Emission sur Europe 1. Une auditrice de Saint-Pierre-d’Aurillac (33) intervient. Vincent.P

- Vincent P.

L’animateur : "Ah vous avez un accent".

(En fait, elle n’a absolument aucun accent, elle n’est pas originaire de Gironde ainsi qu’elle le dira plus tard, la capacité des Parisiens à entendre un accent méridional là où il n’y a que des intonations de la France de l’Ouest est hallucinante)

L’animateur de poursuivre : "Mais pourtant, il n’y a pas d’accent en Gironde normalement."

Certains chroniqueurs de l’émission discuteront alors de la réalité ou pas d’un accent en Gironde.

Ce que l’on peut dire, c’est qu’aujourd’hui, il est généralisé parmi les trentenaires et plus jeunes qu’il n’y a pas d’accent en Gironde. A peine sait-on qu’il y eut un patois spécifique à la région.

Personnellement, j’entends aussi peu l’accent du SO à Toulouse qu’à Bordeaux, mais ça, c’est très anticonformiste de le dire il semblerait.
Il faut affirmer qu’il y a eu un accent en Gironde, le fameux accent gascon des Bordelais, celui encore d’un Lacouture.
Mais c’est un accent gascon, moins prononcé que l’accent provençal, un accent un peu snob qui se fond assez bien dans le français standard.

Mais la question de l’accent gascon du Bordelais est aujourd’hui autre : est-il faux de dire qu’il n’y a "plus" d’accent en Bordelais ? Je le crois assez pour tout dire ...
D’abord, il y a le phénomène ancien de "gabachisation" qui a je pense profondément influencé le parler français de Bordeaux.
Ensuite, la Gironde n’est plus peuplée majoritairement d’autochtones, c’est l’évidence.
La vérité du parler français de Gironde, à l’exception du Bazadais profond, c’est celle d’un français standard, peut-être de l’Ouest, les personnes ayant un accent méridional étant originaires d’ailleurs assez souvent.

Grans de sau

  • Mon papè qu’es bordalés a un accent bordalés, e bien shord es lo qui refusaré d’ec créser en l’entendent. Idem per ma mair.
    A Bordèu, entendi tendent lo petit pòple parlar damb son accent.
    Nani, los Bordalés son pas encara tots remplaçats preus Parisièns !

  • On entend l’accent dans les banlieues populaires des années 70, pavillonnaires, à savoir rive gauche Pessac, et rive droite des "villes" comme Artigues. A Bordeaux-centre, il faut bien tendre l’oreille ...

  • L’accent nord-gascon est au contraire étrangement présent, jusqu’à la génération née dans les années 60 et au début des années 70, y compris chez des non-autochtones, comme des Maghebins assimilés (mon voisin de palier).
    On entend des gens d’une quarantaine d’années parler avec un accent gascon qui en serait choquant s’il n’était jouissif de l’entendre.
    Ce sont généralement des Pessacais, Mérignacais, Eysinais, Gradignannais etc. de souche.

    Dans toutes les villes l’accent se perd, mais je trouve que sa persistance en Bordelais est au contraire emblématique d’une très très forte dynamique locale.
    Dans les rues de Pau, cette semaine, aux environs de la place de la Résistance, j’ai entendu fort peu de jeunes lycéens parler avec l’accent béarnais.

  • A Bordeaux, ce sont les étudiants des Landes et d’ailleurs qui ont l’accent ...
    Dans les commerces de l’hyper-centre, oui il y a encore l’accent parmi les commerçants, car souvent ils sont du cru (des Médoquins, des gens des Graves, ...). Mais ce sera la dernière génération je pense.

    L’accent est très présent dans la banlieue-pignada (Pessac, Mérignac, ...).

    Pour Pau, je suis d’accord, mais c’est une bête question de substitution démographique dans les années 70 (Lacq).

  • Après, pour tout dire, je trouve David que tu as un peu tendance à surévaluer la gasconnité en Bordelais, dans toutes ses facettes.
    Je sais que la Gascogne septentrionale souffre d’un déficit d’image dans la mouvance régionale, qui a du mal à y reconnaître son "Sud" (la Gironde, ce n’est pas l’Aude ...) et qu’il faut donc en tout occasion rappeler le caractère fort de la culture indigène.
    Mais voilà, il ne faut pas nier que le processus de francisation est en Gironde plus ancien qu’ailleurs, du fait de Bordeaux à partir du XVIIIème siècle surtout, du fait des migrations du XIXème siècle (qui ont pris la suite des migrations anciennes gavaches), ...
    Après, je suis d’accord pour constater que dans les faits, les autres régions gasconnes sont tout aussi dégasconnisées.

  • Mon approche de la gasconnité, Vincent, se base autant que possible sur des données objectives, ne ressentant pas à titre personnel le besoin de créer une méridionalité de carton-pâte : je porte un patronyme dont l’origine me semble difficilement contestable, et suis d’une lignée béarno-bazadaise.

    Ma connaissance de la - profonde - gasconnité du Bordelais vient d’une étude patiente et dénuée d’a-priori des multiples formes de l’idiome local, de la littérature populaire, de l’implication (passée, me répondras-tu) du gascon dans la vie locale bordelaise.
    Je ne suis pas un dépliant touristique occitaniste, et ma thèse n’est pas financée par l’IEO.
    La francisation de la ville de Bordeaux entre la fin du XVIIe siècle siècle et le calamiteux temps de Chaban-Delmas est le résultat (c’est ma théorie) d’une volonté parfaitement consciente de dé-gasconniser (désoccitaniser, déméridionaliser, comme tu voudras) une métropole qui possédait déjà le cosmopolitanisme inhérent à tout port de vaisseaux au long cours.
    Bordeaux sentait le rhum et le café par devant, la ventrèche et l’ail par derrière, c’est mon avis.

    Linguistiquement, une étude isoglossique de l’oc girondin reprise de zéro m’a conduit à démontrer l’existence d’une pan-occitanisation à fort substrat nord-occitan entre la fin du règne de Louis XIV et la Révolution (cau > fau, saber > sapcher, > còr alternant avec cur, cama > camba, hlama > flamba...).
    A la différence de toi (je connais bien tes théories sur la question), je n’assimile pas les nord-Occitans à des Gavaches d’oc.
    La différence entre un Poitevin et un Périgourdin, à l’accent, aux pratiques culturelles, au patrimoine commun, je gage que les Gascons ont toujours su la faire.
    J’émets aussi l’hypothèse que le tournant soit, en 1451, la création du Parlement de Bordeaux.
    En effet, les juridictions de Poitou et Saintonge, jusque là relevant du parlement de Paris, y furent rattachées.
    En 1491, un arrêté de la Jurade que j’ai retrouvé aux AD interdit aux Saintongeais d’entrer dans Bordeaux sous peine de très lourdes sanctions, et entend expulser ceux qui s’y trouvent déjà.
    Cette vague d’oïl n’a jamais submergé le sentiment d’altérité profond et fondamental (parfois jusqu’à la xénophobie violente) qui régit la relation entre les deux populations.
    Enfin, n’oublie pas que dans l’argot urbain dit "bordeluche", le gascon a en quelque-sorte survécu, ou plutôt son écume, mais c’est une marque de vivacité que peu de villes du sud de la Loire peuvent revendiquer.
    Je ne sais plus quel voyageur traversant le "Midi" au XIXe siècle sacrifie à la rebattue comparaison entre Bordeaux et Toulouse.
    Il est intéressant de noter que, de Toulouse, il retient l’accent, de Bordeaux, il retient le gascon.

    Une dernière chose : le substrat gascon est beaucoup plus vivace dans les textes de gascon bourgeais de la fin du XIXe qu’en parler bordelais de la même époque.
    Ce n’est pas si simple.

  • Un mot encore quant à l’accent girondin : sa gasconnité n’a pas besoin d’un a-priori occitaniste pour être constatée !
    J’ai personnellement deux oreilles, et il me suffit d’écouter mon oncle, Michel Mano, né en 1939 à Mérignac-Pichey, fils, petit-fils et descendant de paysans mérignacais on ne peu plus de souche.
    Ce n’est pas un étudiant landais ni un occitaniste cherchant à cautionner sa carte au PNO en jouant au marseillais, juste un Girondin de la périphérie bordelaise, encore vivant et actif au XXIe siècle, qui possède le plus bel accent gascon qu’il soit possible d’entendre. Ils sont encore nombreux comme ça.
    Dans Bordeaux, ça se perd, sauf chez quelques vieilles dames qu’on croise parfois dans le bus ou le tram, entre les quais et Pey-Berland : dernier vestige du type bordelais verdiéen, elles ont encore le vieil accent de Paludate et des Capu. Plus gascon, tu meurs...

  • J’écoutais distraitement aujourd’hui France Culture, et mon attention a d’abord été captée par un témoignage d’habitant évacué lors d’un incendie ; il racontait qu’il avait eu un quart d’heure pour quitter sa maison - j’ai compris qu’il s’agissait d’un incendie de forêt comme nous en avons eus l’an passé, et remarqué en même temps qu’il avait "l’accent du midi", ce qui me fait toujours plaisir...

    Mais voilà qu’Hélène Cixous, écrivaine, enchaîne en disant que, certes elle n’a pas "l’accent du sud-ouest", mais qu’elle a connu la même expérience, et même que le monsieur qui témoignait pourrait être son voisin...
    Elle, son souci premier semble avoir été de sauver ses chats, et de tout ça elle a fait un livre ("Incendire"...).
    (La Teste-de-Buch / La Tèsta de Bush)
    Cazaux

    Elle indique qu’elle habite à Cazaux (commune de la Teste), ce qui me donne l’occasion d’utiliser à son sujet le joli gentilé cazalin-cazaline !
    L’immersion d’un philosophe en terre landaise
    Et je fais le rapprochement avec le philosophe Jean-Claude Michéa qui, lui aussi, a choisi de se retirer dans le massif landais (mais beaucoup plus "à l’intérieur").
    Le début d’une série ?


Un gran de sau ?

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