D’après nos statisticiens, la Gascogne est donc concernée, mais moins massivement que l’Auvergne-Rouergue-Quercy-Limousin par exemple.
La carte indique les zones suivantes :
– Lanegran (Grande Lande)
– Pays de Lugues (pour ceux qui ne connaissent pas : les Landes autour de Houeillés ; cette commune a perdu plus de la moitié de sa population depuis un siècle)
Houeillès
– L’axe Condom-Mirande (autour de la vallée de la Baïse) et la Lomagne dite gersoise
– Le Vic-Bilh autour de Lembeye
– Une bonne partie du Comminges (avec Aure, Barousse...) et du Couserans, surtout en montagne mais pas seulement ; cette zone se prolonge à l’est vers le Pays de Foix et le Roussillon.
On devine que d’autres zones, voisines, qui ne sont pas peintes en vert par la carte, ne sont pas loin de "l’hyper-ruralité".
Ce sont des zones à faible densité de population.
Le Rapport Bertrand décrit ainsi la vie en territoire hyper-rural :
«
– C’est d’abord la « culture de la reculade », de la défensive permanente, depuis les quelques centralités ou petites villes qui souffrent, jusqu’au « bourg centre », le plus souvent chef lieu de canton, qui voie [sic] ses commerces, services et entreprises s’amenuiser ou disparaître.
– C’est aussi accepter de voir les jeunes partir travailler et vivre ailleurs et accepter le spectacle de villages aux maisons fermées.
– C’est aussi le fait que le simple AVC... y est plus létal et laisse plus de séquelles qu’ailleurs.
– C’est aussi le distributeur bancaire, la station service ou la pharmacie les plus proches à 10, 20 ou 30 km, les études des enfants à 200 ou 300 km minimum, le carburant, les fruits et légumes, les matériaux, l’approvisionnement des entreprises beaucoup plus cher qu’ailleurs.
– C’est aussi une superposition de handicaps naturels, parfois d’altitude, de météorologie, de fertilité des sols... connus et acceptés comme tels, auxquels s’ajoutent des handicaps de précarisation « républicaine » : services publics et assimilés en voie de disparition, services aux personnes (comme en matière de santé ou de maladie) moins performants, l’absence de médecine spécialisée, d’hélicoptère de secours à l’année.
– C’est aussi savoir qu’entreprendre, créer, expérimenter sera plus difficile qu’ailleurs !
Parce que les bassins de consommation sont éloignés, les transports difficiles, les équipements nécessaires moins présents.
– C’est l’apprentissage de la réalité du « faible nombre aux grands effets » : peu d’habitants, peu de moyens, peu de services et commerces, et donc peu de priorité quand tout se décide au nombre : de passages, d’actes, d’habitants, de dossiers, d’abonnés, de clients, d’euros disponibles...
– C’est un enclavement croissant, avec des lignes de chemin de fer devenues inutilisables, l’absence de liaison aérienne, la téléphonie mobile chaotique et aléatoire, la 3G ou 4G chimériques, le téléphone fixe qui commence à ne plus fonctionner, du fait de l’abandon d’entretien des lignes, Internet et le très haut débit reléguant ces territoires en bons derniers de la classe France.
– ce sont aussi et heureusement des lieux paisibles et de caractère qui, hors de ce qui précède, pourraient apparaître comme le pays des merveilles ! »
[dernière phrase mise en gras par moi-même ; on pourrait peut-être rajouter
– ce sont aussi les lieux qui ont conservé le plus longtemps la Gascogne d’autrefois, sa langue, ses maisons, ses us et coutumes...]
Le rapport Bertrand constate aussi - rejoignant un souci souvent exprimé sur Gasconha.com, que
« En abandonnant les centre-bourgs au profit de constructions pavillonnaires en périphéries, ces communes [de l’espace hyper-rural], à rebours de l’idée reçue, organisent sans le mesurer la paupérisation future de leurs habitants et se privent d’une capacité d’accueil durable en matière d’habitat pouvant demain les aider à retrouver une réelle attractivité porteuse de la vie communale. »
D’où sa recommandation 4 : "Instaurer une politique énergique pour revitaliser l’habitat ancien des petites villes et centres bourgs de l’hyper-ruralité".
La décentralisation des dernières décennies n’a pas arrangé les choses : les possibilités de libre administration qu’elle offre sont difficilement utilisables par les zones hyper-rurales, qui n’ont ni la taille ni les ressources suffisantes. Les mécanismes d’aide ne sont pas pensés pour elles, l’inflation des normes complique les choses.
Pour ce qui est de la taille et donc des moyens, le rapport Bertrand recommande des intercommunalités qui aient "la taille critique nécessaire (de l’ordre de 20 000 habitants)", et aussi la création de "communes nouvelles" (résultant de la fusion de communes). Il y a là aussi un point déjà abordé sur Gasconha.com, avec une discussion animée.
Il avance aussi l’idée de règles et normes assouplies pour les zones hyper-rurales, et de possibilités supplémentaires d’expérimentation, puis de pérennisation des expériences réussies.
Le constat et les pistes d’action ci-dessus ne sont en rien spécifiques à la Gascogne.
Mais celle-ci est plus concernée que d’autres, parce qu’elle (sur)vit surtout dans ces espaces hyper-ruraux.
C’est donc un sujet pour nous. Et j’ai rappelé récemment que Robert Castagnon, de la revue "Gascogne" (ex "La Talanquère") l’avait également à coeur :
« La désertification de nos campagnes n’est pas une fatalité de l’histoire. »