Non, le grand dessein d’Henri IV n’a pas porté sur la Gascogne, même si "lou nouste Enric" a vécu une part, et peut-être la plus heureuse, de sa jeunesse, en Gascogne.
Après avoir oeuvré, avec finalement un certain succès, à pacifier et unifier la France, il voulait faire de même de l’Europe chrétienne.
Voici ce qu’écrivait Jo Gérard, aux pages 124-125 de "HENRI IV, LE PLUS VERT DES GALANTS" (Editions Dargaud 1967), livre que je vous recommande (et qui ne parle pas que des aventures amoureuses de notre héros, contrairement au titre peut-être suggéré par l’éditeur, et qui avait eu auprès de ma mère l’effet inverse...) :
"En réalité, Henri IV souhaite, selon ses propres termes, que la chrétienté ne forme qu’un « seul corps ».
Il envisage de créer quinze Etats dans cette Europe en les dotant de frontières acceptées et reconnues, par chacun d’eux, pour éviter tout conflit futur.
Ces Etats seraient ceux du pape, l’Empire d’Allemagne, la France, l’Espagne, la Grande-Bretagne, la Hongrie, la Bohème, la Pologne, le Danemark, la Suède, la Savoie, la seigneurie de Venise, la république italique, les Pays-Bas et la Suisse.
Le roi de France va plus loin, il détermine le régime de chacun de ces Etats.
Cinq d’entr’eux sont des monarchies héréditaires : la Suède, la Savoie, la France,l’Espagne et la Grande-Bretagne ; six pays sont pourvus d’une monarchie élue : la Papauté, l’Empire allemand, la Hongrie, la Bohême, le Danemark et la Pologne ; enfin, il y a deux républiques démocratiques : les Pays-Bas et la Suisse mais deux républiques « aristocratiques » : Venise et l’Italie qui seraient gouvernées par des oligarchies électives.
[...]
il croit possible chez ses voisins du Nord ce qu’il a réussi chez lui : la réconciliation des papistes et des calvinistes.
Mais qui règlerait les différends de la confédération européenne ?
Le roi est précis : « Un conseil fédéral formé de soixante délégués, soit quatre par Etat et on établirait cette assemblée dans quelque ville au milieu de l’Europe comme Metz, Nancy, Cologne ou autre ».
Henri IV prévoit aussi que la première tâche de cette assemblée sera d’élaborer un règlement destiné à codifier les relations entre les souverains et leurs sujets, pour éviter à ceux-ci la tyrannie et à ceux-là des révoltes populaires et injustifiées.
[...]
Ainsi, « le grand dessein » ne pouvait que porter ombrage aux deux puissances les plus conservatrices de l’Europe : l’Espagne et l’Autriche.
L’une et l’autre pratiquaient le « divisez pour règner »’
[Fin de citation]
Peut-être - en rêvant un peu - que dans un tel cadre d’inspiration fédéraliste, la Gascogne aurait pu revivre. De même qu’on pourrait espérer maintenant l’émergence d’une Europe des régions, qui prendrait le relais de l’Europe des Etats.
Mais les descendants royaux d’Henri IV n’ont pas poursuivi ce "grand dessein" de coexistence pacifique et de pluralisme.
Pensons notamment à la révocation de l’Edit de Nantes...