Ténarèze 5. La Route de Julien Gracq

- jean-paul ducos

J’ai longtemps vécu avec cette illusion que Julien Gracq avait écrit les 30 pages de La Route en s’inspirant, au moins en partie, de l’histoire de notre légendaire Ténarèze. Ce n’est récemment que j’ai pu lire le récit de son séjour dans le Gers (La Novempopulanie in Nouvelle Revue Française n°332 1980) : non seulement il n’en fait pas mention mais surtout, dépité, je dus me rendre à l’évidence : il ignorait jusqu’à son existence et avait roulé dessus sans le savoir du côté de Lupiac (voir post n°80 Vues sur les Pyrénées)
Julien Cracq entre Lupiac et Eauze

Le narrateur de La Route est un soldat qui s’éloigne d’un Royaume « sur un étroit chemin pavé qui conduisait sur des centaines de lieux de la lisière des Marches aux... », « les dalles de la surface gardaient des traces anciennes qui mordaient la roche d’une gouttière usée », « c’était une route fossile : la volonté qui avait sabré de cette estafilade les solitudes pour y faire affluer le sang et la sève était depuis longtemps morte », « ..on eut dit soudain que la route ensauvagée, crépue d’herbes … mêlait le temps plutôt qu’elle ne traversait les pays, et que peut être elle allait déboucher, dans le clair obscur de hallier qui sentait le poil mouillé et l’herbe fraîche, sur une de ces clairières où les bêtes parlaient aux hommes ».

De vieux chemins romains, il y en a partout. Ils mènent tous à Rome, mais si comme ce soldat nous les suivons dans l’autre sens, à mesure que leur état se dégrade, nous nous perdons dans la nature sauvage, les légendes et le temps. Bref nous mourrons (1). A ce titre, le texte de Gracq décrit tout aussi bien la Ténarèze, ce pourquoi je me permet de l’inclure dans cette suite.

JP

1. Toutefois, ne voulant pas sans doute céder à cette facilité, J Gracq décrit la rencontre du narrateur vers la fin de son récit avec des sortes de bêtes silencieuses, bien plus étranges encore que les bêtes qui parlent. On est pas obligé de le croire.

Grans de sau

  • Merci Jean-Paul. Brève incursion de Gracq en Gascogne. Il était bien plus inspiré par ses paysages du val de Loire, ce qui est bien naturel. Mais aussi par le rivage des Syrtes ! Un magnifique écrivain, en tous cas.

  • J’ai le souvenir d’avoir lu sous la plume de Gracq des propos plutôt durs à l’endroit des pays gascons :

    « une esquisse inachevée, une nébuleuse de province en voie de densification »

    Ce pourrait être l’occasion d’une recherche plus approfondie et l’objet d’une chronique à venir !

  • Des mots durs pour la Gascogne, à un point que ça en est réjouissant ( « …. lambeau de tissu conjonctif faiblement vascularisé..!!!). On s’aperçoit, que malgré sa grande culture, il n’a pas lu la Guerre des Gaules en entier ; comme moi il n’a du lire probablement que la partie qui se réfère à sa région. On ne saura jamais pourquoi il était de si mauvaise humeur pendant son séjour gersois (?)

    « Les pays du sud de la Garonne la Novempopulanie de l’ancienne Gaule m’ont toujours intrigué. … je me sens attiré vers cette frange lâchement cousue du territoire français, greffée sur lui, on dirait, à la manière d’un lambeau de tissu conjonctif faiblement vascularisé, inapte à nourrir aucun viscère noble. Son retrait insolite par rapport à l’Histoire la désencombre de tout souvenir tragique ou théâtral. Dès la conquête de la Gaule, elle se signale comme la seule partie du territoire où César ne mentionne aucun combat elle apparaît déjà plutôt comme un far-west giboyeux où on envoie les légions fourrager, cantonner ou se refaire. »

    JP

    https://assets.edenlivres.fr/medias/6f/6fd796791a1e23a71d028cce35f1928f3a3a8f.pdf

  • Il se sentait tout de même "attiré par cette frange lâchement cousue au territoire français" (quelle bizarre perception de la Gascogne, qui lui reconnait en tout cas une réelle singularité dans l’ensemble français !).
    Quant à l’histoire,César ne mentionnait pas la bataille de Sos (perdue par les Aquitains face à Crassus quelques années avant la "vraie" guerre des Gaules ,hélas ...) ni - pour cause- pas non plus la bataille de Taller qui donna un coup d’arrêt aux Normands quelques siècles après.Et Gracq semble ignorer l’implication durable du camp gascon d’Armagnac dans la guerre de Cent Ans et la guerre civile française concommitente.
    Rien non plus sur Henri IV et les présidents,style Fallière , de la IIIè Républioque ("tous ces autochtones,venus en personne du Lot et Garonne", brocardés par les chansonniers parisiens de l’époque, assez chauvins ).


Un gran de sau ?

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