Bustarra et marron.. ? Deux qualificatifs végétaux mystérieux…

- VERDIER Gilles

Qui trouvera la signification de ces termes..?

Dans les deux terriers de Saint Sever de Rustan (1667 et 1743 consultables dans le site des Archives dép. du 65), chaque parcelle est qualifiée si elle n’est ni vigne, ni terre labourable, ni pré, ni bois. L’arpenteur qualifie son couvert végétal :
• Aubadèra
• Boic
• Bodiga
• Boscaròt
• Branar
• Brocar
• Bruishotar
• Cassolar
• Castanholar
• Garrigatar
• Genebrar
• Genhètar
• Heugarar
• Juncassar
• Marriga
• Nhèstar
• Plantèra
• Tujagar
• Vernatar
• Vernissar.
Tous ces qualificatifs des XVII et XVIIIème siècles sont sans problème et l’explication est claire pour pour qui connait le gascon.

Pourtant deux termes utilisés dans les terriers des coteaux du Rustan sont obscurs. Je n’ai pas trouvé d’explication car ils sont absents de la langue actuelle et des dictionnaires gascon :

Bustarrar : « Plus tient hautin et bustarra au Captarroque… ». Ce qualificatif végétal est très présent dans les terriers du Rustan. Il est distinct du terme "bois" puisque sur des terrains il y a « bois et bustarra »… Ce n’est pas une mauvaise écriture d’un éventuel « buscarrar » puisque le terme se retrouve des dizaines de fois par terrier écrit de la même façon. On pense bien sûr à un terrain avec du petit bois… On cherche…qui trouvera la solution ?

BUSTARRAR terrier de Saint Sever de Rustan.
BUSTARRAR terrier de Saint Sever de Rustan.

Marron : « Plus tient terre et marron au Picharrot… ». Ce qualificatif végétal (?) est aussi présent dans les terriers du Rustan. Une chose est sûre : rien à voir avec le nom du bélier à SSR : « lo marro ». Je n’ai rien trouvé dans les dictionnaires gascons ou français…Ce terme est encore plus obscur que le précédent et je suis preneur de pistes explicatives…

MARRON terrier de Saint Sever de Rustan.
MARRON terrier de Saint Sever de Rustan.

Grans de sau

  • Il n’y a qu’une lettre qui change entre bastarrar et bustarrar...

    (lo) Bastarrar
    Prononcer "(lou) Bastarrà".


    bastarra = mauvaise bruyère ou autre végétation landaise ?
  • Qu’ei plan possible :
    busta = basta = ajonc ou bruyère. Adara, que’s dit a nosta "tujaga".
    + augmentatiu vegét. -arrar = bustarrar = lieu où il y a beaucoup d’ajonc.
    Un "bustarrar" deu sègle XVIII que seré donc un "tujagar" deu sègle XXI..!
    Idem :
    matarar = lieu où il y a beaucoup de noisetiers (mata)
    juncarrar : lieu où il y a beaucoup de joncs.
    Merci plan...

  • Bustarra, basta, etc me font penser aux patronymes ”Labaste, Labastugue”...nombreux dans les Landes. Même étymologie ?

  • Adishatz Francis !
    Que les patronymes Labaste et Labastugue dérivent de basta (baste), c’est certain pour le premier et très probable pour le second !

    Labasta + (la) Basta

    Labastuga
    Prononcer "Labastugue". "la grande baste" [Philippe Soussieux - "Les noms (...)

    basta = ajonc épineux
    Entre basta et bustarra, le lien est moins évident, parce qu’il faudrait que basta passe à busta ; or le passage du a au u n’est pas habituel en gascon.

    Mais il y a parfois - les spécialistes doivent avoir des mots précis pour ça, parfois j’utilise le terme d’attraction - des racines différentes qui se mélangent pour désigner des choses qui sont proches : par exemple un mélange entre basta et buscarra (racine différente : busc ; mais il s’agit toujours de végétation de forêt !) qui donneraient bustarra...

  • On trouve dans Palay buscar : petit bois de jeunes arbres, dont buscarra pourrait être un augmentatif. Le passage de /k/ à /t/ (*buscarra > bustarra ?) me semble moins problématique.

  • Cette dernière hypothèse conviendrait mieux que bastarra>bustarrar car le terme "tujagar" qui est équivalent à "bastarrar" est employé dans le terrier.
    Et pour "marron" personne n’a d’hypothèse ?

  • Expliquer "Bustarra" éclaircirait aussi les toponymes "Bustaret" (à Nerbis (40), à Brassempouy (40), au Houga (32) ; "Bustarou" à Peyrole (81) ; et "Bustarrot" à Tieste-Uragnoux (32).
    Une piste avec la théorie développée sur la Wikipedia en espagnol pour les noms des villages de "Bustares" et de "Bustarviejo", partir du latin "bos stare" : pâturage pour les boeufs.

  • C’est vrai qu’on ne regarde pas assez outre-Pyrénées pour repérer certaines convergences. Le latin bostar ou bustar “étable à bœufs” est bien attesté (Gaffiot, p. 239). Cela me semble être de loin la piste la plus convaincante.

  • La volonté de Nicolas Demitx, notaire royal, arpenteur et géomètre, de Pavie qui a établi le terrier de Saint Sever de Rustan en 1743 était de caractériser le couvert végétal de chaque parcelle pour en définir l’impôt. "Bustarrar" est donc une de ces désignations (Nicolas Demitx en utilise un grand nombre dans ce terrier). L’hypothèse de Tédéric d’"attraction" semble possible car elle reste dans ce domaine. L’hypothèse de "bos stare" peut convenir à une étymologie d’un toponyme mais difficilement pour une désignation répétitive dans un terrier.
    Merci pour cette échange très intéressant...

  • # Verdier Gilles. D’après la page Bustares de la Wiki espagnole, Joan Coromines fait la même réflexion que vous, c’est pourquoi il attribue au mot "bustar" le sens de "patûrage" et non le sens étymologique d’ "étable" :« Joan Coromines afirma en su obra Diccionario crítico etimológico castellano e hispánico que :
    Lo que si abunda (también en documentos antiguos, porque en el lenguaje vivo ha desaparecido) es bustar que suele citarse en documentos antiguos entre pertenencias de las heredades junto con los molinos, viñas, tierras, pomares, etc. y que por tanto es más probable que signifique « pastizal de bueyes
     ».

  • Pour marron : *maron "petite mare" ? (en me souvenant de l’hypothèse de Jean-Yves sur Le Maraing)

    Sinon d’après le FEW :
    Bearn. marríc “clôture en terre ou en pierre sèche, terrassement pour délimiter deux propriétés, encaisser un cours d’eau ; talus” ; Lourdes marriga f. “talus” […] Bearn. marrigue “haie” […] Gers marrigue “terres où poussent spontanément genévriers, spartiers, etc.”, Lanne-Soubiran marrigo “lande boisée”

  • J’associe bustar à tustar ,deux verbes qui se font souvent écho dans notre parlé ; le bustarra ne pourrait il être un lopin de terre utilisé pour le travail du bois ,séparer, les branches du tronc ,faire travailler ou reposer les bœufs ,chevaux, ânes ou mulets un endroit non exploité en culture mais nécessaire ? Il serait intéressant de voir à quelles distances sont ces lots les uns des autres et s’il y avait possibilité d’acheminer facilement les troncs ou les fagots de petit bois, en passant le long des autres parcelles.

  • Pour le mot "marron" désignant dans les terriers du Rustan une qualité de terrain, je pense avoir enfin une explication.
    Ce mot est sûrement en rapport avec le français « bois de marronage/marnage » qui désignait les bois pouvant donner des charpentes (voir Littré) ; dans la même famille on a le « droit de marronage » qui était le droit de prendre du bois dans une forêt communale (WvW), le « marronnier/maironnier » qui est le nom du charpentier dans des dialectes d’oil (WvW) et le chêne merrain ou à merrains qui sont les planches de chêne pour charpente ou tonnellerie. Etymologie : du latin populaire « materiamen » venant de « materia » voulant dire bois de construction.
    « Marron » serait donc le mot gascon du Rustan pour désigner une parcelle avec bois de charpente.

  • J’ai reporté l’explication de Gilles côté "Noms e Lòcs".

    (lo) Maron ? Marron ?
    Prononcer "Maroun". Gilles Verdier propose une explication : Pour le mot (...)


    Mais il se peut que les toponymes Maron ou Marron dispersés en Gascogne (par exemple le curieux "Marron Plat" de Mimizan) aient des explications diverses. Ne faut-il pas chercher aussi vers une racine commune avec "Marot" qui est bien implanté également en Gascogne ?

    Et le terrier de Saint Sever de Rustan qui donne "marron" est un texte en français, même s’il utilise beaucoup de termes gascons (la liste donnée par Gilles est impressionnante) ; "marron" n’est-il pas un emprunt pur et simple au français ?
    Pour merrain, le gascon a mairam (meiram ou mairam en languedocien), mais le mot désigne un type de bois quant à son utilisation. mairam = merrain (bois fendu débité pour les douves de tonneaux)


Un gran de sau ?

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