Casemayou et autres lafitte.yan [Forum Yahoo GVasconha-doman 2007-01-21 n° 7910]

- Jean Lafitte

Chers amis,

Dans un message de Jeudi 18, Tederic se réjouit d'arriver à 1500 noms sur
http://noms.gasconha.com
Bien que ne pratiquant pas ce site ‹ je ne puis être partout ‹ je m’en
réjouis avec lui.

Mais la suite me gêne :
 » En fait, c’est beaucoup plus de 1500 noms qui sont répertoriés, puisque le
décompte se fait sur la graphie occitane normalisée, unique, d’un nom, alors
que ses formes officielles françaises sont souvent multiples :
 » Ainsi Casamajor a au moins 9 formes françaises officielles : Cazemajou,
Casamayou, Cazemayou, Casemayou, Casamajou, Cazamajou, Cazamayou,
Cazemayor »

S’il est vrai que » Casamajor » est bien la » graphie occitane normalisée »,
il est désolant que notre ami qualifie les autres formes de » formes
officielles françaises » : cela dénote de sa part une grave méconnaissance
du gascon de nos pères et aussi du droit français.

Commençons par le droit : il n’y a aucune loi qui définisse une quelconque
forme des patronymes. La seule législation est celle de l’État-civil, qui
prescrit aux officiers d’état-civil de reproduire scrupuleusement les noms
des intéressés ‹ ou de leurs parents pour les nouveaux-nés ‹ tels qu’ils
sont écrits dans les documents d’identité, eux-mêmes basés sur l’état civil,
sans les altérer en rien : si ces papiers portent Zwidzlosky, Macoumba,
Oukoulélé, Ukulele, Johnson, Casanabe, Gonzalez ou Gonzales, tout ces noms
sont officiels et on ne peut y toucher... sauf procédure assez lourde de
changement de nom, qui aboutit à un décret publié au Journal officiel.
Mais il faudrait être tombé sur la tête pour dire que ce sont des » formes
françaises »Â ! Par contre, quand, par décret, un » Tayeb » fait changer son
nom en » Taillet », ou un » Casanabe » en » Maisonneuve  », on peut dire
qu’il a fait changer une forme non française en forme française.

Mais alors ces » Cazemajou, Casamayou, Cazemayou, Casemayou, Casamajou,
Cazamajou, Cazamayou, Cazemayor », ce sont tout bêtement des formes
gasconnes / béarnaises consacrées par l’état-civil de la République, et que
ceux qui les portent n’ont jamais voulu faire "franciser".

Plus précisément, sur ces neuf formes, les textes anciens de mon corpus
informatisé, majoritairement béarnais, n’en connaissent qu’un seul, et en
une seule occurrence, Cazemayor, mais attestent de cinq autres formes non
moins honorables, Casamaior, Casamayor, Casamayour, Casemajor et Casemayor ;
mais les notaires "ignares" qui les ont écrites ‹ dont Bernat de Luntz,
notaire vicomtal de Fébus ‹ ignoraient totalement Casamajor, la » graphie
occitane normalisée » par le pharmacien languedocien Alibert : quel scandale
 ! Voici du moins ce qu’ils nous ont laissé :

3 Casamaior : Bernat de Luntz, Acte 48 du 30/11/1372, Bertran de Casamaior,
de Borce ; Acte 153 du 22/12/1374, Guilhem de Casamaior de Pardies, Acte 212
du 9/1/1376, Ramonet de Casamaior de Pont de Laruntz ;

5 Casamayor : For d’Aspe, art. 8 : Alaman de Casamayor ; Acte de 1428 (E 1420
f. 229 v - PN n° 151 - 7/8-1992), Goalhard de Casamayor ; Cartulaire B
d’Ossau, Acte du 11/06/1456, Bertran de Casamayor, Odet de Casamayor,
Ramonolo de Casamayor.
NB - "PN" = revue Per noste / Païs gascons

6 Casamayour : Acte du Notaire d’Aramits du 17/11/1654 (sans réf., PN n° 88
- 1/2-1982 Casamayour (6 occ.).

1 Casemajor : Acte du 25.10.1374 (E 1918 f. 49. ‹ Notaires de Pardies, PN n°
186 - 5/6-1998), Wilhem de Casemajor [C’est le même que Guilhem de Casemayor
ci après].

plus de 11 Casemayor : Acte de 1383 (E 1919 f. 21. ‹ Notaires de Pardies, PN
n° 186 - 5/6-1998), Guilhem de Casemayor, Berduc de Casemayor [son fils].
Dénombrement 1385 : Berdot de Casemayor à Laa, Menaut de Casemayor à
Mondrans, Aramont de Casemayor à Estialescq, Mone de Casemayor à Ledeuix,
Mariote de Casemayor-Debag, à Pont (quartier de Laruns) (à rapprocher de
Ramonet de Casamaior de l’acte de 1376 de B. de Luntz) etc.
Acte de 1388 (E 1921 f 13. ‹ Notaires de Pardies, PN n° 190 - 1/2-1999),
Berduc de Casemayor, Guilhem de Casemayor. Acte de 1430 (E 1408 f. 89.
Notaire de Lucq, PN n° 171 - 11/12-1995), Casemayor de Berdetz.
Cartulaires d’Ossau, Acte du 11/06/1456, Bernat de Casemayor.

1 Cazemayor : Acte de 1386 (E 1 594 f. 50 Notaires de Navarrenx. PN n° 181 -
7/8/9-1997), Arnaudet de Cazemayor.

Plusieurs remarques :

D’abord, un rappel : jusqu’au XVIIe s., l’alphabet latin (latin, gascon,
français etc.) ne distingue pas le "i" du "j" ni le "u" du "v". Le "i",
court ou long, vaut aussi bien la voyelle "i" que la semi-consonne "yod"
soit "y" français dans "bayer", ou peut-être "j" français, sans que rien ne
permette de le savoir.
Le "y", plus visible, a les mêmes valeurs "i" (pronom/adverbe "y") ou "yod"
("senhoreyant") ou "glide" en seconde partie de diphtongue ("may", =
"mère") ; il est douteux qu’il vaille "j" français, mais à ma connaissance,
on n’en sait rien. Une certitude : j’ai sous les yeux un facsimilé du
feuillet 93 du Cartulaire A d’Ossau, et "mayors" d’un acte de 1481 porte
bien un "y" ; les Ossalois le prononçaient-ils encore en "y", ce qui
supposerait que leur "j" actuel est plus récent, peut-être influencé par la
prononciation des Landais des régions où ils allaient faire paitre ? c’est
une piste de réflexion, mais sans témoignage de la prononciation de
l’époque, on ne peut en dire plus.

Les différentes formes du produit du latin ’casa + maior’ différent sur 5
points :
­ [z] noté normalement par "s" étymologique devenue sonore entre voyelles ;
une fois par "z" phonétique (ç’avait été le choix de Perbosc et Estieu,
suivis par Philadelphe de Gerde) ;
­ finale féminine de ’casa’ notée tantôt par "a" étymologique, tantôt par
"e", très probablement suivant l’origine du notaire, puisqu’il est
vraisemblable que la prononciation en "a" a perduré très longtemps dans
l’Est du Béarn qui dit aujourd’hui "o" ou à peu près ;
­ semi-consonne "maior" notée par "i" ou "y", une seule fois par "j", mais
ce que j’ai rappelé plus haut laisse supposer que le manuscrit porte un "i"
long transcrit en "j" par l’éditeur (A. Cauhapé), sans que cela implique en
rien une prononciation autre que yod ("y" français) ;
­ voyelle finale de la seconde syllabe de "maior" notée par "o", sauf en
1654, "ou" : c’est normal, ce "o" n’est passé à "ou" qu’à partir du XVIe s. ;
je ne reviendrai pas sur ce sujet sur lequel j’ai pas mal écrit, preuves à
l’appui, sans être démenti ;
­ "r" final de "maior" noté d’un bout à l’autre, très certainement parce que
prononcé en ces temps-là ; dans les noms communs, il était déjà muet chez
Salette (1583), qui écrivait ces finales en -oò et précisait que cela se
prononçait "ou" long. Mais il n’est pas impossible que sa prononciation se
soit conservée dans les noms propres, les familles tenant souvent à l’exacte
prononciation de leur nom comme ils l’ont reçu de la génération précédente ;
et les notaires de s’y conformer.

Conclusion : comme ces formes attestées pour la plupart avant 1500, ces noms
n’ont jamais cessé d’être écrits dans les actes qu’en reflétant la
prononciation du temps, sans aucune influence du français ; avec cependant
l’exception du [ou] qui se répandait depuis peu et pour lequel on n’avait
pas d’autre solution que "ou", déjà utilisé bien avant l’emprise massive du
français. Là-dessus aussi, j’ai assez écrit sans être démenti pour ne pas y
revenir.

Il n’y a donc aucune raison sérieuse de voir une influence française dans
les Cazemajou, Casamayou, Cazemayou, Casemayou, Casamajou, Cazamajou ou
Cazamayou, mais tout simplement le désir des gens de voir leur nom écrit de
manière à être prononcé comme ils l’avaient reçu de leurs pères.

Vouloir "normaliser" ou "restituer" ces noms ne pourrait qu’augmenter le
sentiment de rejet de l’occitanisme et de ses suivants.

Cordialement,

J.L.

Grans de sau

  • Adishatz !

    Je suis accusé de sectarisme par deux listaires, Jann Lafitte, et Txatti,
    parce que la base de données http://noms.gasconha.com est structurée sur le
    regroupement des noms gascons autour de leur forme occitane normalisée
    (graphie dite "classique" ou "alibertine").

    Dernièrement, Jann est revenu à la charge, avec en bouquet final ce paragraphe
    aimable :

    > Quant à la transformation des toponymes, c'est l'affirmation de la prise du
    > pouvoir sur un territoire. Sans l'assentiment de la majorité de la
    > population, c'est un déni de démocratie, relevant d'une mentalité
    > colonialiste et oligarchique, voire dictatoriale.

    Je n'ai pas voulu répondre de suite, parce que je redoute toujours que la
    querelle graphique engorge la liste et rebute le public gascon avide de
    positif et de joie de vivre.
    Et qu'elle engorge aussi mon emploi du temps.

    Mais devant l'outrance des accusations, je me sens obligé de répondre, au
    moins brièvement (note à la relecture : ça m'aura quand même pris deux
    heures, espérons que ce n'est pas du temps perdu).

    D'abord sur le paragraphe de Yann cité plus haut :
    "transformation des toponymes" : je parlerai plutôt de "transcription" dans
    une graphie qui respecte leur étymologie.
    Exemple :
    "Château Méjean"
    http://gasconha.com/index.php?tipdoc=locs&mot=m%E9jean
    L'orthographe "Méjean" n'a aucune justification. Il s'agit de
    l'adjectif "mejan" (moyen) et la graphie "Méjean" est influencée par erreur
    par le prénom Jean.
    Expliquer l'erreur me parait faire partie des missions de Gasconha.com.
    Proposer "Castèth Mejan" est une démarche d'affirmation gasconne, qui est au
    coeur de Gasconha.com.
    IL S'AGIT DE PROPOSER ET NON PAS D'IMPOSER : je suis démocrate : les paroles de
    Yann suggèrent le contraire, et c'est une accusation gravissime.

    Respecter un nom, c'est d'abord l'expliquer, expliquer aussi que sa graphie,
    même officielle, peut être fondée sur une erreur.
    Ce n'est en rien manquer de respect à la personne qui le porte, ou aux gens
    qui habitent le lieu.

    Sur le cas de "Château Méjean", une difficulté pourrait survenir : on peut
    imaginer que ce soit le château d'une famille nommée "Méjean".
    On peut admettre que, dans ce cas, on conserve "Méjean", bien que la graphie
    du nom de famille soit fautive à l'origine.
    Les "lòcs" de Gasconha.com permettent de laisser des "grans de sau", et de
    discuter sur les graphies proposées.
    Des options diverses sont possibles, et les discussions bienvenues.
    Gasconha.com en est pétri.
    L'important est de vouloir quitter la surface des choses, mettre en valeur la
    réalité des noms, de même que la restauration de monuments anciens commande
    parfois d'enlever des couches de peinture qui les ont dénaturé.

    Proposer le passage à une graphie occitane ou gasconne normalisée, c'est
    proposer à la collectivité une récupération de sa mémoire.
    Une fois de plus, il faut se tourner vers l'Etat espagnol : la récupération
    des identités basque, catalane, galicienne, aranaise..., a logiquement
    conduit à l'usage officiel des graphies des langues concernées, et cela dès
    que la sortie de la dictature l'a autorisé, et par décision d'autorités
    démocratiquement élues.
    Au pays basque français, la récupération des toponymes est engagée.
    Je propose aux gascons d'aller dans le même sens.
    Maintenant, s'ils refusent, je redis que je n'ai ni l'envie ni les moyens de
    leur imposer !-)
    J'espère maintenant que les craintes des Docteurs Lafitte et Txatti sont
    apaisées...

    Mais je continue à analyser le paragraphe de Yann :

    >la transformation des toponymes, c'est l'affirmation de la prise du
    > pouvoir sur un territoire. "

    Je viens de critiquer le mot "transformation", mais je souscris au reste de la
    phrase :
    Oui, décider de la graphie des toponymes, c'est affirmer une volonté de prise
    de pouvoir !
    J'assume : je souhaite que les gascons reprennent le pouvoir sur leur
    territoire.

    Sur le reste,

    > Sans l'assentiment de la majorité de la
    > population, c'est un déni de démocratie, relevant d'une mentalité
    > colonialiste et oligarchique, voire dictatoriale."

    je crois que j'ai répondu pour exonérer Gasconha.com de ces accusations.
    Je les renverrais plutôt à l'Etat français.


    Enfin, pour revenir au "corps du délit", l'usage dans la base de données des
    noms gascons de Gasconha.com d'une forme graphique normalisée pour regrouper
    les différentes formes officielles du même nom (ex : Casamajor pour regrouper
    Cazemajou,
    Casamayou,
    Cazemayou,
    Casemayou,
    Casamajou,
    Cazamajou,
    Cazamayou,
    Cazemayor,
    Cazamajour),
    Tous ces noms sont le même nom sous des habits différents. Son explication
    par "casa" + "major" s'applique au groupe, dont la clé est la forme
    normalisée unique, qui déshabille les différentes formes officielles pour
    aller à l'essentiel (!).
    Et quelle autre graphie que la graphie classique, normalisée et étymologique,
    pourrait servir à cette mise à nu, à ce retour aux sources ?

    C'est aussi un principe déconomie informatique (éviter la redondance
    d'information), et c'est pédagogique.
    Maintenant, si d'aventure, une des formes officielles mérite une remarque
    particulière, vous remarquerez que la base de donnés le permet aussi : c'est
    le cas dans notre exemple pour la forme "Cazemayor".

    Bref, ça fonctionne bien, et "contunharam atau !".


    Dernière réponse (brève) à Yann, qui refuse aux 9 formes ci-dessus
    de "Casamajor" le qualificatif de "formes officielles françaises".
    C'est un peu chercher "la petite bête" (qu'aimerí aver ua expression gascona,
    mès rai) : ce sont simplement des formes reconnues par l'Etat civil français.
    J'ai bien compris que derrière l'objection de Yann, il y a le refus d'admettre
    que l'appartenance à l'Etat français ait pu influencer la graphie de ces
    noms.
    Les occitanistes sont des démons colonialistes, mais l'Etat français surtout
    pas !-)
    Comment se fait-il que les graphies des noms de lieu et de famille aient
    changé massivement en Bordelais, dans les décennies qui ont suivi 1453, date
    de la conquête française ?
    Et croyez-vous vraiment qu'en Gascogne espagnole (Val d'Aran), on aurait
    choisi de transcrire le son "u" par "ou" ? Il n'y a quasiment qu'en français
    qu'on note "u" par "ou". Ce son est souvent noté "u" dans les autres langues,
    notamment en castillan et en catalan.
    Recherchez Bousquet et Busquet dans l'annuaire espagnol, sur le chef-lieu du
    Val d'Aran :
    http://blancas.qdq.com/
    (provincia Lleida, municipio Vielha E Mijaran (notez la graphie officielle en
    gascon, quel plaisir !))...
    Vous m'en direz des nouvelles.

    Siam hardits !
    Tederic

  • Adishatz,

    Le problème de la graphie classique réside dans le fait qu'une extrême minorité
    peut la comprendre et la lire correctement.
    Si cela est intéressant pour les initiés, cette graphie est totalement
    contre-productive quand on s'adresse à la grande majorité pour des noms de
    famille ou pour beaucoup de noms de villes et villages.

    L'ignorance de la graphie dite "classique", en fait médiévale, fait passer plein
    de mots comme "espagnols". Ainsi, un docteur que ma mère allait voit s'appelait
    Casamajor, donc son nom était écrit comme au Moyen Age. Eh bien, j'ai cru que
    cette personne était d'origine espagnole jusqu'à ce que je découvre qu'il
    s'agissait d'un nom de famille gascon. Avec Casemayou et autres formes de ce
    type, j'aurai tout de suite identifié ce nom comme gascon.
    Et que penser d'Oloron Sainte-Marie dont le panneau "occitan" est "Auloron
    Senta-Maria" prononcé par tous comme "Oloron Santa Maria" !
    Tédéric prend la mouche, mais je dois avouer qu'il est rageant que le principe
    "étymologie à tout prix" qu'il suit aboutisse à des aberrations du types "plaça
    Pèir berland" pour la célèbre place de Bordeaux alors que le prénom "Pierre" a
    toujours été écrit "Pey" en gascon garonnais et jamais "Pèir". Les anciens
    gascons n'éprouvaient donc aucun besoin d'écrire certaines lettres qu'ils ne
    prononçaient déjà plus.

    Je pense qu'il faudrait être plus souple concernant les deux graphies - la
    médiévale et la moderne qui correspond à un état de langue plus contemporain et
    non obligatoirement dû à une influence du français comme l'a amplement démontré
    Jean Lafitte dans ses travaux (les lire SVP plutôt que d'en entendre de vagues
    commentaires de seconde main !). L'utilisation des deux graphies destinées à des
    publics différents est très possible, mais les idéologies et les dogmes
    empêchent de part et d'autre de s'entendre pour ce type d'utilisation souple.

    Guilhem

  • Tederic :
    "Je suis accusé de sectarisme par deux listaires, Jann Lafitte, et
    Txatti,..."


    C'est tout à fait évident, Tederic. Tu as même une tête de Gourou... Grand
    Gourou :-)... de la liste ! :-)
  • Bof. Je voix deux problèmes différents :

    1. La graphie classique est-elle une aberration historique ?
    Peut-être. Il est plus que probable que certains choix graphiques sont
    douteux, et reflètent les connaissances à un moment donné. Oui, sans
    doute, si nous avions eu la preuve plus tôt que le phonème "ou" était
    graphié "ou" dès le moment qu'il fut prononcé ainsi, jamais la graphie
    occitane ne l'aurait adopté.
    Est-ce que par contre cela pose un problème que ce qui fut écrit Pey
    soit écrit Pèir ? Non. Pas plus que nous écrivons nénuphar qui est une
    réfection faussement savante et abusive. Les graphies se doivent de
    faire des compromis. Se couper de certaines traditions était le
    sacrifice à fournir pour la cohérence interne. Peut-être que le "x" en
    est un autre.

    2. La graphie classique est-elle efficace ?
    Quel public ? Les locuteurs naturels ? Autant le dire, c'est
    contre-productif à mort. Trop d'exemples sont développés.
    Maintenant, pédagogiquement parlant, est-elle handicapante ? Soyons
    francs : pour les nuls en langue, toute graphie le sera. Mais dans une
    société idéale où l'on apprendrait le gascon dès le plus jeune âge, je
    ne vois pas en quoi cette pauvre graphie pourrait être traumatisante.

    3. La graphie classique est-elle signe de fierté ?
    Oui ! Pourquoi une graphie si dissemblable du français ? Pour mieux se
    démarquer tout simplement. La graphie obéit à des impératifs
    idéologiques, que l'on ne peut comprendre que dans un contexte dit
    d'aliénation. Je me moque de savoir si ces concepts sont pertinents.
    Tout ce que l'on peut dire, c'est qu'elle a réussi son coup. Certes,
    dans un milieu restreint. Mais elle est arborée avec plutôt de la fierté.


    Ce que je veux dire, c'est qu'une graphie comporte son lot
    d'arbitraire, de compromis à avaler, et de choix stratégiques.
    Arbitraire, elle l'est parce qu'en fin de compte, pas si scientifique
    qu'elle ne veut bien le dire, et encore moins historique. Les
    compromis à faire, ils sont nombreux : cela peut être l'impossibilité
    de graphier certains mots, ... Enfin, les choix stratégiques : parier
    sur la graphie occitane, si possible gasconnisée, c'est parier sur une
    langue gasconne autonome, et en fin de compte croire en l'avenir. De
    toute évidence, sont évincés de ce schéma les locuteurs naturels.

    Maintenant ce pari est risqué. Pas à cause du blocage de ces mêmes
    locuteurs. Les pauvres n'ont pas que ça à penser. Le blocage, il vient
    de l'achèvement de la francisation. Il vient aussi de considérations
    plus pragmatiques : quel temps consacrer à l'apprentissage d'une langue ?

    Au final, la graphie ne devrait pas être ce sujet de discorde
    abstrait. Ce qui est franchement ridicule, c'est quand ses militants
    parlent d'elle comme d'un évangile des sables retrouvé, égaré pendant
    des siècles depuis le Moyen-Age et qui mènera le glorieux peuple
    occitan vers le Salut. La graphie occitane n'est pas la vraie graphie.
    Elle n'est qu'un code qu'il faut juger sur son efficacité, efficacité
    éminemment subjective puisque définie selon des critères politiques.
    Il est vain de tenter de masquer ces différences, car au fond, elles
    matérialisent toutes les oppositions sur le terrain linguistique.

  • Adishatz !

    Le Mardi 30 Janvier 2007 15:24, Guilhem Pépin a écrit :

    > Le problème de la graphie classique réside dans le fait qu'une extrême
    > minorité peut la comprendre et la lire correctement.
    > Si cela est intéressant pour les initiés, cette graphie est totalement
    > contre-productive quand on s'adresse à la grande majorité pour des noms de
    > famille ou pour beaucoup de noms de villes et villages.

    Je suis d'accord sur le fait qu'il faut utiliser la graphie classique avec
    beaucoup de précautions, vu sa difficulté de lecture pour le grand public
    français.

    Le problème se pose spécialement pour la signalisation publique, le sujet a
    déjà été traité ici, et (là je m'adresse à Louis) nous avons par rapport aux
    basques et aux catalans une difficulté plus grande à faire lire des panneaux
    en graphie normalisée (en tout cas la norme dite "classique" - la norme de
    l'escole Gastou Febus est plus facile à lire pour des français).

    Le basque a quelques difficultés : le "x" pour le son "sh", le "z" pour le
    son "s" ; l'occitan en a davantage : le "a" final, le "o", le "r" final non
    prononcé, le "nh", le "lh"... et aussi l'accent tonique, avec les voyelles
    finales prononcées mais non accentuées (présentes cependant dans le français
    parlé avec l'accent "du midi").

    La graphie classique est simple (beaucoup plus que celle du français),
    cohérente, élégante, et a des vertus pédagogiques, mais elle nécessite un
    apprentissage, qu'on peut imposer aux enfants, ou proposer (mais pas imposer)
    aux adultes.
    Dans mes activités web, j'ai été obligé d'introduire, parfois, une
    graphie "bricolée" un peu plus accessible, que je nomme "franco-gasconne"
    (mais le qualificatif n'est pas optimal, je le crains) dans les "lòcs" (
    http://locs.gasconha.com ).
    Et j'accompagne le plus possible la graphie classique d'une transcription "à
    la française". Voir le "lexicòt" ( http://mots.gasconha.com ).
    Je ne transcris pas non plus systématiquement en graphie classique les "grans
    de sau" qui sont soumis à Gasconha.com dans des graphies non classiques,
    parfois même patoisantes, voire complètement personnelles, et j'y réponds
    même parfois dans une graphie "franco-gasconne".

    Donc, je n'admets pas qu'on m'accuse d'être un ayatollah de la graphie
    classique.

    Aquò dit... le gascon, IL FAUT AVANT TOUT LE PARLER, LE CHANTER, LE FAIRE
    ENTENDRE !

    Siam hardits !
    Tederic

  • J'ai rencontré les auteurs du panneau "Ibos" et de la graphie qui va avec.
    Je mettrai toutes les informations en ligne la semaine prochaine. Mais je
    crois qu'il y a beaucoup de monde qui s'est torturé la cervelle pour pas
    grand-chose.
    La conclusion c'est quand même que le panneau fait pratiquement l'unanimité
    au village et l'auteur habite à 100 m du panneau.

    Louis DOLLO

  • Tederic,

    Que m'adui aus 100% dab tu. Lo problèma n'es pas briga lo de la grafia. Lo solet
    problèma vertadèr qu'es e que damorerà tostem la hrèita d'usatge quotidian e de
    competéncia tà parlar. Un còp mei, que prenerèi l'exemple de la mia hilha. Qu'a
    entenut a parlar e que parla desempuix lo son temps de mainada e quitament de
    doneta e de nina. No l'èi pas jamèi aprés arré sus quau grafia qui sii. E bè
    uei, que pòt léger un tèxte gascon, sii arredigit en grafia classica, modèrna,
    Arnaudin, Fèbus etc...Qu'arreconeix los mots devath la soa pelha, quau qui sii
    la pelha. N'àgitz pas por, la mia gojata n'es pas mei esmerida qui no pas los
    mainatges mei. Mès era, que sap parlar...Pas mei complicat qu'aquò...

    Que vedi LA PELHA DE LA HEMNA QU'ES NEGA o LE PELHE DE LE HEMNE QU'ES NEGUE, que
    lei LE POELYE DE LE HOEMNE KOESS NOEGUE xentz nat trebuc.

    Amistats.

    Halip Lartiga

  • Dans un e-mail daté du 01/02/2007, vascon@free.fr a écrit :

    « [era hilha] Que vedi LA PELHA DE LA HEMNA QU'ES NEGA o LE PELHE DE LE HEMNE
    QU'ES NEGUE, que lei LE POELYE DE LE HOEMNE KOESS NOEGUE xentz nat trebuc. »

    N'ajant pas james parlat o apres vertaderament eth parlar negue qu'èi agut
    trabuc enta saber e com prononciar, jo...
    OE = /schwa/ o era diftonga /wé/ ?
    Maugrat er article qu'èm mes pròp der escriut, nosauti, qu'aurèm prononciat :
    ERA PEYo DERA HENNo KES NEGo

    D'où l'intérêt majeur d'avoir un choix graphique gommant quelque peu les
    différence d'accent ...

    Merci, Halip, d'aqueste testimòni,
    Brunò.


Un gran de sau ?

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