Adixat amics,
Dans un message du 21 Juillet ³Un certain occitanisme², V. Poudampa
répondait à D. Séré qui avait écrit dans un message du même jour : « J¹ai
bien peur que l¹occitanisme n¹ait abouti à un impasse tel qu¹il ne parvienne
plus à en sortir..., à moins d¹une déchirante mais salutaire volte-face. Il serait plus que temps ! » :
« Je crois qu¹il faut désormais faire la différence entre deux faits bien
distincts : l¹acceptation linguistique que le gascon est une variante très
originale d¹un ensemble linguistique situé à cheval sur les Pyrénées et
l¹acceptation identitaire que le gascon, en tant que langue des Gascons, a
le droit de se dire langue en dépit de la vérité scientifique. Cette
démarche est actuellement entreprise dans les milieux occitanistes gascons,
du moins je le crois si l¹on s¹en réfère aux récentes déclarations de
personnalités connues et reconnues. De toute manière, l¹échec de cette
perestroïka n¹est pas souhaitable car elle annoncerait l¹implosion du seul
mouvement organisé qui lutte, parfois involontairement, pour la cause
gasconne. Il vaut mieux modifier l¹occitanisme de l¹intérieur que de
s¹imaginer faire pousser quelque chose sur sa tombe. »
Le 24 Juillet Daniel Séré lui répondait à son tour :
« Là, par contre, j¹aimerais être davantage convaincu quant à la démarche
entreprise actuellement dans les milieux occitanistes gascons dans le sens
de l¹acceptation identitaire en question et la reconnaissance du gascon
comme langue qui en découle. Où alors je manque d¹information. Cela voudrait
dire que les occitanistes de chez nous considèrent l¹occitan non plus comme
une seule langue mais comme un groupe linguistique et le gascon comme une
langue à part entière au même titre que le catalan ou que l¹occitan. Il me
semble qu¹ils sont encore loin d¹être arrivés à ce niveau de reconnaissance.
Si par bonheur ils y étaient vraiment parvenus, pourquoi alors ne pas le
faire savoir haut et fort ? Et à ce moment-là il faudrait bien qu¹ils en
tirent les conséquences en se décidant à faire sécession comme le firent les
Catalans dans les années 30 lorsqu¹ils refusèrent désormais d¹être
considérés comme Occitans et leur langue comme occitane. »
Je suis bien d¹accord avec l¹un et l¹autre. Mais cela fait bientôt dix ans
que j¹ai essayé de « modifier l¹occitanisme de l¹intérieur » : je n¹ai
rencontré au mieux que l¹approbation gênée des plus lucides, incapables de
faire le pas qui sauverait le mouvement de la sclérose et du rabâchage ; au
pire, des déclarations haineuses de certains, avec entre les deux les
insinuations peu amènes d¹un occitaniste bien placé à la Délégation générale
pour la langue française et les langues de France :
« L'emploi du terme langues d¹oc (au pluriel) est relativement nouveau et
très minoritaire, mais il tend à être mis en avant par des minorités
agissantes ou des individus isolés qui, pour des raisons plus idéologiques
que scientifiques, voudraient voir reconnaître autant de langues que de
régions ou anciennes provinces. » (Les langues de France, p. 179, ouvrage
publié grâce à nos impôts par la dite Délégation générale, organe du
ministère de la culture).
Et pourtant, multiples sont les mentions de « langues d¹oc » au pluriel que
j¹ai pu trouver depuis les Reclams de Biarn e Gascougne de 1906, jusqu¹à
ceux de 1985 alors dirigés par Jean Salles-Loustau. Et pour un fonctionnaire
payé par nos impôts, cet occitaniste passait totalement sous silence ce pluriel dans Circulaire ³Haby² du 29 mars 1976, et encore plus le rejet par le Conseil d’Etat le 7 octobre 1977 de la requête en annulation dirigée contre elle par les occitanistes.
Mais revenons à nos occitanistes gascons, ou plus précisément ceux de Per
noste, les autres ne se manifestant guère ; D. Séré a déjà rappelé sur ce
Forum les contradictions de M. Grosclaude sur le sujet, contradictions dont
j’ai fait une jolie collection dans Ligam-DiGaM n° 24 d’Octobre 2004. Une
des plus nettes étant dans l’avant-propos du fameux Dic. « français-occitan
(gascon) », repris pour l’essentiel de celui du Civadot de 1984 : p. 10,
l’unité de la langue occitane ou langue d’oc » est affirmée de façon
péremptoire, n’étant « contestée que par des détracteurs incompétents ou malveillants. » ; mais p. 7, il a lui-même affirmé avec autant d’énergie que
« l’occitan parlé en Gascogne est un occitan à part entière et non pas une
variante plus ou moins marginale » : comme on ne peut refuser ces qualités à
celui du Languedoc, d’Auvergne, de Provence, etc... ce sont bien autant
d’occitans ‹ donc des langues d’oc à part entière !
C’est dans ce contexte de contradictions intellectuelles que je situe l’éditorial de PaÃs gascons n° 227 de mai-juin 2005, paru début juillet :
Jean-Pierre Darrigrand décrit déabord la situation des militants (de Per
noste), «  capbaishats en essajar d¹anar tostemps mei enlà   », la tête dans le guidon pourrait-on ironiser ; et de parler du découragement ou de la colère
devant les échecs, avec le risque d¹en vouloir à tous les autres et de se
retrouver tout seul face à eux ; tout le contraire de ce qu¹il faudrait pour
r̩ussir. Et dՎcrire des passages que je trouve essentiels :
«  Tà non pas embarrà ¹s en ua tau situacion autistica, que cau, de temps en
quan préner temps e gahà ¹s de cap a la reflexion. [...] Lavetz pensem.
[...]. E l¹accion serà lavetz frutèca.
[...]
«  Plan solide que¹s pòden escà der trebucs, qu¹i pòt aver diferentas
apreciacions o percepcions, que s¹i pòt encontrar apròchas a estruçar o
desvolopar. Tot aquò que deu estar hèit dens l¹escambi, pr¹amor se ne i a
pas respècte de si medish, de l¹aute, deus autes, ne i a pas accion
valedera.
«  L¹egotisme, l¹autoritarisme, l¹absolutisme, pòden muishar ua eficacitat
illusòria dab resultats de tira vededers. Aquò dit ne serà n pas frutècs,
fondators d¹aviéner. Que son portadors de mort. La vita, era, que la cau
portar e transméter-la tau com ac hè la mair. Que la cau partatjar, aimar,
que la cau shucar dab enveja e balhar enveja aus autes de vÃver dab nosautes
[avec renvoi à un livre de lui-même, non publié, Per ua etica culturau].
«  Créder portar sol la vertat e impausar-la aus autes qu¹ei mespresar, non
pas respectar l¹aute. Qu¹ei non pas aver etica. Qu¹ei hicà ¹s a la pagèra
deus absolutistas o deus paranoiacs. Partatjar, discutir, escotar l¹aute,
los autes, qu¹ei fondator d¹aviéner e de tribalh frutèc. »
Le 13 juillet, je lui ai écrit mon approbation et lui ai offert de dialoguer. Sans réponse à ce jour.
Mais le numéro 228 de PaÃs gascons arrivé ces jours-ci donne sérieusement à
penser :
Dans la stricte orthodoxie occitaniste, la couverture montre un militant en
train de coller des affiches pour la manifestation occitaniste du 22 octobre
à Carcassonne «  per la lenga occitana  » ; quelques lignes lui sont consacrées
à la fin de l¹éditorial anonyme, et toute la p. 19. Les 2/3 de la p. 14 font
la publicité pour le tome 2 (L-Z) du Dic. «  français-occitan (gascon)  » de
Narioo et autres, le 1/3 de la p. 16, pour une fête de Gascon-Landes avec
«  escambi interdialectal en lenga occitana  ». Et sous le titre «  Occitans,
qui èm ?  », les pp. 7-8 font une fois de plus l¹histoire littéraire de
l¹occitan par un exposé ultra convenu sur les troubadours.
Mais à côté de ça, l¹édito rebaptise les deux derniers Dic. en faisant
passer «  occitan  » à la trappe : «  Dic. francés-gascon  » de Narioo et
autres, et «  Dic. elementari gascon-francés / francés-gascon  » successeur du
Civadot. Et surtout, pp. 13-14, le compte-rendu du stage de Sauvelade ne
parle que de gascon, avec séjour chez des «  familhas deu vilatge on ne
parlavan pas sonque gascon  », alors que le prospectus joint au PaÃs gascons
n° 225 promettait d¹«  Apprendre l¹occitan en Béarn  » avec «  hébergement dans
des familles occitanophones  ».
Plus encore, l¹article d¹Éric Gonzalès «  L¹Irlandés - Lo dificile mantien
d¹ua lenga oficiau  » (pp. 17-18) peut être l¹amorce d¹un sérieux changement
de cap si les occitanistes ont la capacité d¹en tirer les «  elements de
reflexion ta l¹occitan  ». Il rappelle ce que l¹on sait déjà plus ou moins
(cf. PaÃs gascons n° 168 de 1995, pp. 3-5), que le caractère officiel ne
peut sauver une langue que la population la plus active ne pratique plus
pour ne pas l¹avoir reçue de ses parents. Au point même que la loi imposant
la réussite à l¹épreuve d¹irlandais pour avoir l¹équivalent du bac était
devenue très impopulaire et dut être abrogée en 1973. L¹irlandais a connu
une réforme orthographique en 1948 (cf. les normes graphiques de l¹I.E.O.
publiées en 1950 et 52) qui a rompu avec l¹écrit ancien, qui n¹est
accessible que si l¹on connait les deux systèmes. Et l¹un des handicaps de
cette langue est «  subretot l¹ortografia complicada [...] e conhida de
letras qui ne¹s prononcian pas.  ». Mais aussi l¹éparpillement dialectal ;
cependant, note l¹auteur «  L¹estandard n¹ei pas tostemps mestrejat peus
locutors naturaus qui l¹espudeishen com quauquarren d¹artificiau en
l¹aperant Dublin Irish.  » On croirait lire une critique de l¹occitan ! et
pourtant, la manifestation de Carcassonne (présentée en page vis-à -vis) va
réclamer «  un encouragement à l¹utilisation de l¹occitan dans les lieux
publics  »...
En revanche, pour ce qui est du nom de la langue, on apprend que l¹irlandais
est une branche du gaélique ; mais qu¹après s¹être appelé ainsi, «  le nom
d¹Irish que s¹ei impausat entà marcar qu¹ei la lenga nacionau d¹Irlanda, e
tanben la diferéncia dab l¹aute gaelic, lo d¹Escòcia.  » Quand donc les
occitanistes comprendront-ils que les peuples d¹oc ne reconnaissent leur
langue que sous leur propre nom, gascon en Gascogne, béarnais en Béarn,
etc. ?
On apprend aussi que Per noste a dà » licencier les deux secrétaires, pour
raisons financières. Et l’anonymat de l’éditorial nous laisse dans
l’ignorance de qui fait quoi.
Donc affaires à suivre.
A ballèu.
J.L.