Deux bastides fondées en paréage entre le royaume de France et des abbayes locales :
– Grenade :
Grenade
« Bastide fondée en 1290 à l’initiative des moines cisterciens de l’abbaye de Grandselve qui avaient fondé Beaumont-de-Lomagne une dizaine d’années auparavant. La ville fait l’objet d’un accord de paréage entre les moines et le sénéchal Eustache de Beaumarchais représentant du roi Philippe le Bel. »
Une bastide ambitieuse :
« le plan initial de la ville prévoyait plus de 3 000 habitations, mais seulement 1 000 furent réalisées »
Wikipédia
– Boulogne :
Boulogne-sur-Gesse
« fondée en 1286 par Eustache de Beaumarchais, sénéchal de Toulouse, pour le compte du roi de France, en paréage avec l’abbaye de Nizors »
« Bologne-sur-Gesse emprunte son nom à une ville prestigieuse, Bologne en Italie, comme gage du succès de son développement. »
Ambitieuse donc, mais moins grande que Grenade.
Wikipédia
Toutes deux sous l’ancien régime en "Rivière Verdun" :
– Grenade :
« La commune est dans le pays de Rivière-Verdun, un petit pays d’élection de l’est de la Gascogne, (...) s’étageant sur les terrasses de la rive gauche de la Garonne, entre la vallée de la Save et la Lomagne »
– Boulogne :
« Jusqu’à la Révolution, Boulogne (Boulogne-sur-Gesse depuis 1958) était une des nombreuses enclaves de la Jugerie de Rivière-Verdun »
Au 20e siècle, l’une décolle, l’autre pas :
– Grenade (sur Garonne) décolle avec Toulouse :
Sa population explose de 3000 vers 1950 à près de 9000 aujourd’hui.
Explication : « La commune fait partie de l’aire d’attraction de Toulouse, dont elle est une commune de la couronne. »
– Boulogne (sur Gesse) (« gascon : Bolonha de Gessa », ce qui suggère en gascon la prononciation "Bouloùgno") stagne :
Sa population, toujours moindre que celle de Grenade (dès le départ, on avait vu moins grand à Boulogne), stagne depuis deux siècles entre 1500 et 2000 habitants ; à noter un petit effet "trente glorieuses" entre 1945 et 1975.
Boulogne avait même été un terminal ferroviaire : Ligne de Toulouse à Boulogne-sur-Gesse - Wikipédia
Un viaduc ferroviaire demeure [1].
Boulogne sur Gesse est aujourd’hui terminus d’une ligne d’autobus depuis Toulouse, qui doit avoir pris la suite de cette voie ferrée.
Oui mais... la vie urbaine n’est pas que dans la bastide :
– A Grenade :
Les milliers de nouveaux habitants ont dû pour beaucoup s’installer hors bastide ; la bastide aurait pourtant pu tous les accueillir puisque "le plan initial" (du moyen âge) prévoyait plus de 3000 habitations : en comptant 3 habitants par habitation, on arrive à 9000, juste le chiffre actuel de la population communale !
Mais elle accueille au moins une belle variété de commerces, où souffle peut-être l’esprit toulousain... et le marché sous la belle halle !
En 2020, le journal municipal dresse cependant un tableau en demi-teintes :
« Le centre ancien de Grenade dispose encore d’un certain nombre d’atouts comme par exemple une grande qualité patrimoniale urbaine et architecturale, de nombreux services et commerces de proximité, un marché hebdomadaire d’une très large aire d’attraction. Mais il connait également certaines difficultés telles que le déplacement des piétons, le nombre croissant de logements vacants, les problèmes économiques rencontrés par certains commerces, le mauvais état des espaces publics. »
– A Boulogne :
La vie commerciale a largement fui la bastide. Beaucoup de vitrines désaffectées...
ll faut aller vers l’ancien foirail, et surtout dans la zone commerciale hors la ville : Intermarché, Aldi...
Mais il ne faut pas conclure trop vite, voyant un centre bourg sinistré, que l’économie locale ne va pas.
Et si pour une population de même nombre (1500 habitants), Mézin (en Albret) a deux supérettes sur sa place centrale, c’est que Mézin n’a pas de grande surface hors la ville...
Plus près, Tournay, un peu moins peuplée, une bastide aussi, parait pourtant avoir une place centrale plus vivante.
"Benchmark" à continuer !-)
Que manque-t-il ici ? quelques arbres sur la place devant la Mairie ? celle-ci a bien les embans qu’on aime ; l’église aussi a les siens ; et des embans, il y en a encore par ci par là autour de la place, qui n’est quand même pas la "Place des Vosges" inspirée, dit-on, par Labastide d’Armagnac...
Derrière la mairie, et constituant avec elle un ensemble architectural intéressant [2], il y a des halles "à la Baltard" [3]... et un restau "Au comptoir des halles"... On devine l’animation des jours de marché...
Au fait, les noms de voie des deux bastides sont-ils gascons ?
– Grenade : non ! Les noms présents honorent plutôt des figures républicaines.
Le cadastre napoléonien montre des noms majoritairement issus d’un registre plus catholique, mais, dans le registre d’oc, la seule rue Nouguiéde, maintenant nommée Roquemaurel. Nouguiéde (endroit où il y a des noyers ?) semble plus languedocien que gascon.
– Boulogne est sur ce point plus conservatrice que Grenade (mais hélas le Cadastre napoléonien ne donne pas les noms de rue), sans que le gascon soit très présent :
La rue Perruque était-elle Perruqué (Perruquèr) ? Un nom de métier qui conviendrait bien à une bastide...
La rue Pérès, la rue Désirat : Désirat et Pérès sont aussi des lieux-dits voisins de la bastide.
La rue de la Bastide semble avoir été percée récemment !
De chaque côté : le Barry d’en bas, le Barry d’en haut (barri veut dire rempart ou faubourg près des remparts).
Conclusion :
– Grenade a la double chance d’avoir un patrimoine de bastide remarquable et d’être dans la zone métropolitaine de Toulouse, qui peut fournir les commerçants, artisans, résidents, qui s’y épanouiront, et les visiteurs qui s’y promèneront.
– Boulogne est en dehors de l’espace toulousain. Mais sa halle-mairie du 19e siècle (1859 donc Napoléon III) et son église, toutes deux monuments historiques reconnus, et posées sur une place partiellement à embans, peuvent donner l’envie de bichonner le reste, et de composer petit à petit un environnement séduisant.
Entre ces deux bastides devenues si différentes, peut-être un trait d’union : le temps fort du marché hebdomadaire sous la halle !