Le suffixe -òlo (-òlou) fait d’adorables noms gascons !

- Tederic Merger

Qu’est-ce qui peut réunir les patronymes BERDOLLOU et BERDOLLE ?
Une même personne les a portés :
Pierre BERDOLLOU ou BERDOLLE (Geneanet)
Quand on sait, grâce à Berganton [1], que -òlou [2] est un suffixe paroxyton [3], donc de deux syllabes et accentué sur la première, on comprend qu’à l’oreille (gasconne), BERDOLLOU est proche de BERDOLLE.
Et le français, ne connaissant pas d’autre voyelle atonique que le e (il en fait même une voyelle muette), a tendance à tout confondre, à noter e toute voyelle atonique, même si c’est ou !
Donc, BERDOLLOU et BERDOLLE seraient deux notations différentes du même nom, que Gasconha.com réunit sous le nom normat en graphie alibertine Berdòlo.

Ce suffixe -òlo, on le trouve dans d’autres noms de de personne, devenus noms de lieu :
Peiròlo (Peyrolou, Peyrolle)

Peiròlo / Peyròlou
Tederic M.

Monicòlo (Mounicolou)

Monicòlo / Mounicòlou
Tederic M.

Joanòlo (Jouanolou)
Janòlo (Janolou)
Jacòlo (Jacolou)
Menjòlo (Minjolle, Mengeolle)
Bortòlo
Cotòlo
Gassiòlo (Gassiolou)
Ugòlo (Ugolou - toponyme près de Lourdes)
Sanchòlo (Sancholou, Chancholle ?)
Hortòlo (Hourtolle, Hourtolou, Hourtoulou - ce dernier "Hourtoulou" posant un problème épineux...)
Arnautòlo (Arnautole)
Guilhemòlo (Guillemole)

Presque tous, dans cette liste, paraissent formés sur un nom individuel (Pèir, Monic, Joan, Uc, Gassia...)
Quina seria polideta !
Cette série s’observe plutôt dans le sud de la Gascogne ; Berganton s’intéressait d’ailleurs au Béarn et à la Bigorre... pour le nord, c’est à creuser : le ou atonique y est souvent remplacé par le e, on le sait avec un mot comme casso (cassou) qui donne casse...

Parfois, on ne sait pas à quoi s’appliquait le suffixe, et du coup, sa présence est moins certaine :
Pinsòlo (Pinsole)

Berdòlo > Berdolet (Berdòlou > Berdoulét)...

Et si des noms en -olet dérivent des noms en -òlo, en résultat de l’agglomération de deux suffixes -òlo et -et (c’est sans doute le cas pour Berdolet, Jacolet, Janolet, Menjolet...), on pourait essayer de débusquer des noms en -òlo par d’éventuels dérivés en -olet (oulét) ... Une occupation en période de confinement contre un coronavirus...

Pour l’instant, les résultats sont maigres :
 Pistoulet/Pistolet, assez fréquent en onomastique gasconne pourrait dériver d’un Pistòlo ? Mais pas de trace de ce dernier, sauf peut-être ceci :
Joan PISTOLLE Marié en 1677, Lucq de Béarn ; mais PISTOLLE est rare.
 Sansoulet/Sansolet pourrait aussi nous faire remonter à Sansòlo, mais ce dernier ne semble exister qu’à Esquiule (Sansolle) !

Il n’est pas exclu que des noms apparemment féminins soient des noms en -òlo :
Berganton cite Vinhòlo, alors que jusqu’à présent Gasconha.com voyait dans les nombreux lieux Vignole (parfois La Vignole) des féminins dont la forme alibertine paraissait Vinhòla et non Vinhòlo... Mais Berganton signale justement qu’on a parfois féminisé des noms en -òlo.

Mais que signifiait (il est considéré comme archaïque) ce suffixe -òlo appliqué à des noms de personne : diminutif, péjoratif ?

Notes

[1Marcel François Berganton : Le dérivé du nom individuel au Moyen Age en Béarn et en Bigorre : usage officiel, suffixes et formations

[2L’accent grave sur le o (ò) indique où est l’accent tonique.

[3Un paroxyton est un mot dont l’accent tonique est placé sur la pénultième syllabe. Wikipédia
Un suffixe paroxyton est donc un suffixe qui a au moins deux syllabes (sinon, il ne pourrait pas y avoir de syllabe pénultième !). Berganton liste les suffixes -èco, -èlo, -èri, -òlo, -òni.

Grans de sau

  • Reste à proposer une étymologie pour ce suffixe proparoxytonique, et Berganton ne s’y essaie pas vraiment, sauf à sous-entendre qu’il sera dégradé comme suit en gascon :

    "la dégradation de -ol à -o constitue deux étapes des trois qui réduisent -òlou à -o"

    L’on sait que le gascon, surtout méridional, a tendance à introduire une voyelle finale atonique -o (prononcée -ou) dans les cas de réductions d’étymons latins par suppression de la syllabe finale ; le cas le plus célèbre est casso (’cassou) "chêne".

    ’cassa(nu) > ’casso en sud-gascon
    ’cas(sa)nu > ’casne > chêne en français

    Cependant, je ne sache pas que nous soyons face à un tel cas de réduction ; dès lors, il ne reste qu’une solution : -òlo est le suffixe latin -olum, avec maintien du -u final latin, par archaïsme, avant que le gascon ne rejoigne la solution d’oc standard -òl, qui finira par être vocalisée -òu.

    J’ai déjà abordé la question du maintien du -u étymologique latin en matière de toponymie ancienne dans les Pyrénées.

    (Cauterets)
    Cancéru

  • Le dualité -òlou / -òle est banale en gascon : àsou / asë ; càssou / cassë etc. Remarquer que la finale est ici l’aboutissement d’une finale latine en -anus (cassanus, qui donne le féminin cassagne), -inus (asinus)…

    Nota bene – Je note par ë ce que Palay a noté par e avec point souscrit dans son dictionnaire, sans que cela fût consacré par une règle de l’orthographe fébusienne officielle. Le tréma est en effet bien plus facile à noter que le point souscrit.


Un gran de sau ?

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