Francisation LAFITTEJann [Forum Yahoo GVasconha-doman 2006-10-13 n° 7284]

- Jean Lafitte

Le mercredi 11, Lousi dollo a écrit :
« La francisation semble avoir déjà été engagée au Moyen Âge. »

Txatti lui a répondu "cop sec" :
 » On ne peut laisser passer une telle énormité. »

Et notre modérateur l’a publié avec cette judicieuse demande :
 » Los aunorables listaires que son pregats de motivar las loas
afirmacions.  »

Tout dépend de ce qu’on entend par » francisation ». Pour ce qui est de la
pénétration du français dans les pays d’oc, c’est vrai, par le bilinguisme
des "capulats", tout comme ce sont les "capulats" aquitains qui ont parlé
latin les premiers et envoyé leurs fils aux scholae romaines de Bordeaux et
Toulouse (où, entre parenthèses, enseignaient des Gaulois, puisque des
grammairiens gaulois firent carrière à Rome en y enseignant le "bon" latin).

Fébus, prestigieux "souverain" de la Vicomté de Béarn (1331-1391) ‹ donc au
Moyen-âge ‹ a quand même écrit son Livre de la chasse en français. Et les
correspondances en français copiées dans le livre de son notaire vicomtal
Bernat de Luntz montrent que les lettrés n’avaient pas plus besoin de
traductions du français que du latin.

Voilà dnc ma petite pierre à ce qui ne devrait pas être un sujet de dispute.

Amistats a touts.

J.L.

Grans de sau

  • Adishatz,

    Le français était bien la langue de culture de prestige aux XIVe et XVe siècles.
    Comme il n'y avait plus de grandes cours princières dans notre région (les cours
    des ducs d'Aquitaine et des comtes de Toulouse n'existaient plus depuis
    longtemps), la "langue romane" n'était plus aussi prestigieuse que le français,
    qui était la langue du roi de France qui était alors le souverain le plus
    puissant d'Occident au XIVe siècle. Les petites cours des "grands" seigneurs
    gascons-languedociens, c'est-à-dire celles des comtes de Foix-vicomtes de Béarn
    et des comtes d'Armagnac et de Rodez ne pouvaient alors maintenir la "langue
    romane" des troubadours au même niveau de prestige qu'aux XIIe et XIIIe siècles
    et ils ne pouvaient initier un tel mouvement en faveur du gascon. Ces cours
    utilisaient le français comme la langue littéraire internationale de son époque
    (XIVe-XVe siècles) ni plus, ni moins.

    Ce contexte explique pourquoi Gaston Fébus (1343-1391) écrivit ses deux ouvrages
    en français : le livre de la Chasse et le Livre des Oraisons.
    De même, Nopar II (prononcer "Noupa")(+ 1426 ou 1428), seigneur de Caumont
    [Caumont-sur-Garonne, au sud de Marmande],
    élevé à la cour de Foix-Béarn probablement sous le règne d'Archambaut de
    Grailly (1398-1412), également captal de Buch, vicomte de Bénauges et de
    Castillon (dép. Gironde) écrivit deux ouvrages en français : le Livre Caumont
    (dits et enseignements pour ses enfants, 1416) et son récit de son pélerinage à
    Jérusalem (1418) puis à St-Jacques-de-Compostelle. Le Livre Caumont comporte
    quelques traces de gascon.

    Comme les Gascons étaient alors régulièrement en contact avec des autorités qui
    utilisaient la langue française (les cours d'Angleterre et de France), il n'est
    pas étonnant que les lettres que ces gascons leur adressaient étaient écrites en
    français (parfois en latin). En fait, ils devaient passer par des personnes
    capables de traduire leur requête en un français plus ou moins bon. Dans le cas
    de l'Aquitaine anglo-gasconne, il est difficile de découvrir qui se chargeait de
    ces traductions : probablement des clercs locaux des rois d'Angleterre d'origine
    anglaise mais aussi gasconne, parfois des notaires gascons de haut-vol...
    Mais de toute façon, pour certains gascons cultivés, éduqués et en contact
    fréquent avec des francophones comme les officiers du roi d'Angleterre la
    distance entre gascon et français n'était pas si grande.
    Il faut toutefois signaler que Johan de Batut, le chancelier - probablement
    rouergat - du comte d'Armagnac et de Rodez Johan IV écrivait depuis Auxerre (où
    il suivait le comte) à des ambassadeurs anglais qui se trouvaient à Bordeaux
    (1442) qu'il ne comprenait pas et qu'il ne savait pas écrire lui-même en
    français.

    De là à affirmer qu'il y avait une francisation de la Gascogne au Moyen Age...
    Non. Il n'y avait pas de francisation dans le sens d'une pénétration de la
    langue française au sein de larges sections de la population gasconne. Tous les
    témoignages médiévaux que je connais démontrent clairement que les élites
    gasconnes de cette époque (les bourgeois des villes, les seigneurs) écrivaient
    toujours en gascon, que la correspondance échangée entre eux l'était aussi, que
    les registres municipaux (comme ceux de Bordeaux) étaient rédigés exclusivement
    en gascon mis-à-part les copies de documents d'origine non-gasconne.
    D'ailleurs la même constatation vaut pour le Languedoc, avec peut-être une
    présence un peu plus forte du français dans les documents écrits, mais cela
    serait à vérifier précisément.

    Amistats,

    Guilhem


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