Disparition des accents régionaux, en Ecosse et chez nous Tederic M.

- Tederic Merger

L’accent écossais se meurrrrrrrrt.
Les jeunes écossais roulent de moins en moins les "r".

Pour le Dr. Eleanor Lawson, une des responsables du groupe qui étudie le phénomène, « Ce n’est pas de la faute des médias ou de la télévision, c’est bien plus banal que ça. C’est simplement un changement naturel de prononciation. »

Je me range du côté de Gui qui lui répond dans le forum de l’article :
« Les ecossais perdent leur accent et c’est tout a fait normal pour Eleanor, et ce n’est pas du a la tele. Formidable. Et si les medias ne prenaient que des gens avec l’accent ecossais, qui changerait de prononciation ??? Quelle stupidite de la part de l’auteur de l’etude, je suis bluffe. Enfin je vois bien que tout cela est a replacer dans le contexte politique en Grande Bretagne, qui a des gros problemes de cohesion. Bon et puis apres avoir dit ca, il faudra bien m’expliquer pourquoi aucun presentateur a la tele francaise ne possede d’accent du sud-ouest, du sud-est, d’Alsace ou du Nord ??? »

Grans de sau

  • Je me trouvais à Grasse, en Provence, le week-end dernier, au retour d’un voyage en Italie (Ligurie et Toscane), duquel j’aurais beaucoup à dire, notamment en matière d’aménagement urbain.

    Je n’ai pas entendu une seule fois, dans la bouche des commerçants ou des passants, l’accent provençal. Cela jappait immuablement parigot.

    Il est très vraisemblable que la francisation définitive, celle par l’accent (qui s’explique par mimétisme et par la démographie), est plus ancienne en Provence que chez nous, car le fait m’a vraiment choqué.

    Pour le reste, Grasse m’a semblé être une colonie de retraités aisés barricadés dans leurs maisons provençales assez laides qui mitent les collines, tandis que le centre-ville, déliquescent, à l’exception des banques et de quelques restaurants, était l’incarnation de la paupérisation française des villes moyennes. Le monde du RSA.

    On me dit qu’à Marseille, l’accent résiste. Je n’en sais rien, il me faudra aller le constater sur place, mais j’en doute. Montpellier, le mois dernier, m’a fait le même effet : l’accent y est mort, sauf chez les vendeurs de fruits et légumes ...

    Dans un petit village non loin d’Aix, au pied de la Sainte-Victoire, à Puyloubier, l’accent était également minoritaire chez les commerçants ou chez les clients qui s’apostrophaient dans la rue. Avaient l’accent des clients d’un bar type pilier de comptoir ainsi qu’un agent communal, ce qui me conforte dans mes observations banales que l’accent a résisté dans des milieux populaires (c’est le cas à Bordeaux, chez les quadras).

  • Un site intéressant pour un brin de nostalgie à l’évocation des accents en français régional :

    Les Accents des Français

  • Ce que disait Pierre Bourdieu, gourou de la sociologie française de la fin du XXème siècle, pourfendeur de la reproduction des élites, théoricien du goût comme héritage socio-économique, et d’origine béarnaise (enterré au Père-Lachaise, auprès de la bourgeoisie parisienne dont il voulait les louanges) :

    « Quand on vient d’un petit milieu et d’un pays dominé, on a forcément de la honte culturelle. Moi, j’avais la honte de mon accent, que j’avais corrigé, etc. J’étais passé par l’école normale. Quand je descendais à Dax, que j’entendais l’accent, ça me faisait horreur. Encore aujourd’hui j’entends certains accents à la radio, ça me fait physiquement horreur. Or c’est l’accent que j’avais. Dernièrement, j’entendais Tillinac, qui est un écrivain chiraquien, parler avec un accent de Brive : ça me fait horreur ! J’ai envie de le tuer, pas simplement pour ce qu’il dit - tiens, voilà une forme de violence symbolique, c’est un truc -, l’autre fois aussi, j’ai entendu à Toulouse un chanteur d’avant-garde qui faisait de la poésie d’avant-garde avec l’accent de Toulouse. C’était terrible ! Oh Toulouse !... Terrible... Bon, eh, eh, je devrais pas. C’est mon boulot de comprendre ça. C’est mon propre accent. Or je ressens ça comme affreux. C’est pas possible de faire de la poésie d’avant-garde avec cet accent. Bon, je vais me faire tuer par les Occitans, mais enfin, ça fait rien... »

    Il s’agit de la retranscription d’une interview dans un des nombreux films de Pierre Carles le prenant comme objet d’étude. Un monde qui paraît si lointain, en ces années 2010.

    Les mots sont très durs et reflètent une haine de soi terrible. Cela dit, l’on a le droit de se haïr, plus précisément de haïr son milieu d’origine.

  • Il convient de citer la phrase connue et terrible de Derrida, fils de la colonisation française en Algérie, dont la famille n’était française que depuis le décret Crémieux :

    « L’accent, quelque accent français que ce soit, et avant tout le fort accent méridional, me paraît incompatible avec la dignité d’une parole publique. »

  • Pour résumer : sans compter les effets des migrations (Côte d’Azur), les accents autres que parisiens disparaissent chez les gens d’un certain niveau d’études ou d’une certaine classe sociale, surtout chez les jeunes et en ville.

    Mais il y a des exceptions, notamment un fameux avocat bordelais ou agenais que j’ai vu dans un reportage, qui a un accent bordelais. J’ai oublié son nom.

    Maintenant, à la campagne, l’accent résiste bien. Je prends l’exemple de Bazas car j’ai bien fréquenté ces gens-là : même les jeunes qui ont fait des études (bac +2, +3, et au-delà) gardent un accent gascon. (Par contre, il y a quand même des immigrés (Charentes, Bassin Parisien, Nord...).) Le milieu viticole, le milieu de la chasse : pareil. Le Bordeaux populaire : je rejoins Vincent là-dessus (en 5 ans, je ne me souviens pas d’avoir entendu un chauffeur de bus à l’accent d’oïl...ou peut-être une seule fois) ; d’ailleurs, ça doit être alimenté par le fait que des Gascons et Basques viennent travailler à Bordeaux.

    Bref, soyons fier de notre accent.

  • Que des intellectuels reconnus de haut vol se soient laissés formater comme ça, c’est confondant !
    Chez Bourdieu, c’est particulièrement étonnant (et je le ressens comme révoltant) puisqu’il dit "Bon, eh, eh, je devrais pas." Mais aussitôt après "mais enfin, ça fait rien..." Bref, il sent qu’il est en faute, mais il s’en fout.
    En plus, Bourdieu est considéré comme un intellectuel au service des dominés... (relire Vincent en #3)
    En même temps, c’est une invitation à garder son sens critique devant toute parole des intellectuels ou experts reconnus aujourd’hui.

  • A 53:36, pour voir le visage de Bourdieu :

    "La Sociologie est un sport de combat"

    Personnellement, je n’avais pas compris à l’époque de sa mort la raison pour laquelle il s’était fait enterrer au Père-Lachaise. Au milieu de tant de grands noms, l’on est vite plus grand chose.

    Alors qu’une tombe modeste au village des ancêtres, c’est la gloire éternelle, du moins tant que dure le marbre. : )

    Supervielle à Sainte-Croix d’Oloron : majestueux.

  • La tombe de Supervielle et son épitaphe mystérieuse et poétique « C’est ici le relais où l’âme change de chevaux »…

    Par ailleurs au moins deux intellectuels gascons ayant marqué la vie intellectuelle en France au XXè siècle ont voulu se faire enterrer dans leur village natal ou du moins familial , au rebours du reniement ainsi parachevé de Bourdieu : le sociologue Roland Barthes, dans son village charnègue d’Urt et l’arabisant Jacques Berque à Saint-Julien en Born ,le village de ses ancêtres où il s’était retiré 15 ans avant sa mort ( et qui a donné son nom à une rue, aperçue l’autre jour en voiture).

  • Henri Lefebvre est également enterré à Navarrenx. Il était né à Hagetmau, malgré son patronyme typiquement picardo-normand. Il a été quelqu’un d’important dans le monde de la pensée.

    Autres gloires anciennement nationales, qui ont choisi le pays : Jean-Louis Curtis à Orthez (64), André Labarrère à Pau (64), Léon Bérard à Saint-Gladie (64), Jacques Dufilho à Ponsampère (32), Jacques-Yves Cousteau à Saint-André-de-Cubzac (33), ...

    C’est assez maigre. Quand on pense qu’un Mauriac est enterré en banlieue parisienne ... ou que Bernadette Soubirous, sous une châsse de verre, est exhibée en statue de cire à Nevers ...

    Il y a un problème en France, même après la mort. Le chroniqueur parisien Patrick Besson, lors de la commémoration des 10 ans de la mort de François Mitterrand, moqua dans un édito qu’un ancien président ait choisi de se faire enterrer à Jarnac quand tant de cimetières parisiens l’attendaient. J’ai toujours trouvé, au contraire, le choix très beau.

    Qu’ont-ils tous à vouloir se trouver dans cet endroit sordide qu’est le cimetière du Montparnasse ?

  • Le lien mis ci-dessus par Vincent "Les Accents des Français" donne, pour la Gascogne en particulier, une prononciation du R onctueuse et chatoyante à l’oreille, alors que ce R est injustement souvent qualifié de rocailleux.
    Les premiers qui attrapent une mode sont des snobs, et les derniers qui s’y mettent paraissent ridicules aux yeux de la majorité bêlante.
    Mais ici nous parlons de la langue du coeur , il convient donc de lui rester fidèle, tout en voulant la projeter, mais de façon authentique, vers l’avenir.

    Le lien vers "Petite histoire de r"
    http://monsu.desiderio.free.fr/curiosites/r-phono.html
    montre de façon claire et exacte cette évolution du phonème R : à l’origine c’est une vibration ample générée du bout de la langue, qui est remplacée par un son fricatif placé en arrière vers le larynx -en provenance du milieu aristocratique français et contaminant maintenant d’autres pays européens- . Ceci me rappelle le sentiment que j’avais dans ma jeunesse, en entendant parler beaucoup de gens plus âgés, qui était une vague impression que le ’centre de gravité’ de leur parole était situé trés en avant, ceci donnant plus d’expressivité au visage ; et l’évolution voulant certainement remplacer cette expressivité par plus de profondeur ou d’intellect, a placé ce ’centre de gravité’ plus en arrière.
    Le lien http://occitanet.free.fr/ling/ruvuauv.htm
    montre cette apocalypse pour l’Auvergne, ce phénomène s’étant produit beaucoup plus tôt en Provence pour le provençal.

    J’ai entendu des personnes relativement jeunes désirant restituer ce R lorsqu’ils parlaient occitan, le prononcer d’une manière rugueuse et assez pénible pour les oreilles.
    Si on se souvient que, vivant dans un milieu occitanophone, nous entendions les enfants qui commençaient à parler, prononcer "felme la polte" pour dire "ferme la porte", cela signifie que si nous voulons restituer fidèlement cette prononciation du R -conseil aux enseignants, du moins pour le languedocien et le gascon- il faut prononcer ce R en partant d’un L que l’on arrive progressivement à faire vibrer. Sinon on a l’impression de quelque chose qui sonne faux !

  • « De vieille souche Pyrénéo-Gasconne , j ’ai toujours regretté de ne pas pouvoir m ’exprimer dans la langue de mes Ancêtres ; je ne dirais pas le " patois " pour ne pas offusquer Françoise ;, et pourtant dans mon enfance , les personnes du cru ( du Bassin , aux Basses et aux Hautes Pyrénées en passant par les Landes ) ne disaient pas qu’ils parlaient :
    " l’ OCCITANT " ( ?!? )
    De ces contacts ( et un peu de la Famille ) j ’ en ai gardé quelques mots , expressions et jurons qui chantent encore à mon oreille et que je me sussure ou gueule à pleine voix :
    " dioubiban " " macaréou" " "il de garce" (ou de pute)
    Et comme le déclamait Cyrano :
    - " écoutez les Gascons ,c’est toute la Gascogne ! ! ! "
    Comme je plains les malheureux qui n ’ont pas ou rejettent leurs références Originelles en prenant l ’accent " pointu "
    Je n’ aurais accepté de perdre mon accent " occitant " que si j’avais abordé (comme envisagé dans mon adolescence et post. ado.) une carrière de comédien . ( certains l ’ont fait mais avouent qu’ils le reprennent avec plaisir )
    Et durant les décennies passées hors de France j ’ai pu emporter dans mes sacs , cet accent qui me faisait reconnaitre et sortir du commun de ces gens
    " à l ’ accent pointu " »
    J.J.C.
    [Je remercie J.J.C. d’avoir accepté que je rediffuse son message, dont l’original est sur le groupe Yahoo "Histoire et traditions du Bassin d’Arcachon (HTBA)", non consultable par les non-membres de ce groupe.
    Françoise, qu’il mentionne dans son message, est également membre de HTBA, où elle porte parfois l’occitan gascon.
    C’est elle aussi qui m’a fait connaitre le site Patrimòni de noste présentement à l’honneur sur Gasconha.com].
    Ces échanges entre le thème Bassin d’Arcachon - Pays de Buch et le thème gascon sont favorisés par le mèste de list@ de HTBA, Aimé, que je remercie de partager auprès de son groupe les nouvelles de Gasconha.com.
    Tederic M.]

  • En ce moment même, Christine Ockrent sur France Culture avec des spécialistes, dont M. Daguzan* sur l’actualité iranienne...
    Au nom Daguzan, j’ai bien sûr un réflexe "professionnel" : le petit voyant "nom gascon" s’allume dans un coin de mon cerveau... et aussi : tiens, a-t-il un reste d’accent gascon (sait-on jamais ?) ; eh bien oui, la réponse est immédiate : "effectivEment", "politiquEment", "dévEloppEment" ! Pour lui, les e ne sont pas muets !

    *Vérification par Wikipédia : Jean-François Daguzan, Directeur-adjoint à la Fondation pour la recherche stratégique, né à Fleurance...
    Donc, un de nos brillants émigrés... je ne sais pas si c’était un cadet de Gascogne, Wikipédia ne rentre pas dans ces considérations !-)

  • Nous avons un nouveau premier ministre avec une pointe d’accent gascon ou du Gers comme je l’ai entendu sur France info. Et il parait que ce serait une première depuis bien longtemps.

    J Cristian

    • Je ne l’ai entendu qu’une fois (avant son destin prestigieux actuel), et j’ai entendu plus qu’une pointe : l’accent gascon dans sa plénitude, en tout cas sa plénitude de la fin du 20e siècle. Et ça fait plaisir !

      Il faudra surveiller les réactions de dérision qui ne manqueront pas de se manifester à ce sujet, et leur répondre.

      Je n’en dis pas plus dans ce fil sur l’accent, mais je compte plancher sur la question « Jean Castex un nouveau d’Artagnan ? »
      N’arridi pas / je ne ris pas !

  • dixit J. Castex dans le discours de passation qui se voulait chaleureux "un maire du sud, du monde rural vient donc remplacer un maire du nord de la Loire (gestuelle appropriée) d’une ville industrielle, maritime ..."

  • =) 13-1

    Cela commence :

    https://www.ladepeche.fr/2020/07/04/laccent-du-gers-de-jean-castex-le-premier-ministre-moque-sur-les-reseaux-sociaux-8964013.php

    A noter le soutien d’Apathie :
    Je lis dans tous les journaux ce matin que @JeanCASTEX à un accent. Mais bande de nazes, vous avez tous UN ACCENT !!!! (Sauf moi) Etonnant, non ?
    J Cris

    • L’article de la Dépêche est digne et informatif.
      J’aime sa conclusion :

      Jean Castex, né à Vic-Fezensac dans le Gers, titulaire d’une licence d’histoire à Toulouse, puis de Science-Po et l’ENA à Paris, haut fonctionnaire à Paris et en régions puis maire de Prades dans les Pyrénées-Orientales depuis 2008, a su garder l’accent de son enfance. Il peut en être fier.

      Dans le forum de l’article, il y a de tout, mais heureusement des réactions saines.

      PS : c’est Aphatie et non Apathie ; le ph est typique du basque soulétin, et il me semble que aphatia est la version basque soulétine du gascon abadia. Rien à voir avec le mot français apathie !

  • =) 15-1
    Au sujet de l’article, je n’en attendais pas moins d’un journaliste de la dépêche !
    Pour Aphatie, Apathie, le journaliste a aussi commis la petite erreur sur le patronyme dans son article.
    Il me semble que c’était une cousine de JM Aphatie qui était maire de Tyrosse.
    Le linguiste Médéric Gasquet-Cyrus écrit : Quand Jean Castex est à Prades, il n’a pas d’accent pour les autres.
    Je ne me suis jamais posé la question mais je me demande si les catalans ont un accent semblable à celui de la Gascogne/Languedoc.
    J Cristian

  • C’est partout !
    Je vous livre ce lien vers un article de elcastellano.org.
    Il contient une interview de Ígor Rodríguez-Iglesias (doctor en Lingüística y Lengua Española y profesor de la Universidad de Málaga), que je n’ai pas encore lue (assez longue, et de lecture ardue)...
    Je comprends quand même qu’une ministre espagnole a été attaquée sur son accent andalou, confondu avec de la "vulgarité"... :

    el escritor apela a “no confundir el acento andaluz con la vulgaridad”

    ça me rappelle une des réactions de l’article de la Dépêche où l’accent du premier ministre Jean Castex était rapproché, dans un sens péjoratif, d’un accent de troisième mi-temps de rugby.

  • Oui, l’accent catalan est différent. Je me souviens de reportages sur FR3 Languedoc-Roussillon où c’était notable.
    Je crois qu’il est plus "nasal", avec le -al qui hésite vers le -au.

    Quand je fais remarquer à mes collègues de Région Parisienne qu’ils ont accent marqué, ils sont "choqués", comment l’on dit aujourd’hui.

    On peut d’ailleurs identifier les traits de ce nouvel accent :
     ’an’, qui tire vers le ’on’ : ’monmon’, dit l’enfant, ’étronge’ dit la journaliste
     première voyelle du mot plus allongée
     je, qui devient ’che’
     disparition des liaisons (par évitement de la "faute" sûrement), ou liaison avec la consonne précédent le ’s’ ("toujours à l’écoute" devient toujour-à l’écoute).

    À suivre...

  • Accent du Roussillon :
    Arthur Conte : https://www.youtube.com/watch?v=WhsVr01vScw

    r en Gascogne jadis :
    r apical à un battement = proche de l
    r plusieurs battements = rrr

    Le r parisien "grasseyé" aurait influencé la prononciation des salons dans toute l’Europe : à vérifier.

    Oïl massacré :

    Les "liaisons" étaient très peu faites dans les dialectes d’oïl et en français châtié au XIXe s. La liaison systématique est due à la diction scolaire qui a rétabli même des consonnes purement graphiques (legs, impact, contact) et a prétendu corriger les français parlés.
    Quand à "prononcer comme on écrit", cela a donné des monstres comme Aukserre, Brukselles, Contrekséville, et ici Tarasteks.

    "mañman" est dialectal, plutôt de l’ouest. Etrange de le voir reparaître, sans doute pour d’autres raisons. Réclame manuscrite chez un commerçant : pâtisseries oriontales.

    Quand au "chaipas, chui pas là", c’est un laisser-aller qui n’est pas à mettre sur le même plan que les chuintements et palatalisations populaires mais régulières d’autrefois : un tik’et, un titchet, mais dans une langue qui faisait de grandes nuances dans les voyelles : bonsouaer, lâssée, pâssé, gâgner, j’eème.
    Il y a aussi l’écho vélaire un peu nasalisé qui gagne du terrain : "comme vous ditoes, ouioe, c’est ma copinoe", c’est plutôt un snobisme du pauvre, ou du moyen.

    Un nouveau phonème provençal marseillais (ou toulousain ?) : dji.

  • Effectivement l’accent d’Arthur Conte ne ressemble pas à l’accent gascon/languedocien.

    Je posais la question car Castex a prononcé un discours en catalan :

    https://www.la-clau.net/info/13609/jean-castex-parle-catalan-sur-ce-document-video

    Un conseil pour prononcer le r apical ?

    • Deux choses sur le parler d’Arthur Conte :
       On était à une époque où un haut responsable pouvait encore sans encombre avoir un accent non standard. Je crois cependant me rappeler que ma mère souriait du parler d’Arthur Conte, mais sans méchanceté, puisqu’elle devait aussi y entendre une variante de "l’accent du midi" qu’elle défendait par ailleurs.
       Il me semble que l’accent, ou la prononciation (peut-être que ce dernier terme serait plus correct ?), d’Arthur Comte s’écartait déjà de l’accent catalan de son origine, dans le sens d’un rapprochement avec le standard français ; mais sa prononciation du r, elle, n’avait guère pu changer (heureusement), comme un roc* qu’on ne peut pas déplacer tellement il est lourd et ancré... ; et c’est ce r roulé qui distingue d’abord le parler d’Arthur Comte, selon moi, et qui frappe le plus dans notre environnement français d’aujourd’hui.

      *En parlant de "roc", je pense à l’expression d’"accent rocailleux", que je n’aime pas, parce que justement elle stigmatise ce genre d’accents.

  • Le conseil pour prononcer le R apical est d’abord de le remplacer par un L. C’est ainsi que faisaient dans mon enfance les enfants qui commençaient à parler dans un environnement où ce R apical était utilisé : "felme la polte".
    Mais j’ai l’impression que le R gascon, comme le castillan, est moins apical (moins articulé avec la pointe de la langue), mais plus en arrière, ce qui lui donne plus de force.

  • Justement, les linguistes qualifient ce R apical de consonne liquide, et surtout pas de quelque chose de rocailleux.

  • Malheureusement, je pense que les médias, omniprésents aujourd’hui et surtout plus influents que jamais chez les jeunes, vont finir par faire disparaître notre/nos accent(s)...
    Ma femme et moi avons l’accent du Sud-Ouest, vivons dans un village où presque tout le monde l’a et pourtant notre fille a visiblement une très forte envie de parler comme dans les dessins animés qu’elle regarde... L’accent pointu devient majoritaire dans la petite école du village, étant donné qu’il n’y a plus que des "néos" arrivant d’un peu partout sauf du Sud-Ouest qui y mettent leurs enfants...
    J’ai du mal à croire que dans 20 ans, les enfants de l’âge de ma fille parleront comme moi ou mon père.

    Toutefois, ce phénomène n’est pas si nouveau que ça puisque j’ai un ami de mon âge dont les 2 parents ont l’accent et lui ne l’a pas...

    • Oui, dès lors qu’il y a hégémonie culturelle, d’abord française, puis mondiale sous la houlette anglo-saxonne, la disparition d’un accent qui ne s’inscrit ni dans l’une ni dans l’autre est inéluctable.
      L’enjeu, c’est donc de voir si on peut fissurer un peu cette double hégémonie culturelle.
      Pour ça, il faut vraiment jouer fin ; pour l’instant, c’est hors de portée, mais on est là pour voir si c’est possible, et essayer quand même !
      Avec l’accent, on est dans le registre du son ; comment rendre le son gascon attractif ?
      Il y a des hiérarchies esthétiques, des snobismes, qui paraissent plus forts que tout. Les enfants et les jeunes y sont très sujets. Nous mêmes l’avons été, je peux en tout cas parler pour moi...

      Le r roulé a reculé aussi en Allemagne, il me semble...

  • Pour son fils [Armand Fallières, devenu Président de la République], Pierre Fallières, le notable de Nérac, a de l’ambition. [...] Il l’envoie en pension à Angoulême. [...]
    Son père couve aussi le secret espoir que son fiston perdra en Charente son accent agenais...
    Las ! Soixante années plus tard, le plus haut personnage de l’Etat gardera les intonations rocailleuses de son Lot-et-Garonne !

    [Il était une fois, la REPUBLIQUE et ses Présidents. La Dépêche du Dimanche. N° 17010, du 23 avril 1995]

    J’avais déjà lu que la bourgeoisie néracaise envoyait ses filles vers Angoulême pour qu’elles perdent leur accent, et - je suppose - fassent un meilleur mariage.
    Donc, les fils aussi !
    Ainsi l’appartenance d’Angoulême au monde d’oïl était connue à Nérac.
    Mais surtout, l’accent gascon (pourquoi l’article de la Dépêche parle-t-il d’"accent agenais" comme si ce dernier avait une forte spécificité ?) était vécu comme un handicap social.
    Drôle de décadence, et d’incohérence apparente, pour la ville qui révère lou nouste Enric !

    L’exemple d’Armand Fallières, comme celui de Jean Castex aujourd’hui, montre aussi que garder de beaux restes d’accent d’oc - ou gascon - n’était et n’est pas non plus, heureusement, un handicap insurmontable. Et si c’était plus que "de beaux restes" ?
    Dans le cas de Jean Castex choisi premier ministre en 2020, il semblerait même que son accent gascon ait pesé positivement dans la balance, puisqu’il s’agissait aussi de montrer un premier ministre proche des "territoires"...

    Enfin - on y échappe difficilement - cet article de la Dépêche utilise de nouveau le qualificatif "rocailleux" pour l’accent de Fallières. Rocailleux, r liquide... j’ai un peu de mal...

  • Lors d’un aller Bordeaux-Toulouse ce mois d’octobre, j’ai eu le plaisir d’entendre encore les annonces d’un contrôleur avec "l’accent du midi" (je préfère dire "l’accent d’oc") :
    "Prochén aré Marmannde"... "dessanndre"...

    "Comme avant", et que ça dure longtemps encore !

    Et comme souvent - l’accent porte une réalité sociologique, et le recrutement de la SNCF n’a rien à voir avec celui du personnel de la restauration ambulante - l’employé de celle-ci avait, lui, un accent "non-oc" !


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