Gascon et Périgord

- Tederic Merger

Discussion avec une Périgourdine des environs d’Eymet à Bordeaux.

"Mon grand-père portait le béret. Quand on lui demandait s’il était Basque, il disait que non, il répondait qu’il était Gascon."

Toute la famille de mon interlocutrice est pourtant du Bergeracois, entre Eymet et Bergerac. Accent méridional d’ailleurs de mon interlocutrice, très rond et chantant.

Nouvelle illustration de l’utilisation du terme "gascon", probablement via Cyrano de Bergerac et la littérature du XIXème siècle, ou encore Jasmin d’Agen.

Grans de sau

  • Quand je pense que les occitanistes de base appellent les gens de Bergerac "des Languedociens" et ceux de Montpon "des Limousins"... Preuve flagrante qu’ils sont à des années-lumière des vraies gens du peuple.

  • Oui Gaby, vous avez raison. C’est à mon sens le problème majeur de l’occitanisme et la raison principale pour laquelle ce mouvement régionaliste est un échec patent. Seuls ses tenants pensent le contraire et se voilent la face. Les occitanistes fonctionnent avec un logiciel dogmatique et une arrogance insupportable pour certains, Sumien par exemple. Ainsi le peuple, sans vouloir faire de démagogie, ne s’est jamais retrouvé dans ce discours trop éloigné des réalités sociologiques de terrain. Un tel mouvement, véritablement né après la Libération, 70 ans donc, n’a toujours pas réussi à faire son agiornamiento et, pire, semble se radicaliser de plus en plus, comme c’est le cas de toutes les sectes moribondes. Le chant du cygne en quelque sorte. La Gascogne a beaucoup perdu à cause de l’occitanisme et les Gascons qui se sont engouffrés dans l’occitanisme portent une très lourde responsabilité dont ils devront rendre compte devant l’Histoire.
    Ainsi, je n’ai jamais réussi à raisonner mon frère. Mais il obéit à d’autres motivations.

  • Dans le même genre, comment peut-on faire passer auprès des gens du Cantal que les Aurillacois ne sont pas dans l’"Auvergne", même si le parler est occitan-central ? Et comment éliminer la notion de "provençal alpin" au profit de "vivaro-alpin" ou gavot ? (Bec, La langue occitane,) Pourquoi casser les fragiles sentiments d’appartenance subsistants ?

    Bien sûr, Agen n’est (n’était) pas gascon de langue. Mais cette ambiguïté peut traduire le sentiment d’un pays de marche, d’un entre-deux (plus ou moins xarnègue ?).
    Pour des raisons culturelles et géographiques le Périgord (mis à part les bords de Garonne) pourrait sans doute être dit Limousin. Il n’a manqué qu’un écrivain ou un poète...
    Alors, vu l’équivalence approximative "Sud-Ouest" - Gascogne, pourquoi pas cette bouée de sauvetage.

    Et on s’étonne que la pan-Occitanie n’ait pas pris après près d’un siècle d’efforts.

    N. B. : Jasmin vient d’être réédité et mis en gascon.

  • Deux questions se posent, qui nous agitent depuis longtemps :

     Comment expliquer la popularité du terme "gascon" en Périgord et Agenais guyennais ?

    A mon sens, mais sans preuve, il s’agit là foncièrement de la conséquence de la littérature du XIXème siècle. Tous les témoignages anciens vont dans le sens d’un usage du terme "gascon" pour les seuls Gascons au sens ethno-culturel.

    Seulement, le XIXème siècle a beaucoup changé le panorama identitaire : des régions gasconnes en tout ont perdu l’usage de ce terme, pour préférer soit un localisme ("landais" notamment, "bordelais", ...) tandis que via Edmond Rostand, les gens du Bergeracois se sont dits "gascons".

    Je suis ouvert à d’autres explications. Mais c’est là à mon sens la signification de gascon, comme quand Toulouse parle de sa "lengo gascouno". Licence poétique.

    En Agenais, disons qu’il y a une histoire derrière, avec le Duché de Vasconie. Mais le Périgord, cela est tout à fait étrange.

     La question des identités ramenées aux seuls faits linguistique est un biais irritant de l’occitanisme, surtout que ce mouvement semble incapable de revenir sur ce qui a été décrété.

    Je crois beaucoup à la langue comme marqueur identitaire, il est primordial, voire principal. La question est en fait plus la classification linguistique des parlers du Périgord par l’occitanisme, qui appelle "languedocien" tout ce qui ne vocalise pas.

    Il semble qu’à la vérité, si les parlers de la vallée de la Dordogne en Périgord (Bergeracois et Sarladais) ne palatisent pas et ne vocalisent pas, sur tous les autres plans, ils sont plus proches des autres parlers du Périgord.

    L’occitanisme semble incapable de correctement appréhender la réalité que j’appelle "guyennaise", mais en fait, plus périgourdino-limousine qu’autre chose.

    Voir le point Vélines, dit "languedocien" selon les occitanistes, qui montrent des affinités nettement périgourdino-limousines.

  • En Bergeracois, on vocalise un peu. C’est en tout cas le cas (!) vers Ste Foy la Grande (caoufa/cooufa, caouqué co, escabéou, et surtout aouzéou/oouzéou, coou/quéou [ce], anéou, gaou [coq], foou [fou]).
    Voir ci-joint la carte qui montre cette étonnante pénétration de -èu.

    Oui, la notion de Guyenne est absente chez les occitanistes, c’est fort dommage. Mais je ne crois pas que le Limousin soit apparenté à la Guyenne : différence de climat, de géologie (donc de matériaux de construction), d’occupation du sol éventuellement.

  • Les occitanistes ne sont pas un bloc monolithique. Après tout, j’accepte cette étiquette pour moi-même.
    Il me semble que certains d’entre eux reconnaissaient un domaine "guianés" à base linguistique.
    Je reste sur mes positions déjà anciennes, et à mon âge, ça risque de ne plus changer : rappeler une Guyenne ethnique qui va à peu près du Rouergue à Bordeaux, suivant l’orientation du Lot et de la Dordogne ; distincte du Limousin et du Languedoc tout en en subissant les deux infuences.

    Guyenne ! L’autre membre du vieux couple Guyenne-Gascogne...

    Cette Guyenne là complèterait à ravir la Gascogne du triangle Mar-Garona-Montanha - n’oublions pas que le triangle gascon est par excellence le concept simple et robuste que nous devrions rendre populaire !

    Maintenant, la Guyenne ne sera promue que par les guyennais eux-mêmes ; à eux de décider ! Pour l’instant je ne vois rien venir.
    Mais il y a une opportunité avec la revendication d’une fusion Aquitaine-MidiPyrénées : elle pourrait remettre en selle le couple Guyenne et Gascogne.

    Quant au sentiment populaire périgourdin qui irait contre une frontière divisant le Périgord entre Limousin et Guyenne : en tenir compte, c’est bien, mais nous ne sommes pas là, nous gasconhautes, pour suivre aveuglément le sentiment populaire. Nous devons même parfois aller contre, par exemple en rappelant que le Béarn est gascon, que le Bordelais l’est ou l’était aussi en grande partie...

  • Bien sûr ! Heureusement qu’il y a des occitanistes sensés.

    Mais quand je faisais envisager un jour à un occitaniste la possibilité de parler de "guyennais", il m’a rétorqué que ça n’existait pais mais qu’il fallait dire "nord-languedocien", car c’était plus clair.

  • Le sentiment d’appartenance a évolué dans une certaine limite. Lorsque on a arrêté de dire "les français" en parlant des gens du nord, c’est qu’on a eu l’impression d’appartenir au royaume de France, même si c’étaient toujours "les francimands".
    Un ancien de Monclar-d’Agenais me disait récemment "au service militaire en Normandie on était avec un autre du Lot, les deux seuls gascons". Et mon frère l’autre jour m’a mis en rogne en disant "nous les Aquitains" alors que dans ma famille (linguistiquement en zone non gasconne) on s’était toujours sentit gascon, sans analyser le fait que l’on disait que lorsqu’on arrivait à Tonneins (cité gasconne), on comprenait difficilement les gens. Etait-ce un reste de l’impact sur les consciences du Duché de Gascogne ?

    Andriu d’Agenés

  • Les sentiments d’appartenance ont changé, l’identification gasconne en Agenais non-gascon est ainsi forte alors même que l’ethnonyme gascon a toujours été nettement employé pour les seules populations gasconophones jusqu’au XVIIème siècle. Reste à savoir d’où ce sentiment gascon provient.

    Ma théorie est qu’il est avant toute chose une licence romantique du XIXème siècle, sous l’influence d’un Jasmin par exemple : dans ce sens, on remarque que peuvent se dire Gascons les gens de Bergerac.

    Reste que je ne suis pas dupe que l’Agenais non-gascon a une histoire particulière, qu’il est un pays extraordinairement métissé, dans ses paysages, son architecture, sa langue. Il y a là peut-être un reste de l’ancienne appartenance ducale du coup.


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