mandòrra = pomme de terre
Saint Sever de Rustan est l’un des derniers villages au nord des Hautes-Pyrénées à employer en gascon le mot « las mandòrras » pour dire les pommes de terre. Ce mot est employé concurremment avec le mot « las pomas ».
Le fruit « la pomme » est appelé « poma de pomèr » pour le différencier de la « poma ».
Le champ de pommes de terre est appelé « lo pomassar ». Ce collectif s’est formé à SSR sur « poma » et non sur « mandòrra ».
« Un pomassar de hèr ». C’est une expression pour qualifier un beau champ de pommes de terre.
Noms gascons de la pomme de terre et du champ de pommes de terre.
« La/era mandòrra » et « lo/ eth mandorrar » : Toutes les Hautes-Pyrénées (sauf la Rivière-Basse). Ce terme est aussi connu en Languedoc. Plusieurs hypothèses quant à l’origine de ce nom singulier. Rohlfs avait pensé à une origine préromane en relation avec le basque « mando » = stérile. Jean Séguy a rejeté cette hypothèse pour des raisons sémantiques et parce qu’une origine préromane pour un légume importé d’Amérique semble douteuse. Il y voit une dénomination facétieuse donnée parfois aux légumes très usuels, ici le nom d’un instrument de musique genre mandoline ! Joan Coromines n’est absolument pas convaincu par cette hypothèse : il ne voit pas de liens entre le nom d’un instrument de musique international plutôt italien et une petite zone pyrénéenne. Mais il n’avance pas d’hypothèse plus sûre. Dernièrement, Patric Guilhemjoan propose l’hypothèse basque. « Mandòrra » serait une déformation du mot basque « mandaburu », désignant une variété de pomme appelée « tête de mulet ». L’arrivée en Gascogne de cette nouvelle culture semble bien s’être faite par le Pays-Basque : d’Andalousie, depuis les ports accueillant les navires en provenance du Nouveau Monde, la pomme de terre va passer en Galice cultivée pour vaincre la famine qui y sévit entre 1730-1735, puis au Pays basque. Et c’est par ce Pays basque que le tubercule se diffusera dans les régions françaises frontalières. Si l’hypothèse est la bonne, reste à savoir pourquoi ce terme basque n’est employé qu’en Bigorre et non en Béarn, plus proche du Pays basque... !
Aucun linguiste n’a retenu la relation avec “la mandragòra”…
« La poma », « la poma de tèrra ». « Lo pomassar ». Du latin populaire « poma » (pluriel neutre) = fruit, puis pomme. Ce terme a dû pénétrer en Gascogne à la fin du XVIIIème siècle, venant du Nord de la France où il apparait en 1754.
« La patata » (Landes, Gironde, Médoc). Mot commun au castillan, au portugais (batata), au catalan, à l’occitan et au français. Provient du castillan « patata », croisement du quechua « papa » et d’une langue de saint Domingue « batata » désignant ces tubercules.
« Era pataca » (Bas Ossau). C’est le mot « patata » dont la dernière syllabe a été remplacée par le suffixe -aca d’origine basque marquant un ensemble de plante…
« La patana » (est Gers, Comminges). C’est le mot « patata » dont la dernière syllabe a été remplacée par le suffixe -ana.
« La pomata ». « Lo pomatar ». Palay précise que ce terme désigne la pomme de terre et le topinambour. C’est un mixte de « poma » et « tomata ».
« Era tomata » (Val d’Azun). « Eth tomatar ». Le Val d’Azun est le seul lieu de Gascogne où « era tomata » est le mot gascon pour la pomme de terre ! Pour Palay, c’est une déformation de « pomata ». Pour la tomate, ce gascon dit « era tomata arroia ». Le terme vient du castillan « tomata » emprunté de l’aztèque « tomahacan ».
« La trufa/truha » (Comminges, Luchonnais, Val d’Aran, Ariège), « la tura » (sud Gironde). ).”Eth truhar”. Les termes de cette famille sont répandus dans beaucoup de dialectes romans pour désigner tout d’abord la truffe (champignon) puis, depuis son apparition, la pomme de terre. Etymologie : le latin classique « tuber » = tumeur, truffe (champignon). Le latin populaire « tufer, pluriel tufera » va donner en occitan « trufa » qui prendra dans certains dialectes le sens de pomme de terre. On a aussi le latin populaire « terrae tufer » qui donne en italien « tartufo » et le castillan « turma de tierra » = la truffe.
Pour « tura », on a truha>trua>tura.
On note que le mot latin « tuber » puis le latin populaire « tufer » étaient employés comme insulte au temps des romains. Nos mots gascons « trufar / trufà’s », trufandèr, ua trufa » se rapportant à la moquerie conservent bien ce sens…