Vocabulaire gascon LAFITTEJann [Forum Yahoo GVasconha-doman 2006-09-24 n° 7124]

- Jean Lafitte

Adixat moundë,

Quand j'étais à St-Jospeh de Nay que nous appelions "Collège" alors qu'il
nous a menés au bacc., un prof. nous lisait parfois quelque histoire et je
me souviens d'une, tout au moins d'un détail : c'était une affaire de deux
tribus d'Indiens en guerre, et un guerrier de l'une poussait le cri de
guerre de l'autre et attendait la réponse : autant de cris, autant d'hommes,
et la force de l'adversaire était ainsi aussitôt évaluée.

Eh bien, Louïc a fait un peu comme ça : une question sur le gascon, et une
floppée de messages lui répondent. Mais ce n'est pas la guerre, et c'est
même très instructif.

Je réagis donc à quelques-unes de ces réponses :

D'abord, en complément à la mienne, faite à la va-vite ce matin avant de
partir à la messe :
lude, moùlhe et dauri sont dans le Palay ; mais pas sèy au sens de
(s')asseoir. Le Palay peut paraitre cher, mais faire du gascon sans lui,
c'est se priver de la source la plus riche et la plus fiable d'info sur
notre langue.

Puis à Miquèu d'Ã’c, plus complet que moi, avec ses explications pertinentes
sur les -d- intervocaliques commingeois.
Il signale aussi » ser-se  »Â en Bigorre ; l’ALG, source de ma "science"
mentionne effectivement sèr(-se) à Gavarnie, Barèges et Arrens, et aussi à
Tredos, en Aran, en concurrence avec sèir(-se). Le tout repris par
Coromines, pp. 180-181.

Puis à Bruno qui écrit notamment :

> mólher : traire (une vache, une chèvre ...) ; à ne pas confondre avec
> "molhèr", autre mot pour "épouse" mais tout le meonde va me tomber desssus en
> criant à l’hispanisme.

Nou pas nou ! Pour employer un "hispanisme", je dirai au contraire que c’est
un "casticisme", puisque "castizo" qualifie en espagnol un tour de langue
authentique, pur, sans influence étrangère ; en gascon, "natrë/natre,
blous/blos".
Car moulhè est l’aboutissement direct du latin ’mulier’, épouse, comme
mujer, voire "mouquère". Remarquer que li latin devant voyelle aboutit à "j"
en espagnol : filius > hijo ; folia > hoja etc.
Le Provençal use très couramment de "mouié" pour femme, épouse.

Et Bruno de poursuivre :

> il n’est pas rare de trouver deux, voire trois formes d’infinitifs pour le
> même verbe qui correspondent parfois à des utilisations différentes (il y a
> souvent une forme "forte" et une forme "douce" : vèir/véder, par exemple :
> "véder plan qu’ei important" mais "be vas vèir !").
> Une explication linguistique s’imposerait à ce point, quand la grammaire ne
> suffit plus, mais je dois avouer la flemme que j’éprouve à la fournir ici,
> maintenant ...

Voici ce que je crois savoir :
1° il i a quatre verbes qui ont un parfait "fort", c’est à dire accentué sur
le radical (rhizotonique pour faire savant) et un parfait "faible", en fait
régulier par rapport au paradigme général, accentué sur la terminaison
(téléotonique). Trois me reviennent à l’esprit, je compte sur quelqu’un de
vous pour le 4ème : que houy / qu’estèy, qu’estouy ; que hey / que hesouy ;
que viy / que vedouy.
2° pour les infinitifs, ce serait plutôt dans l’espace qu’il y aurait des
formes différentes, tout particulièrement pour les erbes en -d- latin :
cadere > cadë (càder) / casë (càser) / cayë (càyer) / cajë (càger) / cayjë
(càiger) / quèy (quèir / què (quèr) [ALG IV, 1604] ; videre > vedë (véder) /
vesë (véser) / vèy (vèir) [cf. espagnol ver].
3° ce serait un trait spécifique du gascon d’avoir pour un même verbe des
formes en -e(r) et d’autres en -i(r) ; ici, lusë (lúser) / ludë (lúder) /
lusi (lusir) / ludi (ludir) ; ou encore leyë (léyer) / legë (léger) / leyi
(leyir) / legi (legir).

Vous remarquerez que même en classique, j’use de y pour [j] ("yod"), une
étude serrée du phénomène sur l’ensemble gascon m’ayant montré que j (ou g +
e, i) ne pouvait être"graphie englobante", parce que, en bien des endroits,
il se réalise en yod ou "j" français, selon les mots, ou la position dans le
mot. Ce qui rend impossible la transmission fidèle de l’oral. Détail dans
Ligam-DiGaM n° 26, pp. 27-35.

Et Bruno achève par une amorce de question suivie d’un bouquet de fleurs
auquel je suis sendible (seuls les ânes préfèrent les chardons).

> Je n’avais pas eu la force non plus de demander à Jann son doute quant aux
> infinitifs en "-ir/-í"

Cela aussi est traité dans Ligam-DiGaM n° 25, pp. 29-30. En gros, les formes
en -a (discuta) sont les formes largement populaires aujourd’hui, et plus
faciles à conjuguer que las inchoatives : "que discùti", plutôt que "que
discutéxi". Revenir aux formes plus latines et anciennes en -i serait sans
doute louable, et je l’ai pratiqué jusqu’à cet article d’avril 2005 ; mais 1°
la machine à remonter le temps n’a pas enore été inventée ; 2° on coupe la
langue enseignée de la langue parlée, et ce n’est pas bon pour une langue en
perdition. Si nous remontons la pente, peut-être alors on pourra préconiser
le » casticisme » évoqué plus haut. Pour le moment, allons au plus pressé et
ne nous coupons pas des locuteurs.

Ceux qui voudraient avoir l’article de Ligam-DiGaM n’ont qu’à me le
demander, je leur en donnerai la copie en html, c’est beaucoup plus
intelligible.

Amistats a touts.

J.L.

Grans de sau


Un gran de sau ?

(connexion facultative)

  • [Se connecter]
  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Ajouter un document

Dans la même rubrique :


 

Sommaire Noms & Lòcs