Dans le recueil d’articles taurins du regretté journaliste et écrivain gascon Jean Lacouture s’étalant de 1965 à 1976 (« Signes du Taureau », Julliard 1978), je note ce paragraphe consacré à la ville taurine qu’est Dax :
« Voila une ville joviale, ouverte, où les hommes sont gais et les femmes belles, une ville où les curistes eux-mêmes ôtent tâter du confit d’oie, une ville où règnent le rugby et les taureaux et où le chant collectif a pris les proportions d’un rite, une ville en somme qui préfère prendre les choses au tragique plutôt qu’au sérieux. Une cité méridionale allégée de la gravité basque et du pathétique languedocien, où tous les ans, en août, la feria fait exploser, sans frénésie déclamatoire, les règles et les interdits. Au surpus, ville « moyenne » comme on dit maintenant dans les ministères, c’est-à-dire promise au développement et préservée du gigantisme. Qui dit mieux ? »
Derrière ces phrases si bien ciselées comme Lacouture savait admirablement les produire (ce recueil, épuisé et en attente de ré-édition est un vrai bonheur de lecture), notre gascon, biographe de Montaigne entre autres*, avait repéré des traits de notre identité gasconne, au-delà sans doute de celle de la cité thermale, des traits dont certains se sont un peu altérés depuis les fêtes auxquels il assistait alors (28 août 1976) :
On ne produit plus guère de confit d’oie dans le coin, maintenant voué au seul canard - quand les épidémies de grippe aviaire n’inspirent pas aux autorités sanitaires une mise à mort généralisée de toutes nos volailles en attendant le découragement de tous nos petits producteurs - .
La perception des villes moyennes, dans les ministères ou ailleurs, n’est plus aussi optimiste qu’avant dans la France des Gilets Jaunes de 2019 et Dax elle-même, à l’image de son immortel club de rugby, a connu depuis lors bien des hauts et des bas ; mais enfin la ville survit, peut-être un peu mieux que cela et un peu mieux que d’autres ,en Gascogne et ailleurs.
Reste à savoir si nos villes gasconnes sont bien dégagées de la gravité basque et du pathétique languedocien. Vaste sujet !
* « Montaigne à cheval », petit ouvrage moins connu que les trois volumes de son « De Gaulle »