Gascon ou occitan, les Templiers de Boudrac ne s’exprimaient pas en français Guy Pierre Souverville

Vente de la seigneurie d’Arné aux Templiers de Boudrac (1260) ADHG HMT 416

« Conegude cause sie als presenz e als abiendes que den Ux de bocaiere per si e pels sos presenz e pels abiendes ab autrei den Auger de la Roca e dels sos beno à la maso de Bodrac per ccccc solz de morlas delsquals el fob e pagad a sa voluntad tot ço que avie ne aver devie a Arner dedenz ne defore en la partement sens que areng no se arretenga.

E la maso de Bodrac deu lo receber a sa fi a costumas de la maso – E de tot aci com sober escriut sos besens e testimonis autres lasdites de cada part

–Auger de la Roca,

Juan de Loyd fils de luy,

B. de Panassac,

W-A de Bordes,

W-A de Cardelac

Michel de la Serre caperan de Sen Xristau que aqueste carta escriue a voluntad de Na Simone –

Testimoni – d en Andreu caperan de la Lored e d En Michel de la Serre »

C’est du gascon « languedocianisé ».

Dans le fonds de Malte concernant Boudrac, presque tous les documents sont ainsi rédigés jusqu’au 16e siècle (censiers, actes notariés etc).
Comment les paysans de l’époque auraient-ils pu comprendre le français ?

Grans de sau

  • Bonne idée de rappeler par l’exemple la valeur ancienne et le statut de la langue.

    Ici f doit représenter /h/ même dans une région de confins puisque c’est la convention qui prévaut. Le z de presenz et dedenz signale le n dental tandis que maso ne marque pas le n vélarisé final, ce qui est bien gascon. La finale féminine est en -e : conegude, cause, comme le veut l’habitude gasconne (de l’ouest !), mais on lit costumas avec a.

    Si une langue aussi conventionnelle et nécessairement pointilleuse que celle du droit a conservé une telle solidité, on ne voit pas quelle aurait pu être l’influence du français ou d’aucun roman d’oïl sur les peuple des paysans (y compris les paysans aisés). En gestionnaires avisés, et aganits, les gens du Temple auraient pu dresser acte en latin, ils ont choisi une langue tout aussi incontestable en droit. Et pas pour de la littérature !

    Le XVIe siècle marque le triomphe de l’administration française, de laquelle aucun prestige "occitanien" n’a protégé les Gascons. L’usage de la langue écrite chez les notaires persistera ici et là cependant, mais on entre dans une période de bilinguisme potentiel dans les milieux lettrés (qui ne se confondent pas avec la noblesse locale, pas toujours soucieuse de belles lettres).

  • Merci pour vos observations très pertinentes. Quelques précisions cependant. Je suis entièrement d’accord pour f= h, mais il s’agit sans doute d’une particularité imposée au scribe (qui est gascon) afin qu’à la lecture de la charte, tout le monde puisse comprendre (si nous n’avons aucun problème avec le F, la réciproque est différente). A l’endroit où le document est rédigé, nous ne sommes pas sur les confins, il faut parcourir au moins 80 k, pour rencontrer le F. En gros, Astarac, Magnoac occidental, Bigorre et haut Comminges. Autre remarque justifiée de votre part, le mot costumas, c’est sans doute costumes, une tâche empêche de lire correctement à cet endroit

  • On peut aussi noter au passage le paiement en monnaie béarnaise avec"cccc solz de morlas", comme quoi dès la dynastie des Moncade (et avant Fébus donc) la monnaie béarnaise avait de la valeur !

  • Jo que’n vedi dus :
     Lo "a" prostetic (e non pas "prostatic" !) : areng no se arretenga
     Lo "r" a la plaça deu "ll" latin : caperan

  • Ua auta particularitat : Xristau orthographié à la grecque avec un xhi,

    Puis cet "énigmatique autrei de Na Simone". J’ai fini par retrouver le personnage, il s’agit de la vicomtesse Simone de Dours, veuve de Pélegrin, vicomte de Lavedan, le Bocajère vendeur n’étant donc qu’un seigneur vassal, possédant quelques terres en propre..


Un gran de sau ?

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