Projet de mise en valeur des Landes, par Guillaume Desbiey, en 1776 Un projet astucieux et équilibré d’exploitation landaise. Les successeurs de Desbiey auraient dû en prendre de la graine... Et même de nos jours, on peut y puiser des idées.

- Tederic Merger

"Guillaume Desbiey, trois mémoires d’un précurseur landais méconnu"
Société Historique et Archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch
ISSN 0993-7366

Ce bourgeois landais, redoutable haut fonctionnaire du fisc de l’administration royale (receveur des fermes du roi à la Teste), a écrit un "mémoire sur la meilleure manière de tirer parti des Landes de Bordeaux, quant à la culture et à la population", qui a remporté le prix de l’Académie Royale des belles lettres, sciences et arts de l’Académie de Bordeaux en 1776.

Le désenclavement :

Desbiey n’utilise pas le mot "désenclavement" si cher à nos aménageurs, mais il pense nécessaire de construire de bonnes routes et des canaux dans les Landes pour permettre aux productions locales, et surtout au bois, d’être vendues.

Parallèlement à ces nouvelles voies de commerce que sont les routes et les canaux, il propose un modèle d’exploitation agricole et sylvicole landaise.

Ces exploitations auraient été longilignes, le petit côté étant celui en façade sur la route et le canal, et le long côté s’enfonçant dans les terres.

Le modèle d’exploitation landaise de Desbiey :

Desbiey fixe les dimensions optimales de l’exploitation :
"Afin de multiplier encore davantage les habitations sur les bords des grands chemins et des canaux, on pourroit ne donner que huit journaux [1] de face sur une profondeur qui en auroit alors soixante-quinze."


Sauf erreur d’interprétation, c’est donc sur une bande de 600 "jornaus" (8x75), donc autour de 300 hectares, donc un rectangle d’environ 700m sur 4 km, que Desbiey projetait de faire vivre "une famille de maître ou de fermier, deux familles de bouviers laboureurs, une de pasteurs et trois de résiniers".

Desbiey dessine avec précision le plan, très géométrique, de l’utilisation du domaine, séparé des domaines voisins par "de larges et profonds fossés mitoyens qui le garantiroient tout à la fois et de la stagnation des eaux et des incursions du bétail étranger". La terre issue de ces fossés devait d’ailleurs servir à fertiliser l’intérieur du domaine.

Les cultures et activités du domaine :

  • seigle, petites fèves, panis, et surtout maïs (appelé selon les endroits blé d’Espagne, d’Inde ou de Turquie - le mot "turguet" employé en Albret pour le maïs vient peut-être de cette dernière origine).
    Desbiey pousse au remplacement de la culture du millet par celle du maïs, grâce à des méthode de culture adaptées aux Landes.
    Conformément à la tradition landaise, il déconseille la jachère, qui ferait plus de mal que de bien en multipliant les mauvaises herbes.
     
  • "vergers et jardins potagers nécessaires pour l’usage des colons" (Desbiey voyait dans cette mise en valeur des Landes un moyen de recycler les "peuplades de fainéants des villes" en en faisant des colons.)
     
  • chenevières et pépinières :
    "soit des arbres fruitiers et à pépin et à noyau, arbres d’agrément et d’utilité qui viennent de bouture, tels que les différentes espèces de peupliers et de platanes, dont on pourroit garnir les bords des fossés de clôture, soit de ceux qui viennent de graine et de provin, comme le frêne, et surtout le faux acacia, dont on pourroit former des haies qui sont impénétrables et faire des échalassières qui en général sont trop négligées dans une province où la principale culture est celle de la vigne."


     

  • "haies vives d’acacia, toujours préférables à celles d’aubépin dont les progrès sont plus lents, l’entretien plus coûteux et le produit infiniment moins utile".


     

  • noyers, cormiers
  • Vigne, que Desbiey suggérait de faire courir en hauteur, sur les fourches des peupliers et des platanes.

    Dans un esprit d’économie qu’on a oublié aujourd’hui parce qu’on se repose sur les machines, Desbiey s’arrange pour que chaque élément de son projet ait plusieurs utilités : ainsi tel arbre donne à la fois de l’ombre pour protéger les travailleurs, des fruits, du bois, sert de support à une autre plante, etc...
     

  • Prairies naturelles et artificielles (au "fromental de Nice" ou "rai-gras") pour nourrir les bestiaux ; prairies naturelles ou artificielles de genêts épineux [2], pour le pâturage, la litière des animaux, et l’engrais des terres.
     
  • Futaies et taillis :
    pins, chênes francs (utilisés pour les charpentes), chênes-liège ("d’un revenu considérable" lorsque le liège est bien exploité et travaillé, et qui donnent aussi les meilleurs glands pour "l’engrais des boeufs et des porcs"), chênes tauzins, dans des proportions variables selon les parcelles.

    Comme les autres plantes, les arbres doivent s’entr’aider : l’ombre des uns aide les autres à pousser, etc...
     

  • enfin, au plus profond du domaine, le pinhadar pur, destiné surtout aux productions résineuses, entrecoupé de "bire-huc" ("vira-huc" en graphie occitane normalisée ; signifie "écarte-feu") ; ces "vira-huc" devaient servir aussi à "fournir du pâturage et de la litière pour un troupeau de brebis ou de chèvres, qui procureroit l’engrais des terres destinées à la subsistance des résiniers".
Au total, les bois auraient occupé près des deux tiers de l’espace. Mais pas de monoculture du pin !

Notes

[1Le jornau (journal) est une unité de surface. Le jornau différait d’un endroit à l’autre : c’était l’étendue de terrain qu’on pouvait labourer en un jour, et elle dépend de la nature du terrain.
D’un tiers à deux tiers d’hectare, en Grande Lande.

[2Desbiey fait probablement allusion à la toja (prononcer "touye"), petit ajonc épineux qui pousse dans les Landes, très utilisé pour la litière des animaux.

Grans de sau

  • Cette synthèse est excellente et traduit la vision des Desbieys :
    continuer dans une équilibre agro sylvo pastoral sans monoculture du pin.
    Quant aux routes, Desbieys sait que les bonnes routes sont bordées de fossés et qu’elles contribuent à écouler l’eau.
    Ce sera le cas pour la route agricole entre Bias et Onesse vers 1865 :
    Autrefois c’était une zone marécageuse, après le percement de la route, les habitants s’étonnent même du gain en salubrité.


Un gran de sau ?

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