Mort du gascon Michel Serres

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Michel Serres n’était pas que français ou gascon mais dans les articles consacrés à son décès le mot gascon apparait.
C’est le cas de Sud-ouest, la depeche, le figaro, le monde.

Grans de sau

  • On lit en effet ici ou là "Michel Serres, gascon né à Agen". Je ne crois pas qu’il ait beaucoup défendu la langue locale (mais bien le français ), en tous cas il avait conservé un bel accent.

  • Je vous recopie ceci, que j’ai envoyé dans un fil de discussion d’Esprit Gascon sur Facebook, sur le même sujet. Hélas, je n’arrive pas à mettre le bon lien. Un gasconhaute y relevait un écrit malencontreux du philosophe essayiste ; en gros, Serres disait que la langue d’oc avait disparu quand elle ne pouvait plus tout dire.

    Ma réponse :
    « L’exemple donné par Michel Serres est bizarrement idiot, ou particulièrement mal choisi, pour un homme de ce niveau : nucléotide et octaèdre sont du vocabulaire scientifique fabriqué avec du grec et du latin, et ne sont pas plus de langue d’oïl que langue d’oc.
    Par ailleurs Michel Serres est décevant : il ne va pas au fond des choses ; pourquoi des langues deviendraient-elles incapables de tout dire ? toutes les langues peuvent tout dire, à condition qu’il y ait volonté collective de continuer à les utiliser !

    J’ai lu "Petite poussette" et l’essai qui l’a suivi. C’est foisonnant d’idées et illustré d’exemples savoureux. Ce n’est pas non plus d’une rigueur mathématique ; ce n’est pas le genre... Au bout du compte, je n’en ai pas retenu d’idée nouvelle et stimulante pour moi. Mais j’ai probablement mal lu.

    Quelques raisons particulières de lui dire bravo et d’être triste de son départ :
    J’ai retenu que Michel Serres s’était retrouvé discriminé à cause de son accent lors d’une épreuve académique à Paris. Il le raconte, le déplore, et c’est très bien dans un livre grand public. Il n’a pas eu honte de son accent comme Pierre Bourdieu, et n’a pas cherché à le modifier.
    Il a défendu le français contre les importations snobs de mots anglais ; par exemple il regrettait que les bars proposent des "happy hours" et non des "heures heureuses" !
    Quelques jours avant sa mort, dans le cadre de la campagne des élections européennes, je l’ai entendu défendre avec brio la construction européenne, en particulier au nom de la paix sur notre continent. »

  • Je me suis longtemps demandé pour quelle raison l’enfant d’Agen qu’était Michel Serres se disait "gascon" : était-ce du fait de la gascophilie d’Agen (on sait que la ville aime à se dire gasconne, même si ce n’est pas techniquement vrai) ou la conséquence d’une ascendance gasconne, au sens ethno-linguistique ?

    Sans nul doute les deux : la généalogie de Michel Serres montre en tout cas qu’il est un enfant de l’Agenais.

    https://gw.geneanet.org/wikifrat?lang=fr&n=serres&oc=0&p=michel

    Du côté du père, la famille Serres a ses attaches rive gauche de la Garonne, donc rive gasconne : les villages des ancêtres sont Sérignac, Damazan, Monheurt, ... Les patronymes sont gascons : Trézéguet, Baussens, ...

    Du côté de la mère, la famille est de Montaigu, en Tarn-et-Garonne, improprement dit Montaigu-de-Quercy. Le village est en réalité dans l’Agenais ancien : il fait partie de ces villages annexés au Tarn-et-Garonne lors de sa création, dans la haute vallée de la Séoune et de la petite Séoune. La page Wikipédia ne mentionne même pas l’appartenance pendant 2 millénaires à une entité relevant d’Agen.

    Cela étant, on est en pays de langue guyennaise, les lieux-dits de Montaigu sont suffisamment nets : Fournel, Combe de Chabe, Pech del Bouys, Fompetière, ... Les patronymes à disposition dans la généalogie en ligne, eux, laissent entendre une histoire : Delord comme Pouzet semblent avoir leur centre de gravité plus au nord, en Périgord pour le premier, en pays poitevin pour le second, assez clairement, selon moi, nous avons des patronymes qui attestent des mouvements de repeuplement des hautes terres de l’Agenais, tout au long de l’Histoire.

    Donc, au final, un enfant de l’Agenais, d’Agen, et sans nul doute, avant toute chose, de Garonne.

  • L’article de Généanet sur Michel Serres, dont Vincent donne le lien plus haut, contient, en plus de l’arbre généalogique, une biographie commentée, très complète, joliment tournée et avec quelques pointes de critique respectueuse et amusée.
    Extraits (qui rappellent avec insistance ses traits supposés gascons, à l’opposé du gascoû carat e en deguens dépeint par André Pic) :
    « Il était simplement né à Agen, le 1er septembre 1930, à la lisière de cette Gascogne qui a le théâtre dans la peau. Dans ce midi subtil, on naît « vedette », on ne le devient pas. Serres était né « vedette ». Il ne lui restait plus qu’à trouver un auditoire à sa mesure. »
    « Il écrit aussi facilement qu’il parle, avec le même accent gascon, le même souffle épique. »
    « en anglais comme en français, il parle toujours gascon »

  • Rendons à César... La biographie reprise par Généanet, que je trouve de grande qualité, non complaisante, est un article du "Monde", écrit par Christian Delacampagne et Roger-Pol Droit (ce dernier ayant dû faire la mise à jour finale puisque le premier est mort en 2007).
    Dans l’esprit de Michel Serres, je vais jouer à Hermès, c’est-à-dire faire le « passeur », le « trafiquant », l’« intermédiaire », en comparant trois personnalités que seul un point de vue gascon peut réunir : Michel Serres, Christine de Rivoyre, André Pic.

    Les trois ont eu une formation ou une carrière académique. Michel Serres et André Pic étaient agrégés.

     André Pic, enfant de Gondrin (Armagnac), et probablement moins entreprenant et communiquant que les deux premiers, est resté en Gascogne, a écrit en gascon, s’est investi à l’Escole Gastoû Fébus, dont Camélat espérait qu’il prendrait un jour la tête.
     Christine de Rivoyre, enfant de Bordeaux, écrivaine à succès, a collectionné les prix littéraires. Paris a été le lieu de sa réussite. Mais elle est revenue à sa Gascogne, la lande et la côte gasconnes, Arnaudin... à la fois dans ses livres (Belle Alliance...) et dans sa vie : elle est venue habiter à Onesse-Laharie !
     Comme Christine de Rivoyre, Michel Serres, enfant d’Agen et de Garonne, a reçu la consécration parisienne ; les deux se sont aidés d’un épisode américain, elle étudiante boursière à l’université de Syracuse (État de New York), lui enseignant à l’université John Hopkins de Baltimore puis à la célèbre université de Stanford (Californie) ; les deux ont intégré, chacun à leur manière, la Gascogne dans leur personnage public.

    Résumé :
     trois bons élèves issus de la Gascogne ou de ses marges ;
     les deux qui montent à Paris et fréquentent les USA obtiennent succès et célébrité tout en portant "quelque chose de la Gascogne" ;
     celui qui reste au pays et écrit en gascon, André Pic, restera obscur ; certes il aura produit beaucoup moins que les deux autres ; sa mauvaise santé, sa disparition précoce, l’en excusent.

    Il nous reste donc à trouver l’exemple d’une personnalité d’origine gasconne qui soit physiquement plus solide que Pic, intellectuellement aussi solide, mais moins carade (taiseuse) que lui, et qui ait seulement "zappé" une carrière parisienne matinée d’Amérique...

  • L’interèst de Michel Serres a la causa gascona tant vau a un pet de taish.