Quelques oeuvres des frères Gomez

- Tederic Merger

Quelques oeuvres des frères Gomez, bayonnais de la communauté juive de Saint-Esprit et gasconophones (Benjamin Gomez était auteur de music-hall dans la ville et a écrit de nombreuses pièces en gascons dont "Malaye !!)".

inventaire.aquitaine.fr

Gomez déplorait la montée en puissance de l’identité basque à Bayonne face à l’oecuménisme basco-landais (source : Latry) :

"Or, comme en ce moment le Basque fait florès
Et bien qu’en maint cénacle on lui demeure hostile
Du type "Basque Urbain" on a choisi le style :
un basque ... édulcoré, très tranquille, bourgeois ;
Quelques balcons massifs, très peu de pans de bois,
Mais des corbeaux ventrus, des avant-toits rustiques
Du basque ... endimanché ... retour des Amériques."

NB : Je suis assez stupéfait par les propos de Rafael Zulaika au sujet des frères Gomez.

"Faisant partie de la communauté juive bayonnaise, on ne peut pas dire qu’ils étaient basques."

www.eitb.com

Ce n’est pas parce qu’ils étaient juifs qu’ils n’étaient pas basques, c’est parce qu’ils étaient gascons ...

[Vincent.P]
[]

Voir en ligne : Quelques oeuvres des frères Gomez

Grans de sau

  • Guy Latry, professeur à l’université Michel-de-Montaigne, a réalisé un article très intéressant sur l’oeuvre "lyrique" de Benjamin Gomez (dit Benja de la Revue), insistant sur l’identité gasconne - et non pas basque ! - présente dans ces oeuvres.
    On y trouve des jeux de mots qui ne sont compréhensibles qu’en gascon.
    Pour l’anecdote, la traductrice du Musée Basque les avait traduits en basque...ce qui ne donnait bien sûr pas grand-chose !
    Latry, landais d’origine, ne s’est pas privé d’égratigner la "basquitude" prétendue de Bayonne, notamment à travers le personnage de Migueletche, berger basque qui joue le rôle de l’idiot du village dans "Malaye !".
    A noter que cette dernière pièce eut deux suites, titrées toutes deux "Meusclagne" ("mêlée", avec l’accent negue).
    Dans les oeuvres de Benjamin Gomez, la critique de l’impérialisme basque sur la Gascogne aturine est très aigrement présente.
    Les paysans d’Urt et environs, par exemple, portent des noms gascons (Chuque-Cuye, Nas-de-Biague...) et ne rêvent que d’une chose : de partir en Amérique du Sud pour devenir danseurs de fandango...
    C’est aussi l’occasion de lire du véritable gascon bayonnais, avec l’article "ibe", notamment, et les formes en "èir" que l’on croit bordelaises, qui existent à Bayonne au féminin seulement (un crabèr / ua crabèira).

  • Ibe devrait s’écrire iva en graphie oficielle, car provient de iua per betacisme de u intervocalique comme dans la forme verbale sentiua > sentiva L’article ua>iua>iva.
    De même, liva (lua), priva (prua), divas (duas) etc. a noter aussi que le bayonnais altère souvent la consonne f initiale sans l’aspirer : pòrt, prut (hòrt, hrut/frut) boelha (huelha) etc. un trait partagé avec le basque.
    En revanche l’article feminin le devrait bien, s’écrire le et non pas la, car a tonique ne peut sonner e.

  • Touts ne coumprenen pas "Chuque-Cuye"...
    "Suce-Courge" !
    "Nas-de-Biague" = "Nez-de-Vinaigre" ?

  • Ce /u/ intervocalique s’entend aussi en Bazadais, bizarrement, dans les formes verbales dont les radicaux sont en /u/.
    En fait, c’est plus exactement un /w/ qu’on entend.
    C’est le cas pour les imparfaits et les passés simples : que tuèt (il tua) se prononce "que tuouèt". De sorte que si on devait transcrire exactement la phonètique locale en graphie occitane normalisée, on écrirait "que tuvèt".
    On trouve un cas de vocalisation analogue, avec l’existence non-écrite d’un iod entre le "e" et le "a" de "idea", qu’on prononce en Gironde "idèye". Moi, j’ai fait le choix d’écrire "idèia".

  • Es aquò Tederic ! I en a un tresau, me rapèli pas coma s’apèra. Verificaréi.

  • Les trois noms concernés sont :
    Chuque-Cuye, natif d’Urt ; Justin Nas-à-Biague (et non pas "de Biague), de Tarnos ; et Célestin Cap d’Ail, de Bidache, tous trois cités comme "Gascons pur sang". (Latry, Benja de la Revue, p. 5).
    Noter aussi le sabir pseudo-basque que l’on prête à Dominiché, paysan basque des environs :
    Cinéma ? Cetté chambré dé mécaniqué qui tourné, biré bité, bité, bité ; achents dé bilé fairé patac, cimpi, çampa, coups dé makila Débrimisaya ; tout ça, il né baut pas iné bellé partie dé chistéra abéc saout bascoua eta irrincina.
    puis
    Dominiché, oui, réformé à caussé dé muet. Capitaine touchours sulé quand Dominiché arribé, alors Dominiché poubait pas pas parler troissiémé personné, puisqué capitainé touchours sans auquiné autré personné ; alors, Dominiché chamais parler, machor porter muet ; Dominiché soigné hôpital de messié Bénébolé. Auchourd’hui, Dominiché guéri… et Dominiché bénu ici.
    Benjamin Gomez est aussi auteur ou co-auteur des pièces "Pot Ana" (1908), "Meusclagne" (1911), "Hougna ! Hougna !" (1913) "En cinq sec" (1915), "Bayonne à la Chine" (1916), "Un chic de luts" (1917), "Ichillik !" et "Co que dit ?" (1919), "capbreton Sketch" (1920), "Malaye !!!" (1929).

    Guy Latry souligne avec finesse mais sans concession le traitement infligé par le Musée Basque et sa direction à l’identité gasconne bayonnaise...

  • Le mépris de la bourgeoisie bayonnaise envers les basques n’est pas nouveeau.
    Exemple du berger basque un peu niais, ou bien de ces groupes folkloriques de l’intérieur qu’on faisait venir à Bayonne et dont on moquait.
    Les bons sauvages qu’on renvoie vite dans leurs campagnes.
    Quand on voit la situation aujourd’hui. Qui donc est risible ? Ce sont les nullissimes "gascons" de Bayonne, d’Aci Gasconha et d’ailleurs.
    Le mépris a changé de camp, un peu comme les Flamands et les Wallons. Bayonne est basque, les gascons sont morts et c’est bien fait pour leur gueule.
    Quant aux occitanistes bordelais, pathétique !

    Réponse de Gasconha.com :
    L’histoire est faite de mouvements de balancier.
    Le méprisé deviendra demain méprisant pour celui qui le méprisait.
    La connaissance de l’histoire nous apprend donc la vanité du mépris, du racisme.
    Elle nous permet de relativiser ce triomphe apparent, en ce début de 21e siècle, de l’identité basque à Bayonne.

    La Gascogne est au plus bas. Elle ne peut que remonter.
    La Vasconie réunit les basques et les gascons dans une relation dialectique.
    Cultivons la Gascogne, et les basques finiront par nous respecter !

    Dans cet esprit, je ne valide pas les grans de sau qui ne portent que la haine et le mépris.
    Le présent gran de sau, non signé, dérape à la fin, mais mérite la validation pour le reste.
    [Tederic]


  • Le personnage de Dominiché est en soi assez odieux, personne ne le conteste.
    Il faut toutefois relativiser les choses, un des principaux collaborateurs de Benjamin Gomez étant le chansonnier basque (et bascophone) Oyarzun.
    Dominiche est donc davantage un clin d’oeil - un peu acide, comme il convient entre frères - qu’un manifeste de colonialisme.
    Son sabir "petit nègre" peut être en effet rapproché des clichés négrophobes style Tintin au Congo, et, de nos jours, il serait davantage maladroit qu’amusant...
    Ceci dit, il n’y a dans le fait de le présenter ici nulle tentation de mépris ou de prosélytisme. C’est juste un aperçu de la réalité bayonnaise des années 10, à travers la perception de créateurs aux origines diverses : Bayonnais de la communauté juive (une des plus anciennes d’Europe), Basques, Landais...
    Gascons et Basques sont voisins et frères, et partagent parfois les mêmes territoires. Ce genre de vannes entre gens qui s’aiment, je le répète, ne portent à nulle conséquence autre que d’entretenir une complicité faussement rivale.
    Bayonne est bayonnaise, et sera ce qu’en feront les Bayonnais. Point.

  • Une précision : le seul intérêt que je voie au sabir que l’on prête à Dominiche dans "Malaye !!!", est de permettre aux non-bascophones de s’initier à quelques rudiments de la phonétique basque.
    Personnellement, ça m’a beaucoup aidé à comprendre ce qu’est en réalité l’accent basque.
    Et j’y trouve d’intéressantes relations avec les prononciation du béarnais d’Aspe, par exemple."achent dé bilé" est à peu près la façon dont un natif de Cette-Eygun prononcerait "agent de ville" en français.

  • Juste une remarque d’ordre linguistique sur l’intervention, par ailleurs juste, de joan.peiroton que je cite :
    "En revanche l’article feminin le devrait bien, s’écrire le et non pas la, car a tonique ne peut sonner e."
    Non, cela est faux car on oublie toujours que les articles, ainsi que beaucoup d’autres mots tels que "enta" ou "ta" ne portent pas d’accent tonique ! Nous autres francophones (il faut le reconnaître, nous le sommes quasiment tous) oublions trop vite ces notions que les locuteurs de langues à accent(s) tonique(s) ont intégré depuis leurs premiers mots.
    C’est pour cette raison qu’il est inutile d’écrire "entà" ou "tà" avec un accent grave car c’est un mot sans accent tonique dans la phrase.
    De la même manière on peut écrire les articles féminins définis "la" ou "era" qu’ils se prononcent /la/ ou /lœ/ ou bien /era/, /erœ/, /ero/ ou /er-"/, dans ce dernier cas comme pour l’article de la plaine quand il y a élision devant un mot commençant par une voyelle.
    À ce sujet, faut-il rappeler que les -a finaux atones qu’on dit prononcer "o", font la liaison avec le mot qui les suit s’il commence par une voyelle et qu’il est inutile et redondant de prononcer le son.
    On reconnait parfois certains néo-locuteurs à cette façon de dire, par exemple : "ua casa arroja" comme s’il fallait doubler le /o/ final atone de "casa" et prononcer aussi le "a-" initial de "arroja", tout aussi atone.
    En fait il faut prononcer en gascon "cazarrOUyo" dans un seul souffle.
    Par contre, je ne sais me prononcer par rapport à l’article masculin défini toulousain qui se prononce /lé/ et non pas /lou/.
    Le graphier "lo" alors que nulle part dans la description d’Alibert sur la graphie qui allait devenir la graphie occitane dite ’classique’ il n’est fait mention que la lettre "o" pouvait être un polymorphème, à l’inverse du "a".(*)
    Me comprenez-vous ?
    Mauaisit d’expliquer avec des mots simples ce qu’un seul mot savant de jargon linguistique suffit quand on en a appris et compris la définition.

    (*) J’ai conversé dernièrement avec des natifs de la plaine toulousaine retranchés aujourd’hui en Ariège languedocienne qui ne comprennent pas pourquoi on les corrige quand ils vont prendre des cours "d’occitan" pour ce fameux article.
    Ayant la langue en tête mais depuis leur enfance et maintenant adultes dans la cinquantaine, ils ne retrouvent pas le "patois" que parlaient leur parents et grands-parents.
    Il n’y a aucune transmission en région toulousaine de cet article "lé", ni en écoles Calandretas, ni dans les cours pour adultes distillés par l’IEO, ni à la faculté ou sous une forme anecdotique en passant, ni dans les annonces dans le métro ni nulle part.
    Cette perte d’identité linguistique toulousaine peut être attribuée à 75% au travail des occitanistes sur le terrain.
    Je pense pour revenir à ce fil de discussion via grans de sau, qu’il en est de même à Bordeaux ?
    En Bigorre, Armagnac, Comminges, il reste encore un peu quelques locuteurs dont la langue leur a été transmise peu ou prou par leurs parents ou souvent grands-parents : ils permettent de balancer les influences occitanistes standardisatrices.
    Dans les zones urbaines, il n’y en a plus et la place leur est laissée libre.
    Je me demande ce qu’il en est dans la vallée de la Garonne, entre Toulouse et Bordeaux ? En Médoc ? Dans le bas-Adour ?

    À part leur site internet, je ne sais quelles sont les actions concrètes d’Aci Gasconha ?
    En Béarn, les querelles fratricides entre béarnisants, gasconnisants et occitanisants faisant rage encore, il est difficile de savoir ce qu’il en sortira !

  • En réponse à Txatti, comment enseigner une langue à des adultes (par exemple) lorsque ces derniers proviennent de régions différentes ?
    Doit-on enseigner "lo" (plutôt majoritaire) ou "le" minoritaire (autant en gascon qu’en languedocien ?).
    Doit-on enseigner une "langue large" à des gens venant par exemple de Bigorre, Rouergue, Languedoc, ... voire du nord de la France, autre pays ou non de l’UE ?
    En revanche, rien n’empêche à un étudiant de garder sa prononciation d’origine. J’ai rarement vu des profs corriger "le" pour "lo" par exemple.

  • Je partage complètement les préoccupations ici évoquées.
    Bien évidemment, le problème se pose de façon encore plus aigüe à Bordeaux, où l’on ne parle guère dans les milieux autorisés que le gascon "Per Noste" normé et monolithique :
    vocalisation du "s" du verbe être, systématisation du "que" énonciatif (atau qu’ei), non-emploi des formes prétéritales et subjonctives propres au nord-gascon, grammatique béarno-bigourdane (ce n’est même pas du vrai béarnais, ce qui serait mieux...), refus de la prononciation locale fermée du /a/ (las > les) etc.

    Personnellement, j’apprends autant que possible le gascon local, qui présente la double particularité de posséder assez de caractère gascon pour pouvoir être différencié, et d’avoir, d’autre part, une potentialité d’ouverture plus grande vers les autres parlers occitans, du fait de sa forte influence limousine et languedocienne.

  • Ca me paraît bien académique cette querelle, et si "évoquer" les subtilités multiples aide à faire ressortir la richesse de la langue, les revendiquer n’aide qu’à la décrédibiliser et rendre impossible à enseigner.
    Moi j’ai appris en oral du gascon médoquin, du lot et garonnais d’Albret et du Bazadais. Je vais aller faire un stage à Silvelade, donc du Béarnais, et je me dis que dans tous les cas j’y trouverai une base, et j’y garderai les particularités que j’estime miennes.
    Mais je ne considère pas pour autant aucune variante indue, ni aucune normalisation indigne.
    Moi je sais une chose, la transmission est trop importante et trop fragile pour laisser ces querelles prendre toute la place.

  • Heu... L’Orthézie est le cheval de Troie de l’occitanisation, mais on dit quand même encore Sauvelade. :D

  • 100% d’accord avec "lo gran stef". Aquí que l’as tè !

  • Je me repete. Nous devons travailler a un gascon "hard" commun.
    Les patois locaux sont les meilleurs allies de l occitanisme. Langue du vulgus pecum face a l occitan norme destine a la future elite occitane.
    Les langues qui ont reussi se sont d abord dotees d un standard.
    Les occitanistes l ont bien compris qui poussent a la creation d un standard occitan, a base exclusive de languedocien bien entendu.
    Ils peuvent declarer ce qu ils veulent, ils n ont jamais renonce a l eviction progressive des patois, dont le gascon, au profit de la koine qu ils fomentent.
    Mais les Gascons sont incapables de s entendre, depuis toujours et, en cela, sont les meilleurs allies objectifs de l occitanisme.


Un gran de sau ?

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