Voici un article un peu expérimental qui fait le tour des mots et expressions francitans/franscons dont j’ai hérité par ma famille. J’y inclus des mots entendus sur le tard.
Evidemment, je passe rapidement sur les tournures régionales : « ça sent à... », « je l’ai vu, à lui », « je t’ai gagné », « je me mets le blouson », « faire à » (+ jeu) « préférer... que », « à la poche », "sortir" pour "enlever"...
Je passe aussi rapidement sur les banalités régionales du genre : eh bé, tè, oh enqui/anfi, poche, chocolatine, embauche(r)/débauche(r), ça daille, palombe, palombière, lagune, airial, pibale, cruchade, pigne, pignada, être trempe, caguer, tourtière, pet, drolle, gueille, talanquère, gabarre, garbure, piperade, pastis (landais), cagouille, aillet, tricandilles, aiguise-crayon, baïne, hapchot, festayre, gnaquer, avoir le gnac, bastide, merveilles, cannelés, ventrêche, sanquette, cabane tchanquée, pinasse, tourrin, garluche, mascaret, échoppe, melon d’Espagne, cingle, chabrot...
Je ne parlerai pas non plus des questions de prononciation.
Et bien sûr, je m’efforcerai de ne pas mentionner les mots ou expressions qui ne me viennent pas ou possiblement pas de la famille. C’est le cas de mots que j’ai pu lire ou entendre tout jeune, par exemple :
Rouille, mot typique des Côtes de Bordeaux qui y désigne un petit cours d’eau généralement temporaire au fond d’un vallon en V, que j’ai eu l’habitude de lire sur les cartes IGN locales ; je ne dis pas « un ru » ou « un ruisselet » car il n’y a pas pour moi la connotation de vallon et de cours d’eau temporaire ; il en est peut-être de même pour estey.
Ripataoulère, ce fameux type de groupe de musique de rue où j’ai fait mes classes.
Baragane, appris à l’adolescence dans les livres (mais par la suite confirmé par mon grand-père) et utilisé fréquemment depuis que j’en ramasse.
Aubarède, sans doute lu dans des livres.
Etc.
Premièrement, les mots hérités, disons « dès le départ » ou « sans que je me souvienne depuis quand » :
Abat d’eau "averse".
Ach ! : alors celui-là, il est amusant : ma mère s’exclame ainsi quand elle se fait éclabousser. Or j’ai trouvé atch dans le même sens en oc toulousain !
Eh adieu ! : se dit toujours avec « eh » ! Mon grand-père ne disait jamais « salut ». Il saluait ainsi systématiquement les animaux, ce qui fait que je n’ai jamais fait autrement : dire « salut » à un animal sonne très étrange à ma bouche !
Allée (de vigne) : c’est ce qui me vient spontanément, confirmé ensuite par un habitant de la commune.
Avoir de quoi "avoir tout ce qu’il faut, avoir le nécessaire".
Berlon (peut-être aussi berle) « grosse bille à jouer ». Enfant, je ne savais même pas que c’était régional.
Biscouette "zigzag", plus généralement tout ce qui est tortueux, frisé...
Blaguer comme faux ami : mon grand-père le disait plutôt avec le sens de « bavarder ».
Boudiu : à prononcer bouuuuu diiiiiiiiou ou oooh bounn diiiiiiiou (ma mère).
Boufiole "bouton (piqûre), ampoule", j’ai toujours connu ce mot mais pas sûr qu’il vienne de la famille.
Bourrier « ordures » : « mettre quelque chose au bourrier ».
Bourrut « vin nouveau ». Chez nous, on dit bien le -t final alors même qu’en Gironde on parle généralement de « bourru ».
Cagade "bêtise".
Cagnas « gros chien ».
Caguère « diarrhée ».
Capèt « chapeau ».
Cèpes (aller aux) : on me dira que ce n’est pas forcément gascon, mais pour moi ça veut dire « aller chercher des champignons comestibles » (sens générique de cep au moins en nord-gascon, vu qu’en sud-gascon il y a camparòu pour « champignon », en périgourdin/guyennais potareu, botareu, en languedocien campairòl etc.).
Chibrer « esquinter ». Celui-là, je ne crois pas l’avoir reçu de la famille, mais j’ai l’impression de l’avoir toujours connu et de l’avoir toujours pris pour de l’argot, avant de me rendre compte que c’est un mot gascon, cf. xibrar, deixibrar en bordelais, et plus récemment encore je découvre l’étymologie lat. separare, cf. limousin/périgourdin eissebrar, eissibrar « déchirer ». Je me souviens d’un Bazadais qui disait s’être « chibré le dos ».
Congo : type de danse.
Crasquiller « crisser » (spécifiquement comme des feuilles mortes). Ma mère dit ça, et j’ai découvert par la suite que ça voulait dire « croustiller » en oc.
Croire (s’y) « se la péter » : pas sûr que ça soit spécifiquement d’oc. Ailleurs « se croire, s’en croire » qui sont peut-être davantage d’oc.
Décaniller « faire tomber » mais aussi « abattre, tuer », y compris au sens figuré, et surtout dans des sens particuliers : ça va décaniller ! « y a des têtes qui vont tomber ! », ça décanillait « ça tombait comme des mouches »...
Entamer (s’) « se blesser ». J’ai cru comprendre que c’est un régionalisme mais pas sûr.
Entraver (s’) « trébucher, s’empêtrer ». Un grand classique. Entendu dire par une camarade aveyronnaise, aussi ! Voir la carte de répartition de M. Avanzi.
Escagasser (s’) : je mentionne ce cas particulier même s’il n’est pas exact : ma mère l’utilise à la place de s’escaner !
Faire suivre « apporter ».
Garrut "costaud, robuste".
Gratère : dans avoir la gratère !
Gratton : ça a toujours désigné pour moi celui de Lormont (avec pas mal de maigre), et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que dans d’autres régions c’était tout autre chose !
Grave : plus précis que « cailloux », utilisé comme collectif, pas pareil que « gravier » qui pour moi rappelle quelque chose de petit genre gravillon. Bref la grave c’est la grave !
Jalle : ce type de cours d’eau de la palus bordelaise.
Joutes « bettes ». On a toujours dit uniquement « joutes » chez nous.
Lapinot en disant le -t, ainsi disait mon grand-père.
Macher « meurtrir ». Ma mère : « les pommes sont toutes machées ! »
Mail (au) « au boulot ». Apparemment pas connu hors de Gironde ! Pour Nicole Laporte (de Beaulac) c’est de l’argot et non du gascon bazadais.
Mayade : ce fameux type de fête où l’on plante le mai, au son du fifre et du tambour.
Mounaque ?
Mouquire « morve ».
Pallichot "pâlot" et maigrichot "maigrichon". Prononcer le t, bien mûr.
Piche-biste (m.) « culotte fendue ». Elément du costume folklorique de Lous Réoulès dont ma mère fit partie.
Pin franc « pin parasol ». J’ai découvert tardivement que ce terme est bien localisé aux départemetrs littoraux !
Pinter « picoler ».
Piple « bolet rugueux ». A chaque fois que je dis ce mot dans la région, on me reprend en disant « pible ». L’ALG montre bien « piple » uniquement en Sauternais.
Pister "surveiller".
Pit (au) « toujours prêt » (quelqu’un).
Potoc « tas » : mot typiquement maternel qui n’est pas sans rappeler le marmandais patòc.
Puiser « prendre l’eau » (chaussues). Aussi a pusat ! J’ai découvert ensuite que c’était aussi présent dans des régions d’oïl.
Ramasser « cueillir » (même si c’est sur l’arbre). Je n’ai pas l’habitude de dire « cueillir des pommes », en fait !
Risquer + verbe à l’infinitif. Voir les discussions déjà tenues ailleurs. Nicole Laporte connaît cette tournure en français mais elle semble rare ; en tout cas, on ne dit que comme ça dans ma famille, si bien que je n’ai découvert que récemment que « risquer de » est la forme « normale ».
Sauce « ragoût ». C’est tout au moins le sens saintongeais (FEW).
Tignous « teigneux ».
Trempic (faire) « faire trempette » ou « faire une collation avec des mouillettes ».
Vime « osier ».
Deuxièmement, les mots appris ou entendus en famille plus tard, à partir de l’adolescence :
Aubarasses « esgourdes ».
Baste « comporte ». Mais il me semble que mon oncle l’a utilisé pour désigner un autre récipient.
Bertoles : le fameux jeu traditionnel avec des bâtons, que mon grand-père pratiquait dans la campagne de la banlieue bordelaise d’avant-guerre.
Bourrat « coup, bourrade ».
Brogne « bosse » (hématome).
Cacaillotte (à) « à califourchon ». Cf gascon a carcalhòta.
Cac(o)ugne « tacot ».
Cacoye (en tant que chafre)
Catalan « lactaire délicieux ».
Charron "moule" et royan "sardine", du temps de mon grand-père.
Etre à sa main "être à son aise" (ma mère). Je ne sais pas si c’est régional.
Garraille « jambe » et garrailler « agiter les jambes ».
Gate « alose feinte ».
Goudale : synonyme de chabrot du temps de mon grand-père.
Gringoner « faire le ménage », du temps de la jeunesse de mon grand-père.
Ligagne « chassie ». Forme avec -i- typique des Graves.
Lisser "repasser" (habit).
Mangane "voyou".
Matte « digue », mot venant de mon grand-père du temps où il habitait Marmande dans les années 1950.
Miques : les fameuses (enfin, façon de parler) boules de pâte bouillies landaises.
Pain d’oiseau et pain de serpent : respectivement les fruits de l’aubépine et le gouet, en gascon du Bordelais pan d’ausèth/audèth et pan de sèrp. Du temps de mon grand-père.
Par côté « à côté ».
Pélut, je crois avoir entendu mes oncles l’utiliser, pas sûr.
Pique : la pique aux pommes « la cueillette des pommes », mais plus dans le sens de glaner, chaparder.
Pougnaquer : connu par mon grand-père dans le sens de ponhicar « pincer + tripoter » plutôt que de ponhacar « rouler en boule ».
Rège "espace entre les rangs de vigne".
Sangogne « lézard », mot bordelais connu par mon grand-père. Il connaissait aussi sangougnas qu’il reliait à « sans goût » !
Tchuquer « picoler » (ou tiuquer ?)
Tiaouèque (en tant que chafre)
Tiaper « bouffer ».
Tioc « trempé ».
Touton « tonton », du temps de la jeunesse de mon grand-père.
Expressions gasconnes :
As bis passat lou baloun ? J’ai vu par la suite cette expresssion dans un livre, et si j’ai bien compris ça se disait en voyant une femme enceinte.
Coum tu !
Lou can goulut et lou gat
M’estoun’ré (ma mère)
Passer par maille « passer à la trappe, passer inaperçu ». Je ne sais pas si c’est vraiment régional, il me semble que c’est connu dans le nord-ouest de la France. En tout cas ça ne semble pas spécifiquement gascon.
Chenille : je me suis surpris un jour à dire ça pour "chaton" (d’arbre). Ca m’était venu naturellement... et en gascon c’est canilha !
Des expressions avec des lieux :
Envoyer quelqu’un à Cadillac : chez les fous.
Si on te disait de te jeter dans la Garonne, tu le ferais : pour quelqu’un qui ferait tout ce qu’on lui dit sans réfléchir.
à Pampelune : endroit éloigné.
Quelques particularités toponymiques :
Nizan-Gare pour Le Nizan-Gare.
Pian pour Le Pian-sur-Garonne.
Saint-Pey pour Saint-Pierre-de-Mons.
Saint-Sym pour Saint-Symphorien.
Précisions Fargues de Langon, Savignac d’Auros.
Spécifiquement du côté périgourdin-saintongeais :
Empruner, emprunant « embêter, embêtant ». Typique d’un de mes oncles, jamais entendu dire ailleurs. J’ai découvert que c’était un mot périgourdin ; aurait-il été transmis par la famille de ma grand-mère ?
Massepain : en tant que gâteau et non pâte d’amandes comme en français standard. Je le place ici parce que ma grand-mère avait appris la recette, paraît-il, de sa grand-mère, qui la tenait de ses voisines périgourdines.
Pilo « tas » (cf mon oncle). Curieusement sans -t contrairement à « bourrut », ce qui me fait dire que ça doit venir du Périgord.
Quichenotte : la coiffe saintongeaise, accompagnée évidemment de l’étymologie populaire « kiss not ». Ce n’est pas d’oc, mais bon la famille de ma grand-mère vient de la limite Périgord-Charentes !
Vignoner ? : entendu dire un jour par ma grand-mère, dans le sens de « provigner » ou « marcotter » ou un truc du genre ; mais après l’avoir réinterrogée une autre fois, elle ne semblait plus connaître. Rien trouvé dans les dictionnaires, ça reste donc un mystère.