Toulouse 1920-1940. La Ville et ses architectes Vincent.P

- Vincent P.

J’ai acheté le livre "Toulouse 1920-1940. La Ville et ses architectes" qui est relativement intéressant sur une période qui a vu dans les villes du Sud-Ouest une véritable expérience de renouveau régional, via l’Art-Déco.

Cependant, ce livre, qui est écrit par l’école d’architecture de la ville, est de manière assez surprenante, très sévère avec le style néo-basque inspiré d’Arnaga.
Pour résumer, il est nié tout caractère régional à ce style, assimilé au rêve de vacances des anciens ruraux qui nieraient leurs racines.
Je crois que l’on a un exemple de plus du manque cruel d’études sur la question du style néo-basque.
A la lecture du livre, la seule Toulouse qui existerait serait ce mirage de briques réinventé au XIXème siècle.
Les auteurs du livre n’ont absolument pas conscience qu’à quelques encablures de Toulouse, en Lomagne, en Volvestre, partout des maisons rurales vasconnes, en tout point semblables aux maisons basques, en tout cas dans l’aspect général.
La maison néo-basque sur Toulouse, loin d’être la honte des origines, est au contraire un style profondément populaire, opposé au fond au renaissantisme snob néo-Hôtel d’Assezat.

Le livre date de 1991. Il marque le retournement idéologique des années 90 qui a fait le procès des époques qui précédaient.
Aujourd’hui encore, les architectes n’ont plus conscience de la force de la maison néo-basque pour une génération de paysans venus à la ville, ce qu’elle disait de l’inconscient collectif d’une population déracinée, qui certes rêvait de mer, mais retrouvait également des formes familières.
Les architectes de la fin du XXème siècle et du début du XXIème siècle font de Toulouse une autre ville, une ville qu’ils veulent méditerranéenne, ils ne comprennent pas que la brique est un matériau friable que l’on recouvrait d’enduit, et qui n’était utilisé qu’à défaut de carrières de pierre.
Dans le même genre, dans le livre "15 promenades dans Toulouse", l’auteur, qui est paloise, parle d’une ville qui retrouverait enfin ses couleurs en se retrouvant méditerranéenne et ensoleillée une fois les enduits enlevés, enduits qu’elle précise être le fruit de l’ancien complexe des Toulouse vis-à-vis de la grisaille bordelaise, bref la volonté d’imiter Bordeaux. C’est ridicule.

Pour conclure brièvement, je crois qu’il y a aujourd’hui tout un mouvement intellectuel qui n’a plus de vision historique honnête et qui préfère le confort des stéréotypes médiatiques à la réflexion historique.
Les conséquences visibles (provençalisation rurbaine, méditerranisation urbaine) sur les lieux que nous pouvons fréquenter me semblent lourdes de conséquence.
J’espère que comme toute mode, nous en reviendrons.

Grans de sau

  • Dans le feuilleton de la "maison noire" d’Agen, la méconnaissance de la liaison entre le néo-basque et le vernaculaire gascon ou vascon s’exprime aussi :
    Dans le forum d’un article de "Sud-Ouest" sur cette affaire, je lis "une maison style basque en agenais n’est ce pas une anomalie ?"
    Cette personne ne sait probablement pas que le néo-basque blanc et rouge n’est qu’une interprétation libre d’un des types basques, le labourdin, et n’est pas "le type basque".
    Elle ne sait pas non plus que ce type labourdin est un avatar d’un type vascon qui s’est répandu il y a longtemps jusqu’aux portes d’Agen.

    Quant au litige sur la "maison noire", à la réflexion, je ne suis pas totalement opposé au noircissement du rouge et blanc. On y retrouve même le passage au goudron des vasconnes garonnaises. Mais ce n’était pas l’idée des propriétaires...
    De toute façon, il s’agissait bien d’un changement d’aspect d’une maison emblématique, et la ville d’Agen a eu raison selon moi de refuser que cela se passe sans l’agrément des autorités.

  • Et un autre, GASCON51 (!) qui écrit :
    "Et construire une maison basque dans la région agenaise, ce n’est pas une aberration pour vous ?"
    J’ai répondu :
    "Jusque vers 1960, le néo-basque a été populaire en Gascogne et même au delà.
    gasconha.com/spip.php ?article74
    On peut y voir l’affirmation d’une appartenance commune "vasconne" (à la fois basque et gasconne).
    Mais cette communauté architecturale a existé bien avant, avec le type architectural paysan dit "landais" qui était en fait un type gascon répandu jusqu’en Lomagne et dans la vallée du Lot, et très proche aussi du type basque labourdin.
    gasconha.com/spip.php ?article80"

    Article de Sud-Ouest

  • L’obscurité dans laquelle est tenue la question de l’architecture vernaculaire dans le Sud-Ouest de la France est curieuse tout de même ...
    Il n’y a pas un seul ouvrage qui traite de la question pleinement, ou alors toujours avec un tropisme basque (sans cependant jamais aller voir du côté de l’Espagne).
    C’est un peu comme le mouvement culturel des années 20, on n’en retient plus que la facette basque alors qu’elle s’est déclinée également sous d’autres facettes (pyrénéenne, landaise, ...).

    Je pense, mais je l’ai déjà dit, que l’occitanisme n’est pas étranger à ce constat, parce que tout simplement, en bientôt 60 années de monopoles, ce mouvement n’a pas aiguillé des personnalités vers ces pistes de recherche identitaire.
    Sur Toulouse, l’occitanisme joue un rôle assez déplorable dans le relais de la fausse image qu’entendent véhiculer les édiles de la ville.
    Inversement, le nationalisme basque, dans une certaine mesure, aime bien être assez excluant sur de tels sujets ...

    Pour revenir à la question de l’architecture vasconne, je ne peux qu’encourager un doctorant éventuel qui passerait par là de s’intéresser à la question.
    Je dispose d’un fonds photographique conséquent. Encore la semaine dernière, je feuilletais un ouvrage qui vient de sortir sur l’architecture de brique, et l’un des articles concernait l’architecture en adobe si fréquente en Béarn mais aussi en Médoc.
    L’article était illustré de nombreuses photos de granges médoquines pleinement "landaises".
    Où est l’ouvrage qui parlera de cela ?
    "Le Festin" n’en est pas loin, mais entre nous, c’est quand même toujours un peu bobo chic, très centré sur les châteaux vinicoles, le Bordeaux classique, ...

  • Pour répondre à Vincent sur le thème général du livre, je ne suis pas du tout étonné.
    Tout est une question d’ignorance de notre patrimoine vernaculaire. Dans les années 80, j’avais pris durant mes études d’archi, des cours d’architecture vernaculaire.
    Nous étions une bonne dizaine alors que dans d’autres cours plus classiques ça frisait les 50.
    C’est pour dire le peu d’intérêt que pouvait susciter ce genre d’enseignement aux yeux des étudiants de l’époque.
    J’espère qu’aujourd’hui on aura inversé la tendance ! on arrive du coup à des incompréhensions comme pour cette maison vasconne à Agen.

    Par contre Vincent, je ne pense pas que l’architecte paloise ait complètemment tort.
    La brique peut être utilisée comme matériau de façade garantissant une bonne qualité mais aussi une durabilité, tout dépend quel type de brique est employé.
    Bordeaux elle, c’est de la pierre calcaire donc friable donc fragile, donc elle a besoin d’un enduit.
    Si à une certaine époque ancienne Toulouse badigeonnait ses façades d’enduit, c’est que la brique de l’époque était de mauvaise qualité, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
    Toulouse ville rose avec des bâtiments construits au XvIII et XIXeme siècle alors la brique devient le matériau de façade et devient dominante.
    À l’époque, on était loin des aspirations méditerranéennes d’aujourd’hui. Là, pour le coup elle a tort.
    Maintenant, qu’ils veulent aujourd’hui que Toulouse soit une ville méditerranéenne, ça, c’est un fait ! Il n’y a qu’à voir ce qui se passe autour de la ville de Toulouse avec ces pseudos maisons méditerranéennes qui poussent comme des champignons.
    L’intérêt suscité par la gasconité, si je peux m’exprimer ainsi, est beaucoup moins présent aux limites de la Gascogne historique qu’au cœur du pays gascon où bien dans les enclaves gasconnes des pyrénnées.
    Agen Toulouse, sont devenues trop influencées par les tendances et les particularités régionales de leurs voisins ouverts sur la méditerranée.
    L’important est de freiner cette gangrène à ces limites garonnaises et de préserver notre architecture vasconne, ce qu’il en reste. Comment ?... Là est la question.

    Concernant l’architecture vernaculaire du Sud-Ouest "Il n’y a pas un seul ouvrage qui traite de la question pleinement" : je dirais ce n’est qu’une question de temps…

  • C’est évident que la brique est un matériau qui permet de belles choses, loin de moi l’idée de nier la spécificité de ces pays garonnais dans l’usage de celle-ci, reste que je constate de nombreux exemples de ratage esthétique parce qu’on a voulu faire tomber les crépis et autres enduits, là où ceux-ci étaient, à mon goût, les compléments indispensables.
    Dans Toulouse, il se produit une disneylandification dommageable.
    Le problème, c’est que les gens aiment, alors qu’on voit des manques de contraste pénibles entre des colombages et de la brique nue.

    Pour ce qui est de la brique, elle peut être le matériau des maisons vasconnes de la Gascogne toulousaine (au moins jusqu’à Martres en amont).
    C’est aussi le matériau privilégié de ces petites maisons d’inspiration balnéaires sur Toulouse, qui ressemblent en tout point à ce qui deviendra le néo-basque, sauf qu’elles sont toutes de brique.


Un gran de sau ?

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