A la galipa.. ! Bona hami....

- VERDIER Gilles

"A la galipa, e viste..!" C’est l’expression triviale à Saint Sever de Rustan (65) pour appeler à aller manger.
Si le mot «  la galipa  » n’est pas relevé dans les dictionnaires gascons (Palay, Per Noste), plusieurs mots de même famille existent dans cette langue :
« Un galipaut » = un goinfre.
« Eth galipet » : la gorge en Lavedan.
« La galipeta » : la luette.
« Un galèp » (Landes) : goinfre
L’occitan languedocien possède aussi des mots de cette famille :
« Un galipa / galèpa / galopa » : un goinfre, un glouton.
Notons aussi que dans le dialecte de l’île de Ré (dialecte d’oïl poitevin-saintongeais), la galoupe est un monstre glouton imaginaire vivant au fond des puits…

Etymologie.
Pour Joan Coromines, cette famille de mot serait apparentée au verbe catalan «  engalipar  » = tromper. L’origine doit être cherchée dans le mot «  el gàlip  » ( de l’arabe qalib = un moule) qui veut dire le gabarit mais qui peut avoir le sens d’ « habileté ». Il y aurait eu en catalan un glissement entre habile et … trompeur, vaurien. L’occitan aurait poursuivi le glissement de vaurien à glouton…

GALAR

Pour d’autres, l’étymologie est à chercher dans une autre famille de mots très proches phonétiquement et aussi par le sens, les mots gascons de la famille de « galar » :
• « galar / galetar  » : boire au goulot, à longs traits
• « Lo galet  » : le goulot (béver a galet).
• « Ua galeta » : une cannelle d’une source
• « Un galeton » : une burette
• « Un galèr » : un conduit.
• « Galapiar /galapinar » : bâfrer. (galar + lapar ?).
• « Galapian » : goinfre, homme peu élégant
• « Lo galut » : la gorge, le gosier dans le Gers, la Lomagne.
• «  Un galutrau » : un goinfre
• « Los galutres » : les gras-doubles à Tarbes.
• « Galupinar » : dévorer.
Et en occitan languedocien également… :
• « Galar » : réjouir, amuser. Boire à longs traits.
• « Galapiar » : manger goulument
• « Un galapian  » : un glouton, mais aussi un mauvais sujet.

On voit que dans cette famille aussi la frontière entre goinfre et vaurien n’existe pas….

Etymologie.
Ces mots viendraient du gallo-roman *walare « se la couler douce » dérivé du francique «  wala  » (bon) qui a donné directement en occitan languedocien et en ancien gascon «  galar », ancien français « galer » : réjouir, amuser, donner du plaisir.
Avec ce sens, on a encore en gascon moderne : « un galant, galantejar » (courtiser), « lo galantèr » (la galanterie), » lo galantinèr » (le marivaudage), «  la galantisa  » (la galanterie) …
Et puis « galar  » a un second sens induit en languedocien et gascon : boire à longs traits… et donc se (ré)galer.. ! Le gascon ne garde aujourd’hui que ce dernier sens.

UN GALAFRE

Et puis il y a toute la famille très proche autour de « un galafre ».
« Un galafre / galifre /galèfre / galèmus » : un goinfre
« Galifard-a / galifèrro-a / galifarre-a » : goinfre, bafreur
« Galafrar » : bâfrer
« Un galifèr » : gueule de goinfre
«  Ua galafrada » : une bombance.
« Un galifrèr » : un mauvais ouvrier peu soigneux.
« Un galafèrna » : un glouton (Rouèrgue).
« Un galifard » : un fricot épais, un gros boudin.

Etymologie.
Une hypothèse est que cette famille de mots (présents en dialectes d’oil) est composée de «  galar  » + « lifre/lafre/lieffre » adjectif venant du latin «  labra  » (lèvre) voulant dire vorace. Au moyen-âge, en ancien français, « un galifre  » était un oiseau de proie.
Une autre hypothèse : ces mots viendraient du latin «  gula  » (gueule) et du germanique «  schaffer  » (celui qui prépare…) qui a donné l’adjectif français « safre » = glouton.

LO GOLAR

Ce mot latin «  gula  » a donné une grande famille de mots toujours avec le même sens :
« La gola » : la goule / gueule.
« Lo golàr  » : gorge de porc
« La golira » : la gorge
« Golut  » : glouton
« Golibaut / golifaut  » (Lomagne) : goinfre
« Golifar » : bâfrer
«  Goludàs » : glouton.
«  Lo goludèr » : la gloutonnerie.
« Golufre » : goinfre

On peut rajouter que les mots en gascon des Landes : «  lo galip  » = copeau de pin et «  Lo galipòt » = résine d’hiver du pin, ne semblent pas être de la même famille… L’étymologie en est obscure.

Grans de sau

  • Adiu Gilles,
    En Astarac qu’emplegan lo mot "galèr" [galè] entà díser "fainéant". "Quin galèr aqueste !" "Qu’ei un galèr aqueth joen." Aqueste tèrmi no’s ditz pas au feminin ; anatz saber perqué... En la societat tradicionau, lo mot que pertocava ça’m par ua especificitat masculina...

  • Tiens, tiens intéressant que cela
    Un ami médocain me parlait souvent d’un galip pour désigner quelqu’un de particulièrement maigre
    D’après lui ce mot viendrait de la langue d’écorce de pin que le gemmeur détache de l’arbre pour effectuer la saignée
    Très proche des mots ci dessus Galipa, galipaut, galèp qui voudrait dire goinfre

  • Régis, l’auteur de l’article ci-dessus, Gilles Verdier, signale bien à la fin ce mot galip landais, en supposant qu’il n’est pas de la même famille.
    Et le sens que vous donnez (« quelqu’un de particulièrement maigre ») ne cadre pas tout-à-fait avec l’image qu’on peut avoir du « goinfre »...

  • Très intéressant tout ça. Voilà une piste susceptible d’élucider l’origine du nom d’un chemin marmandais reliant la route de Bordeaux (D 813) à la route de Thivras. Il s’agit du chemin de Galafrot, prononcé "galafrott" encore de nos jours, du moins par les vieux dont je fais maintenant partie.
    C’est fort dommage qu’il n’y ait jamais eu, du moins à ma connaissance, d’études explicites sur les toponymes marmandais. Les lieux-dits "Carpète", orthographié "Carpet" (charmaie, charmeraie ?) sur la carte de Cassini, et "Lolya" (lieu où l’on faisait de l’huile de noix ?) en font partie. Mais ces préoccupations patrimoniales ont toujours été le cadet des soucis de l’immense majorité des dirigeants locaux comme des administrés.
    Marmande

  • Galip = jumelle/gemelle

    Galèp = glouton, goinfre