Victor Capoul est un ténor toulousain, oublié de nos jours, a priori assez célèbre au XIXème siècle, jusqu’à laisser son nom comme mot dans diverses langues. Je ne le connaissais pas, pour ma part, et ne l’ai choisi qu’au hasard, sur Geneastar, pour illustrer mon propos.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Capoul
L’on entend souvent que Toulouse ne serait pas gasconne, et c’est exact du point de vue linguistique : la langue de la ville relevait du domaine que l’on commencera à dire "languedocien" au XXème siècle, une langue connaissant de nombreux traits ibéro-romans cependant, tout comme la langue du Lauragais, celle du département moderne de l’Aude, au contact du catalan, souvent communs au gascon.
Cependant, si Toulouse était son propre univers, la ville a toujours été à l’intersection de plusieurs mondes, dont le monde gascon, composante essentielle de son peuplement historique.
J’ai donc sélectionné au hasard un "illustre" Toulousain, dont la généalogie est connue : Victor Capoul. Notre homme est né à Toulouse en 1839, nous ne sommes pas sur de l’exode rural du XXème siècle.
Le patronyme possède deux souches, toutes deux dans le "Sud-Ouest", l’une autour de Sainte-Foy-la-Grande en Pays foyen, dans l’ancien Agenais, aujourd’hui annexé à la Gironde, l’autre à Toulouse, a priori éteinte de nos jours.
http://www.geopatronyme.com/cgi-bin/carte/nomcarte.cgi?nom=capoul&submit=Valider&client=cdip
Le nom de famille n’a pas une apparence gasconne, avec son -l final non-vocalisé, et la distribution en Pays foyen de ce patronyme confirme cette intuition ... sauf qu’aux alentours de Toulouse, le patronyme Capoul est du Volvestre, pays gascon dans l’ancien Comminges.
> Le père de notre Victor est né à Carbonne (31), dans le Volvestre : il est donc venu faire souche à Toulouse, au début du XIXème siècle, où il a épousé une Duffour, dont je parlerai plus bas. Son propre père, le grand-père de Victor, était également de Carbonne ; sa généalogie montre des patronymes parfaitement locaux, et des naissances centrées entre le Volvestre et le Lézadais (la vallée de la Lèze, de langue gasconne) : Baquié, Lahille, Mailhol, Barada, Attané, ...
J’ai pu écrire patronymes locaux, car tantôt ils sont très gascons (Lahille, Attané, Barada, ...), tantôt languedociens (Baquié, Mailhol, ...), sans qu’il soit possible de distinguer ce qui relève d’une tradition orthographique à maintenir le moule de la langue de Toulouse d’une vraie souche en terre de langue toulousaine languedocienne. C’est au fond le cas de Capoul : patronyme du Volvestre "déguisé" sous forme toulousaine ou bien vieille migration que l’on ne saurait remonter ? Les plus vieux Capoul en Volvestre sont du début du XVIIIème siècle, on ne remonte pas plus loin.
> La mère du père de Victor est originaire d’Auvergne, ayant fait souche en Volvestre : une Faucher de Clermont-Ferrand. Ce n’est là rien de rare dans l’étude des généalogies : la Révolution française est une période de migrations internes à la France, c’est souvent à cette époque-là que l’on se retrouve un ancêtre venu d’ailleurs, qui aura fait souche, sans que l’on connaisse les ressorts d’une telle migration. Il est certain que le phénomène de migration des Auvergnats vers le sud est fort connu. Il fait également peu de doutes qu’une nouvelle venue d’Auvergne apprenait très vite le gascon local du Volvestre, du fait des affinités d’oc.
> Du côté de la mère de Victor, c’est une Duffour de Prat-Bonrepaux (09), en Couserans. Les villages des ancêtres sont quasi tous du Couserans ou du Comminges adjacent, avec là encore cette tendance à ce que les patronymes locaux soient orthographiés à la toulousaine : de Souls, Duffour, ... même si parfois, c’est une vraie migration, ainsi les ancêtres Ferrier de la famille de Prat-Bonrepaux proviennent au XVIIIème siècle de Luzenac, en Pays de Foix.
Bref, une mère gasconne, née en Couserans, venue faire souche à Toulouse, là encore au début du XIXème siècle.
> Quelle conclusion tirer ? Le jeune Victor devait parler la langue de Toulouse, il est fort probable que ses parents avaient adapté leur langue d’origine à celle de la ville où ils avaient migré (et se rencontrèrent). La capacité de modulation personnelle de la langue était forte, et la langue de Toulouse n’a jamais été éloignée des dialectes gascons de la vallée de la Garonne, en amont de la ville, dont venaient en moyenne les ancêtres de Victor Capoul.
Capoul n’est qu’un exemple, parmi d’autres. L’on pourrait prendre d’autres célébrités anciennes de Toulouse, ou étudier des généalogies d’inconnus (les stars d’un temps pouvant le devenir à leur tour), l’on constaterait la même chose : l’apport gascon au peuplement de Toulouse est plus que conséquent, depuis aussi longtemps que nous pouvons finement observer les phénomènes migratoires via les registres (pas plus loin que le XVIIème siècle).
Dans ces conditions, il me semble particulièrement vain de nier l’existence de Toulouse, qui au même titre que Bordeaux en réalité, n’appartient pas totalement au monde gascon, sans y être non plus étrangère. Et ce phénomène de migrations vers Toulouse est évidemment toujours d’actualité : c’est à Toulouse que nos cousins, ou enfants, vont faire leurs études, s’amusent, fricotent, se marient, font souche.
En tout cas, l’irruption de Toulouse dans la vie des Gascons de la vallée de la Garonne n’est pas un phénomène récent : elle est là depuis toujours, nonobstant les divisions administratives féodales. Si cette mégalopole tentaculaire doit être "encadrée" dans son développement, notamment en vue de la contenir dans son étalement, elle doit aussi être reconnue comme indépassable pour toute réflexion sur la Gascogne "orientale".