que pour des critères landais, notamment en comparant les communes aux alentours, dont Bégaar, qui est devenu un lotissement géant en bord de 2x2 voies, Carcarès et Sainte-Croix sont restés relativement dans leur jus, surtout Sainte-Croix, vierge de toute construction récente, d’une impeccable ruralité. Évidemment, si l’on compare aux beaux villages de France du Quercy ou du Périgord, ou même de la Gascogne centrale, c’est autre chose ...

    Carcarès possède un petit centre, qui semble artificiel, au sens où ce sont les constructions du XIXème siècle autour du presbytère, puis quelques constructions néo-landaises des années 90, qui ont permis une relative densification, dans ce qui a toutes les apparences d’un village à habitat dispersé. Les constructions les plus récentes ne sont pas dans le style landais, mais ne jurent pas outre-mesure, disons que des arbres pour les cacher seraient une bonne chose.

    Enfin, nous sommes allés sur la zone de Champigny, qui n’a jamais décollé, et qui est désormais une sorte d’aire de repos pour les camions qui empruntent la 2x2 voies. Je n’ai rien à en dire de très marquant, je pense que Monsieur Dubourg, qui n’est donc pas le maire bâtisseur que l’on pouvait craindre, a pêché par naïveté sur ce projet.

    Dans tous les cas, je renouvelle mon souhait de lire, ou entendre, de la part du maire de Carcarès des précisions sur ce qu’il a pu dire ça et là dans la presse, ou sur son blog : voulait-il dire par l’imposition de normes urbaines aux campagnes que l’on contraint la vie des agriculteurs ?

  • Au travers de notre prisme gascon (qu’il faut sans doute perfectionner), nous aimons observer et critiquer les localités et collectivités gasconnes, communes ou intercommunalités, pays...
    Nous avons d’autres cas sur le feu (même à feu très doux !) : la Réole, Nogaro, Belin-Beliet, Lesparre... mais cette fois-ci, c’est Carcarès-Sainte-Croix, à la lumière de l’engagement de son maire pour (dit-il) la ruralité.
    Dans mon gran de sau précédent, j’ai insisté sur la terminologie : si on n’est pas d’accord sur le sens des termes, comment débattre ?
    Philippe Dubourg, le maire de Carcarès-Sainte-Croix, ne donne sans doute pas au mot "ruralité" le même sens que certains d’entre nous peuvent lui donner, quand il déplore que le PLUI "fige" l’urbanisation d’une commune comme la sienne : il craint que le frein mis à la création de lotissements et de zones d’activité la "désertifie". En même temps, il constate que la ruralité a disparu.
    Je considère donc qu’il défend un mode de développement "rurbain". Et sa profession de foi électorale pour une campagne passée parle bien d’urbanisation raisonnée (ou raisonnable, je ne sais plus). L’équipe de six hommes qui s’était présentée indépendamment de lui en 2014 tenait un discours proche.

    Plus largement, je pense que la plupart des élus locaux des zones dites rurales défendent ce développement rurbain où justement la différence urbain/rural s’estompe. Ils le défendent au nom de l’égalité, et le font, je pense, en accord avec la population qu’ils représentent, qui souhaite avoir partout, par exemple, l’accès Internet haut débit, un enseignement scolaire aux standards de la ville, une bonne couverture médicale...
    Est-ce que cette égalité totale est possible sur la totalité du territoire ; est-ce qu’il ne faut pas zoner le territoire pour éviter que la population s’installe n’importe où, rendant très coûteuse la réalisation de cette égalité ?
    C’est un débat aussi très technique, qui a des aspects économiques, écologiques, maintenant climatiques, dans lequel nous promoteurs de la Gascogne devons entrer sur la pointe des pieds.

    Les discussions entre élus communaux et intercommunalités ou "pays" (guidés par des bureaux d’études dont les contributions ne sont pas à jeter aux orties) placeront le curseur quelque part entre le "rurbain à tout va" et le "rurbain zoné".

    J’ai l’intuition que le "rurbain zoné" (mais zoné comment ? pas forcément suivant les limites communales) nous ira mieux que le "rurbain à tout va". Mais c’est à discuter !
    Qu’est-ce qui nous importe à nous ? faire vivre le plus possible notre héritage gascon (langue - les lieux-dits, cuisine du terroir (garbure, pastis bourit...), sports (vaches, quilles...), chant (polyphonie), maison vasconne, esprit airial (paysage non clôturé)... Nous devons y arriver dans ce nouveau monde rurbain.¨

    PS : j’ai écrit ce gran de sau "au village", donc dans une zone que je dirai ex-rurale, mais pas encore complètement rurbaine puisque, aujourd’hui, je n’arrive pas à "avoir le réseau" qui me permettrait d’envoyer sur le champ à Gasconha.com !

  • zone d’activité de Champigny
    « un nom peu gascon, sorti d’on ne sait où… » a écrit Gérard.
    Quiò... j’ai cherché mais pas trouvé l’origine de cette implantation de "Champigny" comme toponyme moderne : "Aire de Service de Champigny".

    Le toponyme ancien le plus proche est l’intéressant Ladevie, et je remarque que la page Wikipédia de la CC du Pays tarusate cite « la zone artisanale de Ladevie à Carcarès-Sainte-Croix » qui est la même zone, je suppose, mais avec un nom potentiellement gascon, et qui en plus pourrait signifier "lada via" (voie large) et faire référence à cet axe de circulation rectiligne devenu maintenant la 2x2voies Dax-Mont de Marsan, sur laquelle se situe justement la zone en question. (Carcarès-Sainte-Croix)
    Ladevie

    Ladevie est aussi le nom d’une famille noble locale, probablement lié à ce toponyme (moulin noble de Ladevie en Carcarès) mais le nom existe aussi loin de la Gascogne, en Auvergne...

    • Jacques de Cauna, qui a la seigneurie de Ladevie dans son histoire familiale, a répondu à ce sujet :
      « Je regrette d’ailleurs qu’aujourd’hui on ait cru bon de rebaptiser ce lieu du nom de Champigny (d’une auberge, je crois, alors qu’au moins un bâtiment de la vieille maison noble subsiste - j’ai des photos de mariage devant - il y a un petit fronton triangulaire, visible de la route ce serait je pense une grange, maison neuve, refaite, à côté). »

      D’après la carte, l’aire de services de Champigny est légèrement décalée (quelques centaines de mètres) de Ladevie, ce qui pourrait justifier un nom distinct.
      Cependant, je rappelle que la dénomination de « zone artisanale de Ladevie » est également attestée actuellement ; à distance, difficile d’affirmer que c’est exactement la même chose.
      A choisir, nous devrions pousser "Ladevie", qui a plus de profondeur historique, et de couleur gasconne (surtout si l’explication lada via était confirmée), que "Champigny" !

  • Avec l’officialisation de ce nom "Champigny", nous touchons aussi à la thématique de la ruralité : la commune de Carcarès n’a probablement pas voulu mal faire, mais inconsciemment, le nom d’oïl Champigny, a priori comme l’on lit plus haut importé en ces terres du fait d’un nom d’auberge, a "sonné" plus noble aux yeux d’une population rurale au moment de vendre leur projet d’aménagement, qu’un nom trop gascon.

    Nous sommes en plein dans l’absence de confiance en soi, et in fine, un geste "rural" (un complexe d’infériorité) devient geste "rurbain" (au final, c’est au prix de la transformation du rural en autre chose que le rural pourrait subsister). Bref, rien d’anodin, c’est le même phénomène à l’oeuvre pour les "chemins des Cyclamens", et autres noms mièvres.

    Nous, qui aimons la Gascogne et sa langue, ne pouvons pas nous empêcher de tressauter à la seule prononciation de Champigny, quelque part entre Dax et Mont-de-Marsan !

  • Dans "Sud-Ouest" du 26 juillet 2021, on retrouve la plainte d’élus ruraux à propos du PLUI :
     Raymond Girardi, syndicaliste agricole, président de la Com-de-com "Coteaux et Landes de Gascogne", et ancien conseiller départemental, que j’ai déjà mentionné sur Gasconha.com pour son engagement en faveur du Center Parcs, puis du MacDo de Casteljaloux : Un "effet positif" de l’arrivée de Center Parcs...

    « Mais on se sent bien déposséder de nos pouvoirs. Y aurait-il une petite idée gouvernementale de nous empêcher de proposer de l’habitat avec toutes les nouvelles contraintes ? »


     « On appauvrit nos villages », a renchéri José Balaguer, maire de Bouglon.
    La "fracture territoriale" Copadura territoriau / coupadure territouriàw ? Pas tant simple qu’acò !


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