Chers amis occitanistes, toute votre arrogance est résumée ici P.Lartigue, un être incompétent et malveillant.

[Gran de sau initialement lié au ligam Parabole de l’Enfant Prodigue et détaché pour l’équilibre de la mise en page.
Lo webmèste]

Bonjour,

Je viens de lire attentivement les transcriptions des enregistrements de ma zone dialectale.
Il y a malheureusement pas mal d’erreurs. Sont-elles le fruit d’une mauvaise compréhension de la part du transcripteur ou bien le fait de choix graphiques "panoccitans" parfaitement conscients ?
Je préfèrerais tellement la première solution.
Se tromper est scientifiquement acceptable, c’est même humain paraît-il.
Travestir l’objet de son étude à l’aide de choix graphiques, ou autres, dictés par une option militante, un penchant idéologique ou un catéchisme dogmatique est un crime contre la science, qui n’honore pas celui qui s’en rend coupable.
C’est d’autant plus grave qu’il discrédite, aux yeux des véritables scientifiques, la totalité de l’étude.
C’est le mal dont souffrent la linguistique occitaniste (je ne dis pas "occitane" à dessein), l’occitanisme en général, qui se ridiculisent trop souvent pour être pris au sérieux par les chercheurs extérieurs au microcosme.
Je ne citerai qu’un exemple, tiré du dictionnaire de Per Noste, que j’apprécie par ailleurs. Il est symptomatique et révélateur.
Vraisemblablement sous la plume de Michel Grosclaude (?), page 10 du premier volume :
"Il existe indiscutablement une langue occitane ou langue d’oc. Cette vérité est reconnue par tous les linguistes du monde : elle n’est contestée que par des détracteurs malveillants ou incompétents." Fin de citation.

Chers amis occitanistes, toute votre arrogance est résumée ici.
Je me permets de vous rappeler quelques règles. En matière de sciences en général et de sciences humaines en particulier, il n’y a pas de vérité axiomatique et tout est contestable, tout est discutable.
La vérité est du domaine du dogme, de la religion, ce qu’est devenu l’occitanisme que vous prêchez et dont vous êtes le groupuscule d’autant plus agressif qu’il est aux abois.
Quant aux "incompétents et malveillants", tout scientifique qui se respecte appelle cela des contradicteurs et est curieux de lire ce qu’ils écrivent, au cas où.
Mais il est vrai que vous ne vous étoufferez pas avec la curiosité tant vos bibliothèques sont remplies du "prêt à penser" méridional que vous servez à longueur de pages et de cours à des moutons dont la capacité de réflexion et l’esprit critique semble s’être à jamais évanoui.
Enfin la formule, "Tous les linguistes du monde" permet d’éviter d’en citer un seul.
Tout cela fait que je me suis depuis bien longtemps détaché de l’occitanisme, au sortir de l’adolescence en fait, quand on commence théoriquement à acquérir un véritable esprit critique, et que je ne suis pas prêt d’y revenir quand je vois quel mouvement dogmatique et excommunicateur il est devenu.

Grans de sau

  •  ??? Dàvid en colerassa (mes apatzat, desempuish aqueste tems) coneish e remira dehet aqueths enregistraments desempuish pausa, e los utilisa per sons cors, parèir.
    Vesi pas perqué préner lo parat d’aquesta contribucion entà relançar una polemica esterila, puishque cadun sembla apitat sus sas posicions...
    Las atacas contra’us occitanistas son tristas e inutilas.
    Vesi pas, amei, d’ensenhament nat dens aqueths tèxtes dau hèit que lo gascon seré o pas occitan...
    Enfin...

    Réponse de Gasconha.com :
    Vertat que n’es pas enqüera la sason de castanhar !-)

  • Ic serà pas mei jamèi, per jo :)

  • Je vois avec satisfaction que ma prose suscite toujours des réactions.
    Cela pimente mon été.
    David, je ne parle pas des enregistrements mais des transcriptions qui en sont faites et qui sont sujettes à caution.
    Je pourrais également parler des repompages d’Arnaudin, de ceux de Manciet, faits par des gens qui n’ont aucune maîtrise de la langue et rendent les textes originaux totalement illisibles pour qui aime et respecte profondément son idiome.
    Les attaques contre un occitaniste sont toujours fructueuses et utiles, surtout si celui-ci dit des bêtises.
    Et les écrits restent, même après notre mort. La mort ne met pas fin au droit de critiquer.
    Si j’étais un scientifique sérieux, mais ce n’est pas le cas puisque je me contente d’être incompétent et malveillant, je refermerais gentiment le livre cité en référence après avoir lu les quelques lignes mentionnées.
    Mais, contre toute raison, je m’obstine à utiliser ce dictionnaire. Que le gascon soit occitan ou pas, on s’en moque vu sa déliquescence actuelle, le problème me semble quelque peu ailleurs.
    Moi qui suis un locuteur quasi-naturel et qui ai étudié ma langue de très près, qui en ai une connaissance correcte, je suis toujours stupéfait de lire les imbécilités que je lis parfois.
    Le pire, c’est qu’elles émanent de "spécialistes de la spécialité" et que leur public habituel n’a ni le recul, ni la maturité, ni les connaissances nécessaires pour les contredire. Du velours quoi.
    Ce qui est ennuyeux, c’est que ce genre de phrase péremptoire est révélateur du fait que, dans le milieu occitaniste, on ne veut pas débattre.
    C’est en cela que je dis, que j’affirme même, que la linguistique occitaniste est une discipline de militants dogmatiques qui ont renoncé depuis pas mal de temps déjà à l’objectivité que nécessite toute approche scientifique.

    Je me souviens que vous attaquâtes avec véhémence la carte des gradients de gasconnité, au nom de principes qui étaient totalement hors-sujet.
    Vous le fîtes avec une agressivité peu commune qui contredit un peu votre non-goût pour les "castanhas".
    Moi, je ne vous connais pas et je ne me permettrai jamais de vous traiter de nazi, même à demi-mot.
    Je crois qu’avec le temps vous comprendrez ce que je dis de l’occitanisme et vous en reviendrez.
    Il est un proverbe chinois selon lequel l’expérience est une lanterne qu’on porte dans son dos.
    Pour finir, les polémiques ne sont jamais stériles, elles sont salutaires.

  • Monsieur Lartigue. Je n’ai jamais employé ni sous-entendu le mot que vous me prêtez.
    Je ne suis pas un usager de l’insulte, que je regarde comme un expédient indigne.
    J’ai réagi avec véhémence à une problématique de la langue et une méthodologie que je juge hors de propos, non-conformes à la réalité et maladroites.
    J’ai employé le mot "eugénisme" à dessein, car je le sais chargé d’un passif qui rend son usage excessivement percutant.
    Je n’ai l’honneur de vous connaître que par le truchement de ces messages échangés sur le site, ainsi que par la lecture de vos articles et ouvrages.
    J’y ai appris beaucoup de choses, et ne vous juge ni incompétent, ni malveillant (où ai-je dit cela ?).

    L’approche que vous avez du gascon en tant que langue n’est pas la mienne, elle me paraît ingérable dans la durée et se voit contredite par la réalité du terrain.
    Je suis tout-à-fait opposé à la division interne d’une population selon des critères de pureté linguistique (ce que j’appelais eugénisme), dans la mesure où cette notion même de pureté est douteuse à mes yeux.
    Le gascon actuellement parlé dans l’est de l’Armagnac, dans certains cantons d’Ariège et en région bordelaise (si, si, on le parle !)devrait être, selon vos critères, une sorte de sous-gascon, ne réunissant que quelques critères parmi ceux définis par l’équipe de rédaction de l’ALG.
    J’y vois une erreur et un contresens.
    Séguy, Ravier, Boisgontier travaillent la langue en linguistes, c’est-à-dire en théoriciens. Dans ces critères de gasconnité, je ne vois rien d’autre qu’une méthode - un "truc" - d’universitaires pour pouvoir traiter des données linguistiques de façon scientifique et mathématique.
    C’est juste un outil, en aucun cas l’expression d’une réalité ethno-linguistique sur le terrain.
    Vous êtes mieux placé que quiconque (et moi aussi) pour savoir qu’une langue n’entre pas dans les cases d’un tableau Excel.
    Je ne souhaite plus me disputer à propos de toutes ces choses. Je ne répondrai plus sur ce sujet.

  • Mais de quoi parlons-nous enfin ?
    Vous me dites "truc de linguistes", je vous répond carte synthétique des 2529 qui la précèdent. Vous me dites théoriciens de laboratoire. Je vous réponds théoriciens certes, mais de terrain. Des milliers d’heures d’enregistrement, d’écoute, à une époque où c’était encore possible, avec des locuteurs nés entre 1880 et 1910 et des enquêteurs suffisamment compétents sur le plan de la langue pour comprendre ce qui se passait sous leurs yeux et arrivait à leurs oreilles.
    Allières, Ravier, Lalanne, Séguy.
    Tout de même un autre niveau de langue à la base, la grande classe.
    C’est vous, occitanistes modernes, qui êtes hors-sol et dans l’abstraction fantasmatique.
    Si la gasconnité n’a aucun sens pour vous, c’est que vous ne comprenez pas ni ne comprendrez jamais ce qu’est le peuple gascon et son tropisme basque.
    Nous passons notre temps à les singer, sûrement pas à singer Montpellier, Toulouse ou Carcassonne.
    Votre père, que j’ai eu l’honneur de rencontrer, l’avait parfaitement compris.
    Je me rappelle des commentaires désobligeants faits à son sujet par les occitanistes bordelais qui mettaient sa conversion "vasconniste" avant l’heure sur le compte de la sénilité.
    Je me rappelle de railleries indignes à propos de son livre "Egon le vascon".
    Evidemment, ce n’était pas politiquement correct, pas dans le droit chemin de l’Occitanie éternelle.
    Vous ne le saviez pas, je vous l’apprends donc.
    Je ne donnerai pas les noms. Cela m’avait profondément heurté à l’époque et avait augmenté la distance que j’avais déjà prise avec l’occitanisme.
    L’ALG témoigne d’une époque où la linguistique occitane n’était pas contaminée par l’occitanisme.
    Vous savez, aujourd’hui, il ne pourrait plus être fait et si c’était le cas, il serait récupéré illico presto par votre mouvement et le qualificatif gascon en serait absent.
    On aurait un truc du genre "Atlas linguistique et ethnographique d’Occitanie occidentale".
    Vous me parlez d’"eugénisme", de "pureté linguistique." Soyons honnêtes !
    Vous, occitanistes, vous viendrait-il à l’idée de normaliser l’occitan standard que vous appelez de vos voeux selon les parlers périphériques du croissant ?
    Moi, quand je parle de gascon standard, de normalisation gasconne, je vais plutôt la chercher au sud-ouest de la zone que sur les bords de la Garonne.
    Je comprends bien qu’un bon gascon garonnais, bien abâtardi, ferait votre affaire.
    Or, je persiste et je signe. Le génie de notre langue n’est pas sur les bords du fleuve.
    La confection d’un sabir gascon panoccitan, vidé de toute substance, ne m’intéresse pas.
    Il n’y a vraisemblablement pas de langues inférieures et supérieures mais en ce qui nous concerne, je ne me résoudrai jamais à prendre pour modèle des dialectes périphériques qui ont subi les influences françaises et/ou languedociennes, limousines etc.. depuis des siècles.
    Montaigne nous montrait déjà le chemin, suivons-le.
    Vous pensez sans doute que la diversité fait la richesse des langues. Je soutiens qu’elle les tue.
    Le latin est mort pour avoir voulu patoiser.
    Le celte est mort d’avoir ouvert toutes les portes au latin.
    L’aquitain de la plaine a disparu pour avoir renoncé face au latin. Je peux vous en donner une tartine.
    Actuellement, seuls les peuples "qui en ont" survivent. Ceux qui pensent que le bain mondialiste est la meilleure des choses disparaîtront à brève échéance.
    Ce n’est pas mon voyage, j’en suppose trop les conséquences désastreuses. La Vasconie a souffert de trois maux principaux : la latinisation, le félibrige et l’occitanisme. Ce dernier n’est qu’un avatar de "gauche" et plus occidental du premier.
    Je suis gascon, euskaldun à force de travail et de foi en ma nation.
    Jamais je n’irai me prosterner sur la tombe de Mistral, de Fontan ou de Castan.
    La Gascogne et le gascon resteront toujours dans mon coeur mais j’ai compris que tout cela est mort.
    Vous, les occitanistes, êtes les fossoyeurs de l’identité gasconne. Des fossoyeurs sans talent, sans panache. Moi, cet été, je vais passer un mois dans une barnetegi et je sais que je vais y respirer à mon aise, loin du cigalou occitan.
    Je vous avais déjà dit que chacun doit vivre son trip. Le mien n’est plus depuis bien longtemps sur les bords de la Méditerrannée.

  • Je pense David que tu sous-estimes grandement l’objectif du "truc" : si tu lis le reste des ouvrages de Ravier (sur le récit mythologique en Haute-Bigorre ou les suffixes basco-aquitains dans les Pyrénées centrales) ou d’Allières (qui allait jusqu’à se faire appeler Baratxurieta, la traduction basque de son patronyme !), il apparait clairement que ces linguistes étaient en recherche d’un gascon plus "pur", un gascon qui aurait maintenu toutes les caractéristiques que l’on entrevoit dans les textes médiévaux (caractéristiques en liaison avec le substrat basque), un gascon qui comme par hasard s’est maintenu dans les régions les plus archaïques, les moins soumises aux influences extérieures, et à ce titre, c’est humain, les plus fascinantes.
    Cette recherche du gascon avant le gascon, c’est toute l’histoire de la linguistique gasconne depuis les premiers travaux de Luchaire, les polémiques Sacaze/Bladé, enfin l’oeuvre magistrale de Rohlfs.
    Si tu peux te procurer la thèse de Bec sur les parlers gascons du Comminges et du Couserans, tu verras que la préoccupation ethno-culturelle est partout présente, qu’elle irrigue toute la démonstration.
    Car on ne peut pas étudier le gascon sans le replacer dans son contexte de pont entre Gallo-Romanie et Ibéro-Romanie.
    Véritablement, je comprends difficilement ce qui te choque dans des démonstrations d’une évidence implacable.
    Surtout, je comprends difficilement ce qui te retient à faire le lien entre des faits ethno-culturels et des faits linguistiques, toi qui fais si bien ce lien quand il s’agit de vanter le parler gascon de Bordeaux, métissé.
    Quand il s’agit de faire l’apologie du métissage, on peut utiliser le critère linguistique.
    Quand il s’agit de faire remarquer que telle ou telle région est franchement archaïque, c’est déjà le fascisme ?

  • Bon, allez, je réponds une fois encore, mais la dernière !
    Non, Vincent, je n’ai pas dit ça non plus. J’attire ton attention sur le fait que toutes les sciences de l’Homme et du Langage prennent en compte le concept de marge, qui est confronté aux phénomènes centraux : continuités et discontinuités, marges et territorialités, etc. Une langue possède des marges, car la linguistique est sans conteste la plus humaine des sciences humaines, donc la plus versatile.
    Ce qui me choque, Vincent, n’est pas que l’on dise que le parler d’Aragnouet a plus de caractères gascons que celui de Bourg-sur-Gironde, car c’est vrai. C’est que l’on prétende déclasser le deuxième pour cette raison, c’est à dire introduire le subjectif et le relatif dans une démarche linguistique. Non, le parler de Bourg n’est pas gasconnement moindre que celui d’Aragnouet, il est emblématique d’une autre gasconne, plus influencée par l’extérieur (attention ! pas tous !), savoir la Gascogne garonnaise, commerçante (la Babylone gasconne) opposée à la Gascogne pyrénéenne, plus "vraie" peut-être, parce que plus recluse (du moins depuis quelques siècles). Ce genre de classement, et les drapeaux qui vont avec, peuvent très profondément blesser ceux qui aiment sincèrement la Gascogne et se battent pour elle.
    Ensuite, pêle-mêle :

     arrêtez de me jeter ce mot "occitaniste" à la figure comme un péché mortel : je ne suis pas non plus d’accord avec tout dans l’occitanisme, loin s’en faut. Je ne suis enfermé dans aucun système. Je ne crois pas que la Gascogne puisse sans sortir sans s’intégrer dans une dynamique occitane, et que l’on parle de "langues occitanes" si vous le désirez. Les mots ne sont pas le problème.

     pour l’archaïsme, le gascon médoquin en recèle aussi beaucoup, voir les collectages de Viaut.

    Réponse de Gasconha.com :
    Ce débat est important, au coeur de l’affrontement gasconistes/occitanistes.
    Mais il commence à alourdir exagérément le ligam de la "Parabole de l’enfant prodigue".
    Je vais tenter de trouver une solution.
    Vous pouvez continuer à répondre, mais le fil des grans de sau risque d’être détaché ailleurs dans les jours qui viennent.
    Visca la Gasconha ! [Tederic]

  • Pas affrontement, discussion.
    Pas opposition, mais complémentarité, j’en suis convaincu.
    Je suis gascon jusqu’à la moële des os, ce qui ne m’empêche pas d’être occitan, bien au contraire, comme disait feu Bernard Manciet.

    Le travail de l’ALG - qui est LA référence à mes yeux - est théorique, non pas dans le collectage des données, mais dans leur traitement.
    Allières, Séguy, Ravier et Boisgontier n’avaient du reste pas tout-à-fait la même perception de la chose.
    Il n’est que de demander au survivant de la bande : Ravier, que j’ai encore vu le mois dernier à Toulouse, au Mirail, en pleine forme.
    Il faut bien classer des données selon des problématiques posées.
    Ces problématiques sont des hypothèses, dont on cherche à confirmer et infirmer la réalité.
    C’est donc un raisonnement basé sur une construction de l’esprit (rechercher et quantifier les gradients de gasconnité), pas forcément transposable à la réalité du terrain, qui est plus complexe.
    Jean Séguy, qui était je crois Languedocien du Frontonnais, parlait à la perfection une langue non-exempte de traits gascons, comme le sont tous ces parlers entre Toulouse et Bourg-sur-Gironde.

  • Que fait un enseignant en vacances ?
    Il va à la plage, quand il habite à Biscarrosse par exemple. Il s’emmerde un peu. Il regarde les jolies femmes qui déambulent. Mais il a aussi du temps pour écouter les enregistrements de l’ALG. Il découvre ainsi, in vivo, la méthode d’administration du questionnaire avec les enregistrements de Saurat. C’est, je pense, la voix de Séguy.
    Les détracteurs de l’ALG, pour lesquels ce "truc" est un empêcheur d’occitâner en rond, se doivent d’écouter la méthode, l’honnêteté, la rigueur, le sérieux, le tout sous-tendu pas une compétence linguistique qui suinte à chaque intervention du questionneur.
    Vous remarquerez également qu’à aucun moment il ne cherche à influencer l’informateur, pour lui faire dire par exemple qu’il parle "occitan", ce que ne manqueraient pas de faire les linguistes occitanistes.

     Tu parles occitan ?

     Bé, je sais pas. Non.

     Mais si, tu parles occitan !

     J’ai jamais entendu dire ça...

     Putain de merde, je te dis que tu parles occitan espèce de crapule fachiste localiste !!!

     Euh, oui, si vous voulez.

     Ah ! Enfin ! Greffier, notez pour le compte-rendu.

    A Biscarrosse, tout le monde reconnaît spontanément parler occitan.
    Ce qui donne après, dans les résultats des enquêtes menées par les sondeurs occitanistes : "98% de la population déclare parler l’occitan."

  • Séguy était du Lauragais (Sainte-Foy-d’Aigrefeuille).
    Je suis le premier à reconnaître et à mettre en avant la parenté entre gascon, sud-languedocien et catalan, mais en l’espèce, les traits gascons du parler de Séguy se résument au seul emploi du subjonctif dans les subordonnées de temps (trait ibéro-roman). Peut-être certaines conjugaisons.

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  • Il faudrait étudier les formes prétéritales des parlers gascons et languedociens de la vallée de la Garonne : fùri ou foguèri ?
    J’ai constaté la présence de traits gascons (du nord et de l’ouest, il est vrai) jusqu’aux environs d’Agen (collectages à Madaillan, commune de Prayssas).
    Du reste, pour avoir étudié le gascon de Nérac, je confirme qu’on y trouve des traits languedociens, bien qu’il se rattache au gascon central de type armagnacais-labrit-bazadais.
    Un des traits les plus emblématiques est le pronom personnel complément "zo", attesté à Nérac, Lavardac et Montcrabeau (parfois sous une forme affaiblie "ze").

  • David,

    L’étude des parfaits gascons est extrêmement intéressante.
    Si vous écoutez les enregistrements de Mézin et d’Espiens, vous aurez une idée du parler de Nérac, qui est intermédiaire.
    Mézin est dans la zone de gasconnité maxi et Espiens, comme Nérac, dans celle que j’ai justement qualifiée d’intermédiaire sur la carte qui vous mit tellement en colère.
    Comme la colère est apaisée, vous allez donc pouvoir retirer votre oeil de la lorgnette occitaniste et regarder les faits en face.
    Le hasard fait bien les choses, j’étais à Nérac hier et ce matin.
    Donc, nous avons des prétérits bien gascons mais influencés par les formes languedociennes. Donc, un état transitoire entre les formes purement "languedociennes" et les formes purement gasconnes. Prétérits forts contre prétérits faibles.
    Voici l’exemple de ma zone dialectale, en synchronie et en diachronie. Il est transposable au gascon garonnais.
    Nous savons que l’état ancien de la langue nous montre des purs prétérits gascons, pas encore contaminés par les formes de type "languedocien" (et là, je pense que guyennais serait plus juste), et ce y compris en gascon bordelais.
    Enquête Bourciez de 1894, exemple du gascon "noir" girondin et landais.
    Verbe FAIRE Parfait, 1ère et 3ème personnes du singulier.
    La zone conjugue majoritairement comme suit : Hiri, hires, hit, hírem, híretz, hírenn. Cependant, il reste des traces très nettes du paradigme Hadori, hadores, hadot, hadórem, hadóretz, hadórenn à Aureillan, Saint-Paul-en Born, Escource, Lue et Commensacq.
    Plus étonnant encore, toujours en 1894, il y a des traces du véritable prétérit gascon hadoi, hadós, hadó, hadom, hadotz, hadonn à Gastes et à Aureillan.
    Au sud d’une ligne Bias-Sabres, ce sont invariablement les formes gasconnes pures, avec les deux consonnatismes D et Z (hadoi/hasoi(minoritaire).
    Dans l’ALG, le prétérit a disparu de toute la zone côtière au sud du Born, dans le Marensin. C’est très intéressant car nous assistons quasiment en direct à ce fait linguistique. Disparition d’un tiroir verbal entier entre la fin du XIXe siècle et les années 50 du XXe.

    Second exemple, toujours en 1894. Verbe VOULOIR, PT 1ère personne du singulier.
    La forme majoritaire est volori dans la partie landaise et voluri dans la partie girondine. Au sud de la même ligne Bias-Sabres, on a le pur gascon voloi. Mais, à Gastes et à Sainte-Eulalie, on a encore voloi.
    Situation aujourd’hui. Là où le parfait s’est conservé, HIT, HIRES etc partout (mais ma locutrice de Biscarrosse, en 1990, qui me sort de je ne sais où HADORI etc...).
    Pour volori/voluri, c’est inchangé.
    On peut alors supposer l’évolution suivante, en diachronie.
    hadoi>hadori>hiri.
    voloi>volori/voluri en Gironde.
    Les évolutions, que nous pourrions appeler aliénations, connaissent une progression nord-sud et nord-est sud-ouest.
    Toutes les zones en contact immédiat avec les parlers de type guyennais ou languedocien (le fameux gascon garonnais et/ou intermédiaire) se dégasconnisent progressivement.
    Cette dégasconnisation est aussi patente en matière de phonétique, de syntaxe etc...

    Vous parlez à juste titre d’aliénation quand il s’agit du français, je parle aussi d’aliénation quand il s’agit de l’occitan.
    Je pense qu’il y va d’une forme de cohérence, pour ne pas dire d’honnêteté intellectuelle.
    Jacques Allières, dans le magistral volume V de l’ALG consacré au verbe, a dressé une carte prémonitoire, p. 289.
    Elle préfigure celle des gradiants de gasconnité du volume VI et qui, malgré ce que vous dites, n’est pas un simple "truc" mais bel et bien le coeur du fait identitaire gascon.
    Pour ce qui est de l’enquête Bourciez, vous connaissez A.Viaut et je pense que, si vous ne pouvez pas seul, il vous facilitera l’accès aux manuscrits originaux.
    Je les ai consultés en 1998. Conclusion provisoire, si nous devons standardiser le gascon, nous avons l’obligation morale et historique de le faire en nous référant aux formes pures, celles qui se sont heureusement conservées dans la zone de gasconnité maximum.

    Je suis farouchement opposé à ce gascon light qu’essaient de nous vendre certains occitanistes.
    Pour moi, c’est trahison pure et simple, aliénation insupportable.

    Vous savez que je suis en vacances. Je serais très intéressé pour vous rencontrer. Vous pourriez venir à Biscarrosse, j’ai des choses à vous montrer qui vous intéresseront peut-être. Nous ne sommes pas idéologiquement en phase mais vous me semblez être un interlocuteur de qualité, contrairement à la plupart des occitanistes que j’ai croisés et que je fuis aujourd’hui comme la peste.

    Comme vous savez, je pars au Pays Basque pendant tout le mois d’août. Donc, je vous accueillerai avec plaisir d’ici là. N’ayez pas peur, je suis un gentil garçon, Tederic pourra vous le confirmer.

    Réponse de Gasconha.com :
    Òc, vertat, cresi que lo Halip n’es pas un maishant pire.
    [Tederic]

  • Je serais très heureux de vous rencontrer, et vous remercie pour cette proposition. Je n’ai malheureusement pas de vacances...
    J’ai un CAPES et une agreg à préparer pour la rentrée, plus un poste à prendre, sans compter une noria de travaux de traduction...

    Je vous suis, et je comprends ce que vous dites. Je connaissais ces phénomènes, les vecteurs de ce que vous appelez l’aliénation, et ses zones de progression.
    Je les ai reconstituées empiriquement, et sans l’aide de l’Atlas (que je n’ai plus sous la main, je ne sais pas où il est).
    Mon père était ami avec Jean Séguy. Il a suivi avec lui l’évolution de la construction de cet ouvrage fondamental.
    Séguy et lui en parlaient souvent.
    J’ai eu une version "large" de l’Atlas, avec des volumes annexes que tout le monde n’a pas.
    Je ne partage pas pour autant les conclusions (provisoires) que vous évoquez.
    Je regarde les formes prétéritales que vous donnez comme intrinsèquement gasconnes, précisément nord-gasconnes.
    La dynamique des langues n’est pas seulement uen dynamique interne : facteurs endogènes et exogènes se croisent et prennent part également à l’évolutionlinguistique.
    Vous regardez peut-être trop la langue comme un phénomène clos et fermé : je ne crois pas que ça marche ainsi.
    Si vous consultez les sources notariales anciennes, vous remarquerez que la forme hiri, hires, hit est attestée à Bordeaux, mais aussi dans une brave partie de la Gascogne occidentale depuis au moins le XIe siècle.
    En languedocien de l’Agenais, cette même forme vient concurrencer les formes locales normales (fogueri, fogueres...).
    C’est donc un exemple de forme transdialectale occitane, qui concerne le domaine gascon, le domaine languedocien (ou guyennais si vous voulez) et leurs paliers de transition.
    Elle y voisine avec des formes locales plus "endémiques". Vous voyez que rien n’a été pollué, rien n’a filtré d’un côté ou de l’autre.
    L’ébauche d’une koïné occitane garonnaise se dessine, j’en suis certain, et Séguy (par la faute d’un maillage parfois peu pertinent et un peu trop relâché) n’a pas su le voir.
    Où sont les relevés de l’ALG en pays de Benauge (Réolais, Monségurois, Duraquois) ? Où sont ceux du Bazadais oriental (Pondaurat, Casteths en Dorthe, Barie, Bassanne, Aillas, Lherm-et-Musset) ?
    J’ai travaillé longuement sur les parlers respectifs de Nérac ville, Montcrabeau, Barbaste et Lavardac.
    A Nérac, on trouve très nettement le pronom personnel complément "zo", parfois affaibli en "ze". Il voisine parfois avec "o", mais jamais avec "ic", "ec" ni "ac", que l’on trouve respectivement en nord-Bazadais, sud-Bazadais et Landes girondines.
    Le locuteur du Néracais, du pays de Captieux ou de St-Michel-de-Castelnau a donc le choix potentiel entre deux, trois formes prétéritales à chaque fois !
    Encore une fois, j’y vois enrichissement, non affaiblissement.
    Celui qui maîtrise bien les parlers d’entre Médoc et Labrit pourra dire suivant l’humeur "haduri", "hasuri", "hadori", "hiri", "firi" ou "hadoi". Je me sens plus riche de la maîtrise de ma langue, me voyant en possession d’une telle palette de possibilités.

  • Ce n’est pas grave, ce sera pour une autre fois.
    Je sais le travail que représentent un capes et une agreg, bon courage et bonne chance.
    D’autant plus que vous allez arriver dans la "carrière" à un moment bien compliqué.

    Je suis très intéressé par les volumes annexes. En plus des volumes 2 à 6, j’ai les matrices dialectométriques. Il me manque le volume 1 que je n’arrive pas à trouver. Je suis pourtant près à le payer à prix d’or.
    Oui, une "koinè" garonnaise était sans doute en train de se former quand la langue vivait encore, je pense comme vous.
    Je crois aussi que le gascon aurait fini de s’aligner totalement sur l’occitan sans la fin des espoirs politiques de Toulouse et d’Aragon.
    Ceci dit, il n’est pas sûr que ce ne soit pas les Aragonais qui imposent leur langue, castillan ou catalan...
    C’est de la politique fiction mais je ne suis pas certain que l’occitan aurait résisté et ne se serait pas aligné sur un modèle plus méridional.
    Aragonais et Catalans étaient tout de même plus puissants que les comtes de Toulouse et je ne crois pas beaucoup à une lune de miel du fait d’une supposée communauté culturelle.

    Mais le gascon, s’il a cédé sur les marges, est resté fidèle à son vieux fonds lexical, syntaxique, phonétique, grammatical etc... vers le sud et l’ouest.
    Contrairement à vous, je ne crois pas une seconde que le métissage linguistique et culturel est une bonne chose.
    Il y a toujours un perdant dans cette histoire.
    Les vasco-aquitains ont perdu, les gascons du Moyen-Age ont failli perdre face aux occitans, les Gaulois (celtes) ont perdu face aux Romains, les bretons insulaires ont perdu face aux anglo-saxons etc...

    Je suis définitivement opposé à un renoncement de la spécificité gasconne au nom d’une mythique solidarité méridionale.
    Nous n’avons rien à y gagner qu’une aliénation encore plus grande. Le peu qui reste de notre identité, nous devons le recentrer, revenir à l’essentiel de notre personnalité profonde.
    Si les Basques se sauvent assez bien, c’est qu’il sont ombrageux et fiers.
    S’ils ont survécu alors que leurs frères de la plaine ont disparu, c’est justement parce qu’ils ne se sont pas trop ouverts et compromis.
    Nous, notre renoncement du haut Moyen-Âge nous a lentement mené où nous sommes aujourd’hui.
    Ils ont connu la même adversité que nous, peut-être pire parce que plus agressive, et ce des deux côtés des Pyrénées.
    Cependant, ils ont toujours eu une claire conscience de leur identité et se sont arc-boutés sur elle, au risque de passer pour de biens vilaines personnes.
    Moi, je préfère passer pour un vilain plutôt que de succomber aux sirènes de la convivialité occitano-méridionale, qui reste à mes yeux un vrai piège à Gascons.
    Chacun choisit de suivre une route.
    J’ai cultivé mon identité gasconne depuis l’âge de 13 ou 14 ans. J’ai suivi un moment la route occitane et j’ai compris que c’était un cul- de-sac.
    J’ai transmis la langue à ma fille, avec laquelle nous ne parlons jamais en français.
    J’ai décidé d’en faire mon métier, au prix d’un travail acharné.
    La suite logique était que j’apprenne le basque, je l’ai fait.
    La fin logique serait que je m’installe en Euskal Herria, j’y songe de plus en plus.
    Votre chemin, si vous le suivez logiquement, sera un jour de renoncer à votre gasconnité et d’adopter une identité occitane large.
    Je trouve cela très dommage et je ne me résoudrai jamais à ça.

  • Ne vous inquiétez pas, nous aurons bien l’occasion de nous rencontrer.
    Je n’ai vraiment pas de temps à moi cet été, qui passe à la vitesse de la lumière, d’autant qu’aux CAPES et Agreg s’ajoutent une thèse (à Toulouse, bien sûr), qui n’en finit pas de commencer.
    Je pense, au contraire de vous, que la langue existe encore en Gascogne garonnaise et périgaronnaise (Bazadais) où j’ai entendu de mes oreilles des dizaines de gens parler la langue de la façon la plus naturelle du monde.
    Ces coelacanthes mêlent des influences hyper-gasconnes, venues du Bazadais voisin, et même du Béarn via la transhumance, à un substrat gascon garonnais où se glissent des formes languedociennes.
    Le gascon, pour eux, c’est ça. C’est leur gascon, il présente ces réalités, aujourd’hui, en 2010, dans un gart de villages d’entre Bordeaux et Toulouse.

    L’approche synchronique de la langue permet de partir d’un état de fait, quand l’approche diachronique - ou exclusivement basée sur la diachronie - fait courir le risque de n’envisager la langue que comme un fait rationnel, alors qu’il est avant tout humain.

    Renier ma gasconnité ! Me fondre ! Mais au nom de quoi ?
    L’occitanité, telle que je l’envisage (infiniment moins répressive que vous ne la décrivez) ne me le demande pas.
    Bien au contraire, elle attend de moi que je sois de chez moi,et que j’en parle la langue. A un Niçois, je parle le gascon de St-Macaire. Pas le nissart.
    Le fait de me sentir occitan me permet d’être vraiment en phase avec mon pays d’origine, puisque je ne suis occitan que parce que gascon.
    Le modèle occitan n’est pas le modèle français. On est occitan de quelque part, et on en parle le langage.
    Un natif de Gueret, un de Tarbes et un de Marignane parlent trois choses a priori fort différentes, qui se rejoignent par un fond, des architectures, des constructions et des phrasés.
    L’Occitanie les fait coexister dans une même dynamique, mais ils ne peuvent être occitans qu’à condition d’être limousin de la Marche, gascon de Bigorre et provençal de dialecte maritime.
    Qui s’est le plus violemment opposé aux visées centralisatrices de Robert Lafont, dans l’IEO des années 60 qui rêvait de koïné et d’une seule forme linguistique de Nice à Bordeaux ? Bernard Manciet, celui qui se disait occitan des Landes de Gascogne.

  • Manciet ne s’est dit occitan que par haine des félibres béarno-bigourdans (dont Camelat) qui voulaient imposer le béarnais comme standard gascon et reprochaient à Manciet d’user du parler noir des Landes, parler qu’au demeurant il ne savait pas graphier en alibertin puisqu’il envoyait ses textes à Orthez pour les faire avaliser.

    Je trouve qu’in fine, on perd énormément car qu’on le veuille ou non, la graphie alibertine ne rend pas correctement le gascon de l’Ouest.
    La graphie de Boisgontier conçue pour l’édition des cahiers d’Arnaudin me semble bien meilleure.

    Pour ma part, je suis arrivé à un stade où je me demande si je ne tolère plus que la graphie fébusienne. Parce qu’associée à des oeuvres de qualité. Parce qu’au fond plus identitaire (on note b pour v, on assume l’écart avec le latin, ...).

    Deux citations de Manciet :

    "Le gascon est une langue heurtée, faite de monosyllabes, de nasales, de gutturales, d’aspirations : ’Beaucoup de consonnes et peu d’esprit’. Comme l’allemand. Et si ces sonorités étaient aussi une richesse ?"

    « Tends-moi cette main, que j’en lise les lignes. Le pouce, vois, c’est la côte cantabre, et jusqu’à l’index la côte landaise. Ici, regarde, tu as la Garonne, et l’Adour. Entre les deux, rien, sauf de la lande, de la forêt désertes. Sur ce rien, je vaticine.
    Là subsiste, sache-le, une peuplade bafouée par l’Histoire. Moi, je lui donnerai mieux : de la légende. Elle parle, dit-on, un langage de brutes, inadmissible. J’ai voulu le faire chanter. On l’a considérée comme perdue, morte, avec sa langue, ses coutumes, sa foi. Je l’enterre, mais je l’enterre vivante.’’

    Pour ma part, je me désintéresse de plus en plus de la question de savoir comment inféoder le parler roman de Gascogne.
    Le tropisme linguistique de l’occitanisme ne permet pas d’appréhender la Gascogne autrement que par des modalités isoglossiques (fascinantes, cela s’entend, surtout dans ce qu’elles indiquent d’atavisme), alors que la Gascogne est avant tout un espace ethno-culturel qu’il est indigne de résumer à son "patois" (j’emploie le mot à dessein).
    Bref, la langue gasconne est un indice parmi d’autres de l’existence d’une nation évanouie, qui précède l’émergence du gascon (c’est l’Aquitaine ethnique) et j’espère, au vu de la réalité du terrain, qu’elle lui survivra.

  • Bonjour,

    Je n’ai jamais vraiment réfléchi aux motivations de Manciet, notamment dans son rapport à l’occitanisme.
    Peut-être as-tu raison Vincent. Il aurait alors eu le même type de comportement qu’Arnaudin avant lui. Une espèce de méfiance, de distance face à la condescendance des félibres.
    Peut-être s’est-il servi des occitanistes, tout comme les occitanistes se sont servis de lui.
    Je suis toujours amusé quand je l’entends qualifié d’"écrivain occitan".
    Lui qui écrit dans une langue très difficile à appréhender pour les occitans, une espèce d’antithèse absolue du panoccitan, l’obscurantisme même.
    Je me souviens d’une séance de lecture d’un passage de "Casaus perduts".
    En tant qu’autochtone, on m’avait demandé d’officier. Je me suis donc exécuté, sans chercher à panoccitaniser ma diction.
    Je vous assure que j’ai vu l’imcompréhension, la surprise dans les yeux des étudiants, et des profs qui étaient là. Ont-ils, ce jour là, eu la révélation que l’occitan de Montluçon à Elx et de Biscarrosse à Coni était peut-être un fantasme ?
    Je ne sais pas. En tout cas, l’exercice de traduction qui a suivi m’a marqué.
    Ils étaient à peu près incapables de comprendre ce qui était écrit. Ils faisaient tous au moins une faute grave de sens par ligne. Pourtant, Casaus n’est pas le texte le plus compliqué de Manciet.

    Ce que pensait vraiment Manciet de l’occitanisme, je ne sais pas si nous le saurons un jour.
    Je retiens un vers de L’Enterrament :
    "Çò de sordeis adara de tot-l’Occitania
    trolh d’Arquimède de vuit que t’ann Gasconha embastardida
    que t’an hèita cholar com los de Verdun" (p. 47 de l’édition Mollat)
    Le texte de cette édition est révélateur du mal qu’ont les occitanistes à appréhender le gascon "noir". Erreurs d’accentuation, fautes d’orthographe nombreuses, au moins une par page etc...Je m’étais amusé à les relever, ça ne m’a pas amusé longtemps. Ça ne m’amuse pas non plus de le voir massacré ailleurs, tout comme est massacré Arnaudin dans les éditions établies par des occitanistes.
    Exemples choisis (il y en a des dizaines) :
    p. 11 Que te vèdi au lieu de vedi ou vedí.
    p. 13 carrèirs au lieu de carreirs, qu’enteni au lieu de qu’entèni
    p. 15 labar au lieu de lapar
    p. 23 culhèirs au lieu de culheirs.
    p. 35 umba au lieu de umbe, Vièrge au lieu de Vierge etc...
    Je passe les erreurs d’accentuation sur les formes conjuguées des verbes. J’ai l’impression que Manciet ne relisait pas les normalisateurs, ou bien s’en foutait. Moi qui ne m’en fout pas, ça me tombe vraiment des mains. Les rééditions de Reclams ne valent guère mieux.

  • Précision : Le texte en question, qui avait provoqué la stupéfaction et l’incompréhension des occitans, c’était "L’Arrat de la sian". Ce n’est pourtant pas le plus compliqué de ce livre pas trop compliqué, par rapport au standard Manciet.

  • J’ai oublié de préciser que j’ai eu l’occasion de rencontrer Manciet à 3 reprises, dont deux conséquentes.
    Un été des années 1990, j’ai été invité chez lui, à Trensacq. Il organisait chaque année un repas auquel il conviait les personnalités du moment et un aréopage d’écrivains, de musiciens, d’artistes.
    Je pense que mon invitation était due à la publication de la carte, ou à la création du cours de gascon à Biscarrosse, qui a fait florès depuis, et aussi des petits. Je ne sais plus.
    C’était peut-être en 93.

    Le lendemain, je lui ai écrit une lettre pour le remercier et le prier d’excuser mon quasi mutisme de la journée.
    Je ne m’étais pas senti à l’aise du tout au milieu de tous ces beaux esprits qui rivalisaient de bons mots. Aujourd’hui, ça me fait un peu penser au film "Ridicule", de Leconte. Je ne m’étais vraiment pas senti à la hauteur.
    Manciet a toujours été très bienveillant à mon égard. Il m’avait même demandé d’écrire un texte pour la revue Oc. Je lui ai donc envoyé une petite histoire racontée sur le mode idiomatique "Las quate vitas".
    Le scribe qui l’a transcrite pour la revue a tellement peu compris ma langue, que la chose publiée n’avait plus rien à voir avec le texte original.
    C’en était quasiment illisible. Je suppose qu’il était passé entre les mains de quelque expert occitaniste qui ne pipe mot au gascon, surtout si celui-ci n’est pas light, bien panoccitan comme il faut.

    J’ai rencontré Manciet une deuxième fois. Nous l’avions convié à passer un après-midi avec nous, à Liposthey. Nous, le cours de gascon de Biscarrosse dont j’étais le créateur-animateur.
    C’est un tout autre homme que j’ai vu ce jour là. A l’aise, ne jouant pas de rôle, heureux d’être au milieu de tous ces Gascons de la lande, de chez lui.
    Je connais assez bien Nicole Léglise et Francis Pédemay, de La Teste, pionniers du vasconnisme, créateurs de la Calandrette de La Teste avant qu’elle soit phagocitée par les occitanistes.
    Ils sont à l’origine de l’AVEI (Association vasconne d’études et d’initiatives), qui tenta, au début des années 1980, un rapprochement des Gascons et des basques, en rupture avec l’occitanisme triomphant du moment.
    Ils publièrent quelques numéros d’une revue, Vasconia (en hommage à Augustin Chaho).
    Ils étaient des amis véritables de Manciet, avec lequel ils parlaient très ouvertement et directement.
    Je ne peux pas parler à leur place mais je crois qu’ils savent ce que Manciet pensait de l’occitanisme.
    Francis Pédemay, soliste à l’ONBA, a même joué du Bach (je crois) le jour des funérailles de Manciet.

  • A propos de Manciet, ce qu’en dit Camelat dans sa correspondance à Pic à Noël 1946 :
    "Per Manciet, que l’ey pregat dus cops de decha lou parla de Sabres e de saya dou Biarnes. Que m’y tourni en lou dise qu’aco que l’ey demandat per noustes escribas Pic e Sequè."

    Et en février 1951 :

    "Que bas abé lou n° de cap d’an (Note : Reclams). E que-m escuseras de y abé boutat lous bers brumous de Manciet."

    Je suis très amusé par la continuité orthézienne entre félibrige et occitanisme : deux mouvements relativement opposés (encore que l’idéal mistralien de l’un implique la nation d’oc de l’autre) mais irrigués par la même morgue béarnaise.

  • Je crois savoir qu’Arnaudin a toujours refuse d’echanger en gascon avec les Felibres.
    Oui Vincent, la morgue felibreenne, peut-etre pas bearnaise, connait un avatar avec l’occitanisme, le dernier j’espere.
    Mais nous, les sauvages de la Lande, tenons une espece de revanche post-mortem. Arnaudin et Manciet sont abondamment recuperes par l’occitanisme. Manciet est deja qualifie d’ecrivain occitan. Pour Arnaudin, ils n’ont pas encore ose mais ca ne saurait tarder. J’attends ca avec impatience.

  • Quelques mots à propos de Manciet que j’ai eu la chance de rencontrer à différentes reprises, à une époque où il m’avait fait entrer à "Oc".
    Manciet était un être complexe mais très accessible.
    Et s’il n’est pas possible de décrire son univers qui n’était pas descriptible, on peut faire quelques remarques à propos de son comportement (en particulier avec les occitanistes).
    Même si sa langue était le gascon de Sabres, c’était avant tout le gascon de Manciet.
    Et toute son attitude, est celle du poète avant tout, c’est à dire un univers insaisissable, rebelle.
    Je pense que la langue, "son prétendu archaïsme" lui permettait d’enrichir son univers poétique, le fécondait, créait la distance qu’en aucune manière les autres dialectes d’oc ne permettent tellement ils sont transparents.
    Le gascon (l’homme et sa langue) insoumis avant tout. Rebelle à toute remise en cause de notre spécificité gasconne.
    Le gascon était une forteresse que personne hors Gascogne ne pouvait pénétrer
    D’ailleurs m’ont toujours fait sourire toutes les tentatives pour approcher l’homme, son oeuvre, comprendre sa langue.
    Le gascon était création par essence, la substance du gascon et des gascons est poétique, est poésie sauvage et rebelle.
    Il y aurait tellement à dire....

  • Tu l’as très bien dit Pierre.
    Manciet est, à mes yeux, le plus grand auteur gascon, parce qu’il a su aller vers l’universel, tout en étant un ultra localiste.
    J’ai dit la difficulté des occitans pour comprendre sa langue, même de manière littérale.
    Que les occitanistes en fassent un auteur "occitan" me révulse. Quel manque de respect.
    Ils n’ont vraiment rien compris. Toute son oeuvre, sa langue, leur crachent à la gueule.

  • Quelques mots encore sur les rapports de Manciet et de l’occitanisme.
    On peut dire que Manciet et les occitanistes s’épaulaient mutuellement (çà aurait pu être vu comme une forme d’opportunisme).
    Il n’avait pas de difficulté à accepter les autres dialectes d’òc, "Oc" étant l’exemple le plus oecuménique et unique des revues d’òc par la variété voulue des dialectes publiés.
    Par contre envers les idéologues de l’occitanisme il pouvait être d’une férocité terrible, en particulier Lafont.
    Manciet était fedéraliste et mondialiste, l’enfermement dans une doctrine le révulsait, car à ses yeux elles sous-tendait calculs politiciens et pouvoirs, utilisation de la langue dans le jeu politique (ce que Lafont a hélas démontré, et que les pitreries de Jack Lang lors de la 2ème campagne de Mitterrand a étalé sans vergogne).
    Ne lui importait que la langue dans sa diversité, les ayatollahs d’aujourd’hui auraient été une cible pour lui, et il ne les auraient pas ménagés.

  • Je viens de relire avec amusement mon message du 10 juillet dernier.
    Je m’y moquais de l’enquêteur occitaniste qui veut absolument faire dire ce qu’il a envie d’entendre.
    L’illustration caricaturale a été donnée depuis avec le fameux petit film où la dame récite la leçon que l’’intervistaire", modèle d’honnêteté intellectuelle, lui a soufflé.

  • Je relis tout ça six ans après et je me dis que j’avais vraiment du temps à perdre et de l’énergie à gaspiller.

  • Non Philippe,ce débat était et reste utile et fondamental,une référence à garder précieusement en tête voire plus .Je verrais bien un livre dialogué ,forme plus vivante que bien d’autres(cf l’échange entre Manciet et Serge Bec sur leur approche respective de la Gascogne et de la Provence).Mais il faudrait pour cela reprendre et étendre un dialogue parfois difficile .
    Anem, que sauneji mes a bèths còps saunejar que cau !


Un gran de sau ?

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