Albret néracais Armagnac & Condomois Gascogne médiane

Lannes

- Tederic Merger


 

Trenquetéou / Trencateu / Tréncotéw

en graphie alibertine :

Trencateu
Prononcer "Tréncotéw"

trencar / trancher

Prononcer "tréncà".


Il me parait préférable de ne pas suivre l’IGN dans sa graphie "Trinquétéou", mais plutôt le cadastre napoléonien : Trenquetéou

Un nom en -eou est parfois une vieille gasconnisation d’un nom français. Mais Trinqueteau ne semble guère exister en onomastique d’oïl et Trenqueteau encore moins.

Par contre, la toponymie gasconne offre pas mal de noms sur le modèle trenca + qqchose.
Le verbe trencar doit simplement correspondre à trancher.
On tranchait beaucoup de tuiles en Gascogne : Trenqueteoule, Trinquetuile, Trinqueteoule, Trinqueteule... mais aussi autre chose :
Trinquebardin, Trinquecorde, Trinquecoste, Trinque Loche, Trenqueleon, Trinque Millas...

Mais dans Trencatèu, que voudrait dire "tèu" ?
Cassini écrivait, semble-t-il, "Trinqueleu", mais ce doit être Trinqueteu.


 

Grans de sau

  • On peut voir dans TRENCATÈU le suffixe -at comme dans Trencat à Cachen 40 (quelque chose tranché, petite tranchée ?) + suffixe -èu ; ce serait l’analogue du double suffixe diminutif languedocien -at+èl de ribatèl : ruisselet.

    Mais alors pourquoi la forme spécifiquement gasconne -èth
    n’apparait pas (voir aussi Moncrabeau).

  • La question de l’existence d’un suffixe -èu en gascon est l’une des plus complexes de cette langue, entre francismes, languedocianismes adaptés au vocalisme gascon, un véritable suffixe -èu, qui fait son féminin parfois en -èva, mais plus souvent en -èla (attesté dès 1240 dans le charte des boucheries d’Orthez), ...

    La question est traitée par Berganton dans "Le dérivé du nom individuel au Moyen-Âge en Béarn et Bigorre" (p.115 à 128), et si nécessaire, je m’essaierai à la numérisation de ce passage primordial.

    En somme, il semble bien qu’il existe un suffixe -èu/èla, d’origine inconnue, possible importation (du français ou de l’oc médian), qui alterne sans problème avec -èth/èra. Berganton cite les doublons escabèth/escabèu par exemple.

  • Belleyme écrit également Trinqueleu, mais il est probable qu’il ait repris Cassini sur ce point.

    Pour ma part, je pense, de prime abord, que ce Trenquetéou est un Trencateula dont la finale, atone, a été affaiblie, jusqu’à l’oubli : il conviendrait de s’assurer si ce phénomène est possible dans le gascon des environs, sur d’autres toponymes : j’ai peu confiance qu’il existe encore des locuteurs fiables pour vérifier ce point.

    A noter que l’attraction des micro-toponymes en -éou autour de Lannes et Villeneuve a pu jouer : Mousséou, Curtéou.

    Bon, sinon, autre problème : teula ou tèula ?

  • Les emprunts aux français (bon, je ne parle pas de shapèu bien sûr) ont parfois leur double en gascon avec un autre sens :

    drapèu / drapèth

    bandèu
    borrèu
    carrèu (aussi en rouergat)
    morèu (mûrier)
    pesèu : intéressant, serait-ce issu du périgourdin ? (cf FEW)
    placèu
    rossèu (poisson) (fém. rossèla) : du vendéen ’’rousseau’’ ?

    En onomastique, gasconnisations de mots en -eau :
    Berjonèu
    Boirèu
    Botèu
    Condèu
    Morèu
    Mossèu
    Passerèu
    Pochèu
    Relèu (ex. Rouleau)
    Roishalèu
    Tissèu

    Mais aussi :
    Janotèu ?
    Peirotèu
    Ramonèu ?

    Notons que Miquèu n’est pas un emprunt au français.
    Y a-t-il des mots issus du latin -elu- et pas -ellu- ?

    • Pochèu, graphie alibertine, correspondrait à quelle graphie française d’origine pour toi, Gaby ? Poucheau, je suppose, qui existe en pays d’oïl. Et le toponyme de Gascogne serait correspondant serait noté Pouchéou ?
      Moi, quand je vois un Pouchéou (le FANTOIR en donne un à Noaillan -33 et un autre à Lelin-Lapujolle - 32), je pense à notre emblématique poisheu (poishiu etc.) qui signifie obstacle.

      Poishiu
      Voir aussi Puisheu. .

  • Le lieu-dit Curtéou, voisin de Trenquetéou, est Curetéou sur la carte d’État-Major du XIXème siècle, mais il est Curteu sur la carte de Belleyme. Il est encore Curetéou sur le FANTOIR.

    Ce lieu-dit est-il susceptible de donner la clé de Trenquetéou ? Cure-tuile ?

    • Le Cadastre napoléonien donne aussi Curetéou ; la carte d’État-Major du XIXème siècle donne exactement Curétéou, et la différence de l’accent aigu ne serait pas sans importance, mais je fais davantage confiance au Cadastre napoléonien.

      La recherche dans le FANTOIR donne des toponymes savoureux, ou douloureux :
       Cure l’oeuf, Cureluou (Cura l’uòu)
       Curebourse (4 còps !), Cureboursicq, Cureboussic, Curegousset, Curepoche
       Curepipe (2 còps), Curelos (Cura l’òs ?), Cure Nez !

      Le verbe curar semble donc avoir le même sens que curer, vider en français.

      Curatèu semble donc bien du même modèle que Trenquetèu, et le mot téu que Vincent a trouvé chez Palay (voir plus bas) est une bonne piste, même si les sens précis de curer ou trancher une toiture, ou des tuiles, sont difficiles à saisir pour nous.
      Il faudrait alors écrire Trencateu et Curateu sans accent grave) en graphie alibertine.

  • Si on rajoute aux Trinquetuile, les Piquetuile de Gironde, la balance penche effectivement, ralliant l’avis de Vincent, en faveur du « trenca-teule », avec réduction de la finale.
    Celui-ci pourrait bien être un ouvrier de tuilerie, ou un couvreur, réalisant une opération particulière, ou bien un surnom ironique similaire à « gasta-bòi » appliqué à un menuisier.

  • Au sujet de l’hypothèse initiale d’Andriu en #1, Trencat + suffixe -èu :
    1) Si j’avais suivi l’IGN "Trinquétéou", j’aurais graphié Trinquetèu en alibertin, mais je ne le sentais pas, faute de connaitre un mot trinquet enraciné dans ce terroir ; restait la graphie alibertine "Trencatèu".
    2) La graphie "Trencatèu" laisse apparemment la porte ouverte à l’hypothèse d’Andriu ; trencat et trencada sont d’ailleurs bien présents en toponymie gasconne, avec semble-t-il le même sens que les mots français tranché et tranchée.
    3) Mais trencat aurait à mon avis donné des graphies en trenca* et non trenque* ou trinque* dans les cartes françaises dont les graphies sont plutôt francophonétiques.
    4) Ces graphies trenque* ou trinque* me suggèrent une prononciation qui n’était pas "a", mais plutôt "o" (le o atonique) conservé, selon les quelques connaissances que j’ai du parler armagnacais, dans les constructions du genre trenca-teula (trénco-téwlo), copa-cap (coupo-cap) ; en sud-gascon au contraire, on aurait plutôt la conservation du a atonique : coupa-cap...
    Or dans les toponymes, ce "o" atonique armagnacais est noté "e".

    Conclusion :
     je confirme mon interprétation trenca-tèu et non trencat-èu ;
     comme Vincent, j’y verrais bien un trenca-teula compte tenu de la fréquence de ce toponyme en Gascogne et malgré la bizarrerie de la disparition de la finale atone impliquée par cette explication ;
     il faudrait trouver des attestations encore plus anciennes que la carte de Cassini, mais Google Livres ne m’a rien donné - ça aurait été une chance pour le nom d’un simple lieu-dit ; il faudrait rechercher dans des archives du genre BMS (Baptêmes Mariages Sépultures) ou vieux actes notariés, mais là ça devient lourd par rapport aux chances de succès ;
     je suis conscient que le commun des mortels ne s’intéressera pas à cette discussion ; il me serait difficile d’expliquer pourquoi il est si important pour moi de trouver les bonnes explications des noms de lieu, et par conséquent leur bonne prononciation gasconne ; heureusement, sur Gasconha.com je ne suis pas seul !-)

  • A noter que Palay, dans son dictionnaire, indique un mot qu’il dit gersois (G. dans le dictionnaire) :

    téu, téule (G.) ; sm. - Toit de tuiles, t. général. V. teyt.

  • Mon ’’Pochèu’’ était un Poutchéou et non un Pouchéou. (A savoir : je n’utilise jamais ch en alibertin pour noter ’’sh’’) Je pense aussi que c’est Poucheau. Cela me rappelle d’ailleurs le lieu-dit Pouchane (à Verdelais) qui fut appelé Poutchanne quelquefois.

  • Bonjour,

    Puis-je vous demander l’origine du mot "Piquetuile" qui semble gascon ?

    Dans mon cas, il s’agit de découvrir celle de l’oratoire/fontaine de Taillecavat (33) nom d’un lieu dit au nord de la bourgade après Grahaut autre lieu-dit.

    Nom de l’oratoire : ND de Piquetuile.

    Mystère pour le moment.

    Merci à vous et votre site. M.Musseau

    (Je suis du 33 mais actuellement en Guadeloupe)

  • Dans une de mes errances par Géoportail, je trouve côte à côte, à Aucamville (Lomagne) "Trenquetuile" et "L’Argile".
    Par ailleurs, je me dis qu’on ne tranchait pas normalement une tuile déjà fabriquée, cuite. J’ai déjà essayé de trancher des tuiles... ça se casse !
    Donc, je propose que les lieux "Trenquetuile" aient été plutôt des tuileries où on tranchait l’argile avant moulage et cuisson.
    Un connaisseur de cette activité de tuilerie si présente dans notre toponymie avec les multiples noms La Teulère et apparentés, pourrait nous en dire plus.


Un gran de sau ?

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