Sur le Palay LAFITTEJann [Forum Yahoo GVasconha-doman 2006-09-25 n° 7135]

- Jean Lafitte

Adixat a touts,

Je crois pouvoir apporter quelques précisions à la suite du message de
Tédéric dans l'envoi groupé n° 1272 de ce lundi 25 septembre.

> Je n'ai pas, hélas, le Palay, pour vérifier, mais ne serait-ce pas tout
> simplement "cagade", qui est bien une "action de mal propre" ?
> Dans ce cas, pas de rapport avec "cagnagué".

1° Palay n'a pas "cagnagué" (qui serait "cagnaguè" en version "générale") ;
c'est apparemment un mot de la Grande-Lande que les informateurs de Palay ne
lui ont pas transmis ; je vous en ai donné l'article du Dic. d'Arnaudin ;
voici celui du Dic. inédit de Pierre Méaule (1894-1992), d'Escource :

cagnagué sm appartement aussi mal tenu qu¹un chenil ; = bourrias Désordre,
malpropreté ­
Quau cagnagué !
lou nin per debat l¹éygué ,
lou boustchoc sus le taule,
le piente hen le méyt

2° Voici les deux articles de Palay sur cagnade :
cagnade ; sf. ‹ Action malpropre ; par ext. acte de cynique.
cagnade, cagnauguère, cagnoutade ; sf. ‹ Bande de chiens, meute ; portée de
chiens.

> A propos du Palay, je crois l’avoir déjà dit une fois, mais ça vaut le coup de
> le répéter : c’est un trésor, et un bon investissement culturel (et
> éventuellement financier du fait de sa rareté) :
> On y trouve profusion de mots, qui tous ensemble dressent le tableau de la vie
> d’"autes còps" dans les différents "parçans" de Gascogne.
> Palay a essayé de couvrir la grande Gascogne en se servant, surtout pour les
> parties de celle-ci qu’il connaissait mal, des ouvrages d’autres lexicologues.

1° Le Palay est toujours réédité par le CNRS ; quelque 60 000 entrées ; il
doit couter de l’ordre de 100 euros ; vous pouvez le commander, par exemple à
la Librairie des Pyrénées et de Gascogne, 14 rue St-Louis 64000 PAU,
05.59.27.78.75, courriel <editions.pyremonde@wanadoo.fr>

2° Pour autant que je sache, Palay s’est servi des dic. de Lespy et de
Cénac-Moncaut (1863) pour le Gers. Je ne crois pas qu’il ait eu connaissance
du Dupleich (St-Gaudens), du Moureau (Arcachon) ou du Vigneau (Bazadais) ;
mais il a eu des informateurs ; cependant, les localisations Gr.-L., Gir. ou
Médoc sont assez imprécises. La thèse du prof. agrégé Michel Belly
(05.56.02.96.25) doit pouvoir renseigner les curieux.

> Une difficulté pour ceux qui connaissent seulement la graphie occitane
> normalisée : Palay ne l’utilise pas.

Cette difficulté ne devrait pas exister, puisque l’Éducation nationale fait
un devoir aux professeurs de respecter la graphie d’origine :
Voici par exemple le texte même de l’Arrêté ministériel du 15 avril 1988
relatif aux programmes de langues régionales dans les lycées (J.O. du 30 et
B.O.-E.N. pour les annexes) :
 » En ce qui concerne les graphies, on s’efforcera d’adopter des attitudes
ouvertes. Pour amener les élèves à une pratique parlée et écrite de la
langue dans sa variété locale, l’enseignant sera évidemment conduit à
privilégier une base graphique qu’il déterminera librement en fonction de
l’efficacité pédagogique et de l’environnement littéraire et culturel.
L’exploration de la littérature lui offrira de nombreuses occasions
d’introduire dans son enseignement des éléments d’information sur les autres
systèmes d’orthographe, passés et actuels. Les œuvres et les documents
seront en effet présentés et étudiés en respectant strictement leur graphie
d’origine, celle-ci correspondant, de la part des auteurs, à des options,
voire à des engagements, qui font partie intégrante de leur contribution aux
lettres d’oc et qu’il ne saurait être question d’éluder ou de dénaturer : on
trouvera là, au contraire, matière à développer chez les élèves l’esprit de
rigueur scientifique et de tolérance avec lequel il convient d’envisager la
question. » (Annexe » Langue d’oc »).

Et les lecteurs de Païs gascons ont pu lire le sage conseil de Gilabèrt
Narioo n° 221, abriu de 2004, p. 12 :
 » Non recomandaram pas jamei pro aus joens, qui vòlen apréner a parlar ua
bona lenga, de léger las bonas òbras com las qui ns’a deishat io Felibritge
qui a sabut produsir tesaurs. »

D’autre part, j’avais entrepris une réédition du Palay en graphie classique,
qui était assez avancée ; j’y ai évidemment renoncé, pour les mêmes raisons
sans doute que Palay, comme exposé ci-après.

> [la graphie occitane] Elle était encore peu diffusée à son
> époque. Il utilise, je crois, la norme de l’Escole Gastou Febus.

Oui et non : Palay a écrit au moins trois longs poèmes en graphie
Estieu-Perbosc en 1909, 1911 et 1920 (il avait entre 35 et 46 ans). Mais
seul le premier fut publié dans les Reclams.

Et il dut vite comprendre que seule la graphie moderne de l’Escole Gastoû
Febus pouvait répondre au besoin de communication de la société gasconophone
et béarnophone de l’époque. D’où son Dic. dont la première édition est
1932-34 : ce n’est pas par ignorance de la graphie classique qu’il a choisi
celle de l’Escole, c’est par un choix délibéré d’un homme qui savait se
faire entendre.

Et en 1958, alors qu’il préparait la seconde édition étendue à l’ensemble
aquitain, il écrivit dans les Reclams (Lou dret de cap d’obre, pp. 2-3) :

 » lous qui disen ouccitanistes ou ouccitans [...] qu’an credut qu’en inbenta
ue grafie, la mediche enta touts lous dialectes, que permeterén à tout cadû
d’ous leyi touts aysidamén, e qu’ey lou countràri qui-s passe : ne y a que
quauques iniciats qui s’en tiren, e encoère lou Proubençau ne coumprenera
pas lou gascoû si ne-u sap pas d’abance e vice versa. De mey si û Biarnés e
û Aubergnat se parlen cap e cap, en rasoû de las diferences dous soûs, ne
s’enteneran pas.
 » U cop, en ue bile oun èri de passàdje, que-m troumpèy de reünioû. U
ouratou qu’ère à la tribune, mes saya de coumpréne que poudouy, que hou en
bàlles. Que demandèy labets en û besî oun ère qui-m troubàbi : « C’est un
Congrès pour l’espéranto » si-m respounou. ‹ Ah ! Et que dit le
conférencier ? ‹ Je ne le comprends pas : il parle avec l’accent allemand.
 » Dab l’occitan qu’èy l’aubùri que seré tout pariè. Qu’ey û pastis qui n’ey
troubat boû que per ue minouritat ‹ e qui parle sustout francés, e oc
sounqu’a d’aubues oucasioûs.
 » E gnaute resultat inatendut qu’ey aquéste : la grafie occitane qu’ey à tau
pun coumplicade que lous emprimàyres qu’an apariat l’occitan a ue lengue
estranyère coum l’anglés e l’aleman. ‹ qu’ey ue bergounhe aquet coumparè ‹ e
que l’apliquen lou tarif sendical, quauquarrè coum 20 ou 25 % en sus.
 » L’òmi de boû sens que-s demoure sus lou pàti de la simplicitat e dou
pratique aysit. Atau que’s hè lou boû tribalh. »

> Il écrira donc "cagade" pour "cagada". Je ne sais plus s’il donne aussi la
> version "cagado" pour représenter les parlers gascons centraux et orientaux.

Non, il ne donne les formes en -o ou -a que si elles sont propres aux
parlers du sud-est gascon. Je rappelle à cet égard que les textes anciens de
toutes les régions gasconnes usaient amplement du -e, très rarement et
sporadiquement du -a, et que -o n’est apparu qu’à partir de 1500. Bertrand
Larade (1581-vers 1636) de Montréjeau n’a usé que de -e. Voir l’excellente
édition critique de J.-F. Courouau, de la Section française de l’A.I.E.O.,
1999.

> A l’òra d’ara, benlèu que lo Palay e’s pòt crompar suu net (Ebay etc.). Ac
> sabes, Julian ?

Qu’avét l’arrespounse aci-dessus.

Hèt beroy.

J.L.

Un gran de sau ?

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