Ancien Gascon

- joseph

Adichat a tout,

Je ne trouve pas sur le site une synthèse des différences linguistiques entre Occitan et Gascon.

Est il possible de résumer les différences linguistique entre le Gascon et l’Occitan languedocien, ainsi que l’Occitan provençal ?

 Le passage du F latin à H
 la chute du N intervocalique... et ?
En quoi l’Ancien Gascon diffère t’il de l’Ancien Occitan, et rend inadaptée la graphie ?

Quelle est l’expression du substrat, avant que ne s’opèrent des rapprochements socio-linguistiques ?

Comment l’Occitan s’est à ce point rapproché du Gascon, dont le substrat diffère, alors qu’il s’est éloigné franchement de langues dont le substrat gaelique est commun (portugais, galicien, langues d’oil) etc..?

Très forte romanisation, substrats celtes relatifs, peu de superstrat germanique etc...sont certes des points communs aux "langues d’oc", mais qu’en est il de l’Ancien Gascon (comme celui des Fors de Béarn en 1080) et de la particularité de son substrat ?

Enfin, dans quelle mesure pas la séparation entre Basque et Gascon, a t’elle entrainé une si différente prononciation des voyelles (A, O, U, diphtongues), pour que la situation actuelle fasse correspondre la pronociation des voyelles grosso modo en basque au Castillan, et en Gascon à l’Occitan ?

Pour précision, les Fors de Béarn d’Oloron rédigés en 1080, le sont à une période ou ces deux langues cohabitent (du moins dans des formes anciennes) dans cette partie du piémont béarnais.

Mercés hère !

Grans de sau

  • Bonjour Joseph,
    Comme aucun de nos linguistes contributeurs n’a commencé à vous répondre, je m’y risque avec quelques éléments de réflexion :
    P.Bec dans son Que-Sais-Je "la langue occitane" (puf) donne les principaux élements de réponse à votre première question :
     9 particularités phonétiques :
    1) F>H ;
    2) chute du n intervocalique ;
    3) réticence devant un "r"initial amenant un a(r) prosthétique ;
    4) traitement spécifique et double de la géminée latine LL ;
    5) passage des groupes md,nd à m,n ;
    6) conservation de la semi-consonne w dans les groupes Qu et Gu latins ;
    7) vocalisation du L final en U ;
    8) prononciation du v latin en b (ou en w au milieu de mot) ;
    9) traitement du suffixe latin ariu > èr,èir et non ièr comme en occitan.
     morphologie:conjugaisons différentes de l’occitan (languedocien ou provençal ou nord-occitan) ;
     syntaxe : particules énonciatives, inexistantes ailleurs.
     lexique : forte présence d’un lexique proto-basque ou encore antérieur, non signalée ailleurs.

    Voir, pour plus détails, les travaux de Jean-Louis Massoure ou Jean Lafitte.

    La différence entre ancien gascon et ancien occitan (celui des troubadours ou des actes administratifs) fut remarquée dès le Moyen Âge, le gascon étant "lengatge estranh" pour les troubadours, même ceux d’origine gasconne qui utilisaient la "koiné" troubadouresque.

    En ce qui concerne la graphie, voir aussi Jean Lafitte, qui trouve en effet la graphie "occitane" inadaptée telle quelle au gascon ; en particulier il note la forte prédominance de la finale "e" (pour le "a" latin) dans les anciens écrits gascons. Sujet inépuisable ...

    Je ne suis pas très sûr de comprendre vos autres questions.
    Ici et là sur ce site, vous pouvez rechercher des éléments, voyez par exemple, concernant les relations entre basque et gascon en matière de phonétique, l’intéressant article sur "les terminaisons en òi(oy) de 2017.

  • Merci de votre réponse Gerard.

    Pouvez vous m’indiquer dans quelle rubrique se trouve l’article de 2017 dont vous parlez ? Après avoir fouillé ci et là, je ne le trouve pas.

    Je vais reformuler ma première question qui à l’évidence n’est pas claire.

    C’est en somme la question inverse de la précédente : qu’est ce qui rapproche le gascon de l’occitan au point que certains les confondent ?

    Quelques pistes de réflexion :
    Peu de superstrat germanique (par rapport aux langues d’oil)
    Substrat celte moins développé, moins présent qu’en Gaule ou Iberie (zone aquitaine, ligure)
    _Forte romanisation

    Aujourd’hui, on trouve trace du substrat aquitain en quelques termes lexicaux et et autres tournures syntaxiques, mais c’est somme toute assez léger. S’il existe une intercompréhension, elle se trouve dans l’espace occitan plutôt que basque.

    Comment l’Occitan et le Gascon dont le substrat diffère, ainsi que l’identité historique de ceux qui l’emploient, ont ils pu se rapprocher si rapidement ?

    Enfin, ma deuxième question :
    Mes quelques rudiments très relatifs dans les langues basques et gasconnes m’ont fait entrevoir une prononciation des voyelles, tel qu’il suit :
    _en Basque : très semblable au Castillan, 5 voyelles franches
    _en Gascon : nasalisations, diphtongues nombreuses, le a se dit e, le o se dit ou, etc... sonorités plus proches de l’Occitan.

    Des le 11eme siècle et les Fors de Béarn, ce clivage existait alors que ces langues cohabitaient. A cette époque, elles étaient presque soeurs jumelles, puisque toutes deux issues d’un proto basque commun, et parlées ensemble.

    Donc, comment le Gascon, issu du proto basque dont les voyelles se prononcent "à l’ibéro-romane" (si on se fie au basque actuel), a t’il pu diphtonguer, nasaliser, alors qu’il était à la fois en contact et issue de ce proto basque ?

    Ou alors, est ce la Basque, qui, en évoluant précisément au contact du monde ibéro roman, en a pris les traits phonétiques ?

    En somme, je me demande si des linguistes peuvent éclaircir cette transition entre le 8 eme et le 12eme, qui éloigne très rapidement le gascon de son substrat aquitain, pour se rapprocher de la famille occitano romane, sans même appartenir (ou de manière très relative) à cet espace historique ; et dans quelle mesure ce n’est pas le basque actuel, dont le témoignage présume fortement de la phonétique aquitanique,i n’a évolué vers une phonétique plus ibéro romane à l’époque médievale.

    • Voici le lien demandé : Les terminaisons -òi (-oy)
      Cet article, que j’ai écrit il y a une vingtaine d’années (repris sur Gasconha.com en 2017), a l’avantage de présenter une première conclusion tout de suite après la question posée :

      La question :
      Cette terminaison en "-òi", qu’on trouve en basque et en gascon, est-elle une manifestation du substrat commun ?
      Une première conclusion :
      Il semblerait qu’il n’y a pas à ce sujet de lien évident entre basque et gascon.
      Ce "-òi" existerait aussi dans le reste de l’Occitanie et en Catalogne. Il est peut-être d’origine pré-latine.
      Mais la recherche continue...

      Ces terminaisons en -òi (-oy) apporteraient donc davantage d’eau au moulin occitano-gascon qu’au moulin aquitano-gascon !

      Je me pose aussi ces questions que vous vous posez, Joseph. Il s’agit d’élucider ce qu’il y a eu de commun historiquement pour qu’un ensemble d’oc émerge, qu’on l’appelle ou non "Occitanie", incluant la Gascogne. C’est quelque chose qui ne flatte pas notre sentiment vascon, mais il faut regarder l’histoire honnêtement !
      Ce qui est devenu "d’oc" était-il moins celte, a-t-il été plus romanisé, moins "franquisé", etc...

  • Gascon y euskera : afinidades e interrelaciones lingüisticas

  • Joseph, je vous ai mis en pièces-jointes des articles susceptibles de vous intéresser :
     notes sur l’âge du (proto)gascon de Chambon et Greub pour qui la genèse du gascon est antérieure aux traits distinctifs de l’occitan
     gascón y euskara : afinidades de Jacques Allières, qui était un spécialiste à la fois du basque et du gascon

    Pour ce qui est de vos nombreuses questions, je serais bien en mal de vous répondre, surtout qu’il n’y a pas un gascon comme il n’y a pas un basque. Par exemple, les souletins ont une phonologie différente de celle que vous décrivez (nasalisations, ü, accent tonique comme en gascon, etc.), ce qui fait penser au dialectologue basque Zuazo que le souletin a des traits distinctifs qui seraient nés vers chez vous, dans les vallées béarnaises. Pareil pour le gascon, celui-ci subissant des influences et des tendances de toutes parts (garonnaises, du sud, de l’ouest, etc.).

  • Un autre texte de Thomas Field cette fois sur la déclinaison en gascon au Moyen-Âge (XII, XIIIèmes siècles) montre des tendances différentes en Gascogne.

    "Les normes qui régissent les relations sociales et culturelles – donc, linguistiques aussi – reposent sur des forces sociales et historiques. Nous avons écrit ailleurs (Field 2009) sur l’influence culturelle et linguistique de Bayonne et de Bordeaux en Gascogne au Moyen Âge. En effet, la Gascogne jusqu’au 13e siècle semble axée sur des normes qui lui sont propres. La diffusion des innovations linguistiques à l’intérieur de la Gascogne suit des voies qui véhiculent le prestige social et scriptural de manière plus générale et, dans l’ensemble, les innovations linguistiques passent d’Ouest en Est, surtout des ports vers l’intérieur et des grandes villes vers les petites localités. Ni le français, ni le languedocien de Toulouse ne semble avoir pesé très fort dans le cœur du pays, le Comminges restant – on s’y attend – partiellement tributaire du modèle toulousain. Cependant, la géographie de la déclinaison ne peut s’expliquer entièrement aux 12e et 13e siècles par ces jeux d’influence. Bordeaux, tout d’abord, dans ce domaine précis, ne semble rayonner que faiblement, si l’on doit juger par l’absence des c.s. pluriel dans le reste de la Gascogne, par exemple. Bayonne, qu’on aurait pu soupçonner d’être le moteur derrière la perte de la déclinaison, produit, cependant, quelques textes qui contiennent des éléments de déclinaison à la bordelaise. Pour trouver un sens à la configuration géographique de la déclinaison en Gascogne, il faut remonter plus loin dans l’histoire. Chambon (2008 :2504) considère l’individuation du gascon comme « une première fracture dans l’espace linguistique gallo-roman… Des particularités qu’on doit faire remonter au contact avec la langue substrat, au début de la romanisation, non seulement n’ont pas été réduites, mais encore ont pu prendre le dessus pour des raisons socio-historiques : persistance du particularisme aquitain, affaiblissement des classes dirigeantes à la fin de l’Antiquité, recul de la romanité perceptible aux 6e et 7e siècles entre Garonne et Pyrénées. » L’affaiblissement précoce de la romanité est évident dans tout le sud du pays. Pour ne prendre qu’un exemple, les historiens ne retrouvent pas d’indices fiables de la participation des tribus du sud de la Garonne au culte fédéral de Lyon, ce qui pose un certain nombre de questions sur les fonctions du culte de Lugdunum Convenarum/Saint-Bertrand-de-Comminges (Fishwick 2002 :31-39). [...]"

  • "Le bilinguisme aquitain/roman, qui a dû durer longtemps au sud du Bordelais, a profondément marqué le gascon. En ce qui concerne la déclinaison, rappelons que, si le gaulois, substrat de l’occitan dans la plus grande partie du sud de la Gaule, possédait un système analogue à celui du latin, la grammaire de l’aquitain n’avait à peu près rien en commun avec celle de ces deux langues indo-européennes. Le latin a un système morphologique de type nominatif-accusatif, où le sujet d’un verbe prend une forme (rex), et le complément d’objet direct en prend une autre (regem). Le basque et l’aquitain ont un système de type ergatif-absolutif, où le sujet d’un verbe intransitif revêt la même forme que le complément d’objet direct d’un verbe transitif (erregea), tandis que le sujet d’un verbe transitif en prend une autre (erregeak). Dans des conditions de bilinguisme prolongé, on peut se demander quel effet le substrat a dû avoir sur la déclinaison latine. Rodriguez et Sablayrolles (2008 :26-27) écrivent au sujet des inscriptions provenant des Pyrénées aquitaines que « le choix ou, parfois, l’absence de déclinaisons … » pour les théonymes aquitains intégrés aux textes latins « témoignent d’une connaissance relativement superficielle des mécanismes de la langue latine, même chez ceux qui étaient le plus à même de la parler et de l’écrire".

  • Adixat moundë,

    En retard sur bien des choses, je découvre la question posée depuis 6 jours, et n’ai pas le temps d’y répondre sur le fond.

    Je me permets donc de renvoyer à ma brochure « La langue gasconne », Hors série n° 11 de Ligam-DiGaM.

    La réponse est donnée au Chapitre II « Le gascon tel qu’en lui-même » aux pages 16 à 20.

    Il est divisé en deux titres, « Des traits phonétiques originaux » et « D’autres particularités ».

    Hèt beroy !

    La langue gasconne
    À la rencontre d’une langue
    Hilhe de Roume — e lhèu l’aynade ?,
    langue de France et
    part irremplaçable du patrimoine
    de la Gascogne et du Béarn
    Jean Lafitte
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