Réfléchissant sur la signalisation routière, Tédéric écrit ceci :
« Et vu que concernant cette graphie normalisée, le seul plan de
communication qui marcherait serait une formation massive de la population,
et que celle-ci a d'autres chats à fouetter, et que nous n'avons aucun moyen
de lui imposer... il faut faire les panneaux autrement :
« - soit mettre une double graphie (l'occitane normalisée, et une graphie
plus accessible pour le grand public),
« - soit ne mettre que la graphie "populaire" si la double graphie est trop
lourde,
« - soit, tout simplement, renoncer, et appliquer son énergie et ses moyens
là où ça vaut vraiment le coup (et il semble bien qu'à Ibos, ça ne valait
pas vraiment le coup). »
Quitte à en faire rugir quelques-uns, j'applaudis des deux mains au fait
qu'il puisse envisager les deux dernières options.
Je l'écris dans l'autre message de ce jour sur Ibos/Ibòs et Laruntz/Laruns,
cette « graphie normalisée » et sacralisée par des gens pourtant pas sots
résulte d'une incompréhension totale de l'ancienne graphie et de l'ignorance
des évolutions phonétiques qu'ont suivie tant bien que mal les graphies
officielles des toponymes : "Oloron" est la graphie phonétique béarnaise
d'avant le XVIe s. ; elle a été figée par l'écrit officiel alors que si la
langue avait continué à s'écire officiellement, elle serait devenue
"Oulourou", comme "Soumoulou", qui n'a été fixé que très tardivement,
puisque la Carte de Cassini du XVIIIe s. a noté l'ancien "Somolon".
Ce que Tédéric appelle « graphie populaire », c'est tout simplement celle
qui résulte de la tradition multiséculaire d'« écrire comme on prononce » et
comme l'a si justement observé Michel Grosclaude dans La langue béarnaise et
son histoire, 1986, p. 16Š et comme le font l’espagnol et aussi l’italien.
Car mettre des millions pour « communiquer  » et inculquer à la masse « la
graphie classique  », ce serait une aberration aussi grande que d’enseigner
que le Soleil tourne autour de la Terre. Et encore, ceci couterait moins
cher dans doute, car les apparences sont bien pour cette thèse ; tandis que
lire [ou] quand on voit écrit "o" et ne pas prononcer le -r de Casterar,
alors que la même chose se nomme "alcazar" avec un -r bien prononcé, et que
l’espagnol nous fournit tous ses verbes et adjectifs en -ar, c’est autrement
plus ardu !
Consacrons notre énergie à apprendre l’histoire, qui donne le gout à la
langue du passé, et apprendre et parler cette langue, il y a vraiment du
pain sur la planche. Et les enseignants qui s’escriment à apprendre
eux-mêmes la subtile graphie classique puis à l’enseigner ne seront pas au
chômage et y prendront sans doute beaucoup de plaisir.
C’est déjà mon expérience avec des adultes, qui paient (pas cher quand même)
pour venir m’écouter 2 heures par semaine.
Comme Daniel, je dis donc « Bon courage !  »
J.L.
PS - Je viens de lire le second message de Tédéric traitant de Laruns ; je
lui réponds, bien que l’essentiel de ce que j’avais à dire soit dans mon
précédent message. Il écrit :
« Je ne sais pas la prononciation locale de "Laruns".
« Si un "t" est prononcé, la graphie "Laruntz" me semble indiquée : à la
fois conforme à la prononciation locale, à la graphie occitane normalisée
(voir "Adishatz") et de plus rappelant furieusement la graphie basque.
1° La prononciation a été relevée par M. Grosclaude et notée dans son Dic.
Toponymique des communes du Béarn ;
2° le -t- est quasi nécessairement introduit dans toute prononciation de [s]
après [n] (il y a "épenthèse", tout comme un -p- entre [m] et [s]) ; mais on
n’écrit ces lettres épenthétiques que si elles sont étymologiques :
aliments, temps ; mais examens. Pour Laruns, l’étymon est inconnu.
3° la norme officielle occitane est de réserver -tz aux 2èmes personnes du
pluriel (adishatz vient de a Diu siatz) et aux mots issus du latin ti ou
ci : votz, alavetz. Mais Aràmits (Dic. de Grosclaude, p. 50). C’est moi qui
ai proposé d’étendre ce -tz à tous les cas où il ne s’agit pas d’un pluriel
de mot en -t (norme aranaise) sauf les 2èmes personnes des verbes : que dits
(tu dis), que’t plats (tu te plais) etc. contre que ditz (il dit), que’t
platz (il/elle te plait) etc.
4° Le basque a son système, le plus souvent inspiré de l’ancien gascon
(Laruntz béarnais s’est écrit avant que le basque ne s’écrive !), et nous
n’avons pas à tordre notre système pour calquer le sien, et réciproquement.
« Alors, bravo aux occitanistes pour "Laruntz" qui devrait faire communier
les occitanistes, les vasconistes, les locuteurs natifs... bref tout le
monde sauf ceux qui disent non à tout ce qui n’est pas "made in Paris". Â »
Je redis que si "occitanistes" il y a, ce sont des hérétiques qui m’ont
suivi, puisque l’occitaniste orthodoxe Grosclaude avait retenu "Laruns". Et
arrêtons de voir la main de Paris dans tout ce qui nous défrise : le
"Laruns" est proprement béarnais, simplification naturelle d’une graphie
Laruntz jugée sans doute trop complexe.
En espérant que Tédéric ne m’en voudra pas pour ces mises au point...
Panneaux de signalisation lafitte.yan [Forum Yahoo GVasconha-doman 2007-01-18 n° 7905]