Me voici de retour de quelques jours "off" (en bon français), lors desquels, au gré des routes empruntées au hasard, avec des camarades, j’ai pu d’abord visiter une partie du Limousin autour de Limoges, puis, la semaine dernière, sur 3 jours, arpenter une partie du Cantal en Auvergne, avant de revenir vers la "ribière" du Tarn à Montauban, via le Rouergue (l’Aveyron, en français administratif).
Je tire de ces petits voyages, peu coûteux et faciles d’accès, de nombreuses observations, en lien avec notre Gascogne.
Le premier constat, c’est celle de l’exubérance de la Gascogne, dans ses paysages et son architecture. Ces pays des contreforts méridionaux du Massif Central (Haut Limousin, Rouergue, Haute Auvergne) sont très beaux mais aussi très "policés". Il manque quelque chose d’un peu sauvage que l’on retrouve, ce sans aucun chauvinisme de ma part, par chez nous.
Cela est peut-être en lien avec la luminosité (que l’on retrouve en arrivant vers Montauban et la large vallée du Tarn). L’architecture vernaculaire du Cantal est d’une splendide austérité (l’utilisation de matériaux volcaniques sombres aide) : Salers peut ainsi vous déprimer comme vous enchanter. La Corrèze est plus uniforme, moins originale sans nul doute, mais reste tout à fait aimable.
D’un point de vue architectural, je suis de plus en plus dubitatif quant au concept de "maison vasconne" : autour de Limoges, ou même à Limoges, le vieux bâti n’est que maisons à façade-pignon et pans de bois. J’ai même cru déceler, ainsi que je l’avais déjà fait dans le Confolentais il y a 3 ans, des corps de ferme que l’on dirait, par nos contrées, selon nos usages, "vascons".
En somme, j’ai acquis la conviction que notre style vascon n’est vraiment qu’une survivance de l’ancien style architectural européen des pays de plaine et de basse ou moyenne montagne. Le style d’avant l’opulence du XVIIIème siècle qui a vu des contrées comme le Béarn ou le Périgord se couvrir de maisons à toiture gouttereau, dans le style classique français pour dire la vérité.
D’un point de vue de la langue, il faut bien dire que ces pays ne nous sont pas irrémédiablement étrangers. Il y a bel et bien une coloration un peu différente d’un point de vue toponymique ou patronymique (je lis les monuments aux morts), qui n’échappe pas à celui qui a passé son enfance en pays gascon. Les palatisations initiales type cha- sont celles qui me marquent le plus. Mais quand en plein Limoges, l’on tombe sur une "Place de la Barreyrrette" (pauvre place au demeurant, si belle, si négligée : le nombre de commerces fermés à Aurillac, Brive ou Limoges est inquiétant), on se dit quand même que ce n’est pas là un monde linguistique si étranger.
Mon grand-père, qui avait fait le STO en Corrèze, me le disait : il comprenait ce que les paysans corréziens disaient. L’inverse était moins vrai, il semble. Cela résume assez bien, à mes yeux, sans prétention scientifique, la place du gascon face aux autres langues d’oc : un monde assez marginal et périphérique. Reste que l’accent limousin est lui-même très spécifique : sur le marché de Panazol (où l’on peut acheter une viande limousine divine le dimanche matin), les sonorités du français local résonnaient. C’est très déroutant à l’oreille, à la Poulidor : c’est nettement méridional, mais avec des intonations très distinctes, presque d’oïl.
Dans le Cantal ou l’Aveyron, en revanche, l’accent en français local est très prononcé chez les autochtones, sur un moule méridional, chantant (rien de gascon, qui est un accent si âpre et sec), à telle enseigne que j’avais du mal à comprendre certaines personnes à Salers ! Je n’ai pas pu entendre la langue d’oc parlée par les autochtones cela étant, sauf à Limoges, à la Librairie Occitane, dans la bouche d’une écrivaine locale, occitaniste à bloc, Paul-Valéryste pour dire la vérité, mais très sympathique (je n’ai pas osé lui dire qu’il ne servait à rien de transcrire en alibertin des textes de gnorle limousins : je respecte la foi d’autrui).
Ce voyage a aussi été l’occasion de "vivre" la Grande Région. En allant à Limoges depuis Bordeaux, je n’ai donc pas quitté ma nouvelle région administrative. Pas d’autoroute de bout en bout, et toujours ce sentiment, qui était celui de Mauriac au demeurant, qu’après Barbezieux, c’était quand même un autre pays. Mais j’ai une immense sympathie pour les terres picto-charentaises et limousines, alors, on fera avec ...
En allant dans le Cantal, il a fallu franchir la frontière ancienne entre Limousin et Auvergne sur la Dordogne. A ma gauche, la banlieue de Bordeaux, à 3h30 de route. A ma droite, celle de Lyon, à peut-être 4h30 de route, a bisto de nas. Une forte envie de rire, vraiment. Il en été de même quand après Aurillac, nous sommes allés plein sud, via le Rouergue. La sensation de Méditerranée était très présente dans la verte vallée de la Truyère, haha.
Vraiment, je crois que jamais une réforme n’aura été aussi stupide en matière d’aménagement du territoire, même si des sensations touristiques ne sont pas une analyse raisonnée en termes de compétences. Mais enfin, si je retiens quelque chose de ces escapades, c’est quand même celui d’une unité civilisationnelle sur ces contreforts méridionaux du Massif Central. Il aura manqué une métropole à ce monde, pour nos décideurs.
En arrivant à Montauban, j’ai pu dire "ah, c’est mon pays". Ce n’est pas la Gascogne, mais c’est clairement le "Sud-Ouest". Sa lumière, ses horizons, son caractère plus foutraque, sa lèpre pavillonnaire aussi. Il n’y a guère qu’à Limoges que l’on contemple autant d’horreurs provençaloïdes que par chez nous (vrai massacre autour de Limoges cela dit : on est bien en "Occitanie" au fond, c’est le "Sud"). Mais voilà, il y avait sur la route entre Montauban et Moissac tout ce qui fait notre univers du "Sud-Ouest" (nous sommes aux frontières), son sprawl comme son exubérance. Et je me suis alors fait la réflexion que notre pays survivait malgré tout, et que si l’on pouvait aimer celui de nos voisins (et je l’aime !), nous avions aussi le droit d’aimer le nôtre, et peut-être même de le nommer.
[Vincent P.]