Choix de langue - Loi d’Ohm Jean LAFITTE [Forum Yahoo GVasconha-doman 2005-09-07 n° 5234]

- Jean Lafitte

Bonjour les amis,

Je réponds ici à l'intéressante communication de Alain JB Lalanne sur ce
qu'il pense de mes choix de langue :

> Ici, le choix du seul béarnais par M.Lafitte, qui pratique aussi un
> excellent français, nous l'avons vu, n'est pas accidentel.
> Pierre Bourdieu nous a montré comment un sénateur-maire d'une ville
> béarnaise peut en faire un usage condescendant, suivant ce qu'il
> appelle la loi du marché. Le dominant, agrégé de lettres, peut se
> permettre son usage sans perdre son statut de dominant.
> Comment faut-il ici interpréter l'usage du seul béarnais par
> M.Lafitte ? ... un petit signe de domination, devant un
> interlocuteur qui n'est pas à la hauteur ? Le Béarnais parle 3
> langues, nous le savons depuis un certain abbé. Je n'en maîtrise que
> deux, hélas. Mais j'aime bien entendre et lire le béarnais.

D'abord, sur mon choix dans mes messages : sauf à interroger mon
subconscient, je puis affirmer hautement qu'il n'y a jamais de calcul,
encore moins de condescendance, dans mon emploi du béarnais. En arrière
plan, il y a mon désir de répondre à l'attente de ceux qui trouvent qu'il y
a trop de français sur Gasconha-doman ; et pour chaque message, le plus
souvent, le fait que j'avais la tête au b&éarnais ou au français au moment
de l'écrire. Avec, en corollaire le fait que si je cite un passage de
l'autre langue dans le cours du message, j'ai tendance à poursuivre dans
cette langue et suis alors obligé de revenir en arrière pour rester dans
celle choisie au début.

Mais il y a quelaque chose que je trouve très vrai dans la réflexion de M.
Lalanne, d'autant que j'ai tenu à peu près le même propos dans mon
Hors-série n° 3 de 1996 "Langue d'oc 1996 - Où en sommes-nous ? Que faire ?"
(cité ici dans sa version française) :

« L¹occitanisme fut une réaction contre le conservatisme politique des chefs
du Félibrige et contre la double subordination de la graphie au modèle
français et de la langue au modèle provençal. Mais si une sorte de gauchisme
de 1945 supplanta le romantisme de 1854, il resta l¹affaire d¹une élite
d¹intellectuels : au lieu de vivre de rentes ou de commerce comme Mistral et
ses amis, ils faisaient carrière au service de l¹état français, la plupart
comme enseignants, et souvent de français.
« C¹est facile de parler patois, quand nous avons une pile de diplômes de la
République pour prouver à tout le monde que nous sommes maîtres dans la
langue de Molière et de Descartes, surtout après avoir changé le nom méprisé
de patois en ce nom scientifique d¹occitan. Mais sommes-nous des modèles
pour le peuple sorti tôt de l¹école et qui parle le patois appris chez soi
de parents sans diplômes ? Pas du tout, plutôt l¹objet de la méfiance des
simples devant ceux qui leur semblent trop avisés. »

J'y ajouterai ce que j'appelle « la loi d'Ohm de la sociolinguistique ».
Pour ceux qui l'auraient

Grans de sau

  • --- Dans Gasconha-doman@yahoogroupes.fr, Jean LAFITTE
    <LAFITTEJann@w...> a écrit

    > « C¹est facile de parler patois, quand nous avons une pile de
    >diplômes >de la République pour prouver à tout le monde que nous
    >sommes maîtres >dans la langue de Molière et de Descartes, surtout
    >après avoir changé >le nom méprisé de patois en ce nom scientifique
    >d¹occitan. Mais >sommes-nous des modèles pour le peuple sorti tôt de
    >l¹école et qui >parle le patois appris chez soi de parents sans
    >diplômes ? Pas du tout, >plutôt l¹objet de la méfiance des simples
    >devant ceux qui leur semblent >trop avisés. »

    Adishatz,

    Jusqu'à une époque récente, les instituteurs étaient le modèle des
    familles paysannes : il n'y avait pas de plus beau sort que de voir
    l'un de ses enfants entrer à l'Ecole normale des Instituteurs. Et si
    l'on regrettait souvent, notamment en cas de garçon, de le voir
    quitter à la ferme, c'était avec fierté qu'on le voyait devenir
    l'instit du village d'à côté.

    Les horribles hussards noirs n'étaient pas des étrangers ou des
    missionnaires : ils étaient les fils du pays, qui avaient réussi et
    qui jamais n'abandonnèrent leur amour de leur région. Seulement, leur
    but était l'enseignement du français, dans le noble souci d'élever
    socialement leurs congénères. Mes grands-parents étaient instituteurs,
    fils de paysans : ils n'ont jamais cessé de parler béarnais à leurs
    parents d'élèves s'il le fallait. Ils n'ont pas désiré
    l'anéantissement de la langue régionale : ils voulaient simplement
    instruire. C'est par un effet pervers que la langue française a
    intégralement remplacé la langue gasconne. Ce sont les Gascons
    eux-mêmes qui ont mis du zèle à ne plus parler que la langue de l'instit'.

    Et puis je pense aussi aux inspecteurs d'académie, ces lettrés, qui
    ont bien souvent aidé à la transmission d'une identité : c'est
    Cerquand, l'inspecteur d'académie, qui a demandé à tous ses
    instituteurs du Pays Basque de relever les contes populaires du Pays
    Basque, ce qui constitue aujourd'hui la seule source fiable en la
    matière. Mon grand-père enseigna au Pays Basque profond, en Soule :
    ses élèves parlaient mal le français, mais il obtenait toujours d'eux
    qu'ils soient présents. Et c'était un homme parfaitement intégré,
    curieux de culture basque, joueur de rugby au club de Mauléon, ...

    La disparition du gascon est infiniment triste, mais la mettre sur le
    dos de l'organisation qui a amené aux campagnes les plus reculées un
    peu de culture, c'est malhonnête. Aujourd'hui, si les Gascons sont
    malheureux de la perte de leur langue ( n'en sont-ils pas les premiers
    coupables ? ), ils sont plein de reconnaissance envers la République
    qui a fait de certains d'entre eux des professeurs, des ingénieurs,
    des officiers, des ministres, ... La perte du gascon n'était peut-être
    pas nécessaire mais il n'a pas semblé que les Gascons eux-mêmes aient
    trouvé la question pertinente.

    Le recul de la culture populaire était un mal nécessaire. Aujourd'hui
    que le débat identitaire est anodin ( il n'y a plus beaucoup de débats
    idéologiques enflammés et honnêtes sur cette question ), un renouveau
    est possible. Mais celui-ci ne peut se faire que si l'on admet que le
    passé ne se refait pas. C'est ce que disait Palay : maintenant que
    l'objectif de la République était atteint, faire de nous des hommes
    libres, celle-ci pouvait bien lâcher un peu de lest. C'est ce qu'elle
    faira, à condition d'abandonner le discours du martyr qui voit
    certains grands magnats parler de "génocide culturel" pour la
    Bretagne, ou qui voit les occitanistes pris de crise d'urticaire à la
    simple allusion du mot patois : "La vergonha !" "La vergonha !". Face
    aux martyrs, la République comme Rome ne connaît qu'un remède, le Cirque.
  • Parfaitement d'accord!
    Pour moi il s'agit davantage du "et - et" (et français et langues du midi
    en ce qui nous concerne) que de "substituer" (comme si c'était possible !)
    une langue fabriquée au français.
    A la mort de mon oncle, en tant que plus ancien, j'ai hérité des cahiers
    d'école des membres de ma famille ayant fait leurs études du côté de Montaut
    : la fierté de suivre des études en français, libératrices à l'époque, est
    partout présente. Mais je sais que chez eux ils parlaient béarnais et
    n'essayaient de "franchimander" .
    Amista en tóuti

Un gran de sau ?

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