Bayoune o Baiona : es ua villa gascona, no basca ! gaifier@free.fr [Forum Yahoo GVasconha-doman 2003-11-07 n° 1250]

Adiu a tots,

Comme vous l'aurez tous deviné après une longue réflexion d'un quart de
seconde, il s'agit de moi qui a écrit directement et personnellement à notre
intéressant ami navarrais. Je le remercie chaleureusement de sa discrétion qui
est tout à son honneur...

En effet, je soulève un autre lièvre, qui celui-ci, ne nous fâche pas avec nos
voisins languedociens, mais avec nos voisins (et "cousins" ou "frères")
basques.

Il s'agit bien évidemment du cas Bayonne (prononcer "Bayoune" en gascon
(graphie phébusienne dite "moderne"), écrit en graphie médiévale soit-
disante "classique" sous la forme Baiona ; c'est cette dernière forme que les
Basques ont adopté pour désigner cette ville.

"Mugarza" nous indique que sur la carte du prince Bonaparte (vers 1860,
d'après mes souvenirs et la copie de la carte en couleur que j'ai acheté dans
une librairie de Saint-Sébastien et que je possède, chez moi, à Bordeaux)
Pampelune est à l'égal de Bayonne en dehors de la zone bascophone.
C'est quelque peu un racourci : la langue basque venait tout juste de
s'éteindre à Pampelune et dans sa région (environ trente ans avant la
conception de cette carte) et la carte le mentionne avec une couleur fade,
beaucoup plus atténuée que pour les zones où le basque était toujours vivant.

Les Bayonnais pour leur immense majorité n'ont jamais parlé basque, mais
seulement gascon comme la toponymie, le nom des rues, des maisons et des lieux-
dits l'indique. Les nationalistes basques "français" avaient seulement besoin
intensément d'une véritable capitale économico-politique qui agisse comme un
pôle de regroupement pour les trois divers Pays Basques (au pluriel) que
constituaient

1- le Labourd (capitale historique de 1177 à 1790 : Ustaritz et non pas
Bayonne. Après leur expulsion de Bayonne par le duc d'Aquitaine Richard Coeur
de Lion en 1177, les vicomtes du Labourd installèrent leur principale
résidence à Ustaritz et par conséquent c'est dans cette petite ville que ce
réunissait le Biltzar, c'est-à-dire l'assemblée représentant les habitants du
Labourd jusqu'en 1790. Uni depuis le début du XIIIe siècle au duché
d'Aquitaine anglo-gascon, le Labourd a été conquis par les Français en 1451,
tout comme Bayonne.

2 La Soule, petite région pyrénéenne qui était une vicomté et dont la capitale
est la petite ville de Mauléon. Unie longtemps à au duché d'Aquitaine anglo-
gascon, elle a été conquise par les Français dans les années 1440.

3 La Basse-Navarre, longtemps appelée (avant la conquête de 85% du royaume de
Navarre par les Espagnols en 1512)Ultra-Puertos (Outre-Ports, c'est-à-dire,les
terres navaraises situées au-delà (au Nord) des passages(ports) des Pyrénées).
C'est la
seule partie du royaume de Navarre qui est resté possession de ces légitimes
souverains, également seigneurs de Béarn. Par l'arrivée du roi de Navarre-
prince de Béarn Henri IV sur le trône de France, elle fut réunie à terme au
royaume de France (en 1620, comme la principauté de Béarn). Ses
deux "capitales" sont : d'abord et surtout Saint-Jean-Pied-de Port et quelque
peu Saint-Palais.


En bref, aucune des véritables capitales historiques de ces pays basques
devenus politiquement "français" au XVe siècle pour deux d'entre-eux (Labourd
et Soule) et au début du XVIIe siècle pour un (la Basse-Navarre)n'avait le
profil pour être la capitale d'un Pays Basque uni "français" ou "du Nord"
(selon les points de vue...). La seule vraie "capitale" économique (pour les
trois pays) et influente au niveau politique pour deux de ces pays (le Labourd
et la Soule)était et est évidemment Bayonne.

Mais si l'on ne retient que le critère d'influence économique, Bayonne était
et est toujours aussi la "capitale" d'une grande partie sud des Landes, du
bassin de l'Adour et du Béarn. Si l'on ajoute le critère historico-politique,
Bayonne dominait beaucoup plus politiquement (de façon stricte) le sud des
Landes que le turbulent voisin labourdin avec qui elle était constamment en
conflits pour diverses raisons.

Il est évident que Bayonne a parlé massivement "basque" comme toute la
Gascogne, a une époque plus ou moins lointaine. Mais, outre que la ville
n'apparaît que très tardivement dans les textes médiévaux, nous ne savons pas
vraiment (pas plus que pour le reste de la Gascogne)quand est apparu le gascon
(langue latine avec des traces d'influence basque) et quand il a éliminé
totalement l'usage du basque dans les diverses régions gasconnes.

Certes Bayonne a été "vasconne" (quand les Basques et les Gascons étaient
indistinguables au Haut Moyen Age, car ils étaient confondus sous le même
terme latin de "Vascones")a un moment ou à un autre. Mais, il faut prendre en
compte que deux peuples, certes voisins et apparentés, mais clairement
distincts, apparaissent nettement dans nos textes dès le XIe siècle.
Que Bayonne fut la "capitale", c'est-à-dire la résidence principale des
vicomtes de Labourd avant 1177 est un fait historique indéniable. Mais il ne
faut pas oublier que depuis cette date, de l'eau a coulé sous les ponts de
Bayonne...

Avec l'organisation d'une commune de type "Etablissements de Rouen" au début
du XIIIe siècle, les Bayonnais ont toujours tenus à ne jamais être confondus
avec les Labourdins (et vice-et-versa).

Vu la proximité géographique avec les pays de langue basques, il est évident
que ce pôle majeur économique qu'était Bayonne attirait des travailleurs
basques de langue basque. Cela explique qu'il y a toujours eut une minorité
(et jamais une majorité)de bascophones à Bayonne qui d'ailleurs n'eut jamais
aucun problème de relations avec les Gascons de Bayonne, mais qui devaient
pour pouvoir se
faire comprendre, devait savoir plus ou moins le gascon. Pendant de très
nombreux
siècles (et pas comme maintenant) le basque n'était pas du tout prestigieux et
n'atait pas du tout
utilisé par les personnes "éduqués" et dans les documents officiels (même du
Labourd ou de la Soule). Les seuls languages utilisés pour tous les actes
étaient le gascon ou/et le latin.

Beaucoup de nationalistes basques arguent que le "peuple" bayonnais parlait
basque pendant que les élites avaient "renié" leur culture d'origine au
profit du gascon, comme des Basques de "Castille" ou de Navarre l'auraient
fait au profit d'une langue romane ibérique.

Mais comment expliquer que la toponymie interne de Bayonne ne répercute pas la
présence de ce
peuplement basque massif de Bayonne ainsi que de sa langue ?

Finalement, nos documents en gascon concernant Bayonne ne représentent pas
seulement une "lingua franca ou langue commune" de communication, ultra-
valorisée
par une élite. Non : car comment expliquer que Bayonne parlait, encore au début
du XXe siècle, massivement gascon et ne se voulait pas basque pour un sou ?
(voir l'introduction du "dictionnaire du Gascon maritime et des Pays de
l'Adour" de Pierre Rectoran, édité en 1996 ; ce dico se trouve dans la
salle "régionalisme" de la bibliothèque municipale de Bordeaux-Mériadeck au
rayon "langues régionales"- c'est pour les Gascons dits "Girondins" et pour
ceux qui peuvent y passer...).

Un petit exemple d'histoire (relativement) récente (comparé au Moyen Age) :
En 1788,le sénéchal de Bayonne élabore un projet d'union administrative entre
Bayonne et le Labourd. Aussitôt, les Bayonnais et les Labourdins ont protestés
vivement contre une telle union. Les Labourdins réunis au Biltzar à Ustaritz
écrivèrent "nous ne voulons pas être unis avec les Bayonnais, car ils sont
tout le temps en conflit avec nous" et précisant "de plus, personne ne parle
le basque à Bayonne". On ne peut être plus clair au point de vue linguistique.

Au point de vue politique, rien ne justifie que Bayonne soit la capitale d'un
Pays Basque "français" ou "du Nord". Cette idée a été peu à peu imposée, avec
le succès que l'on sait, au cours du XXe siècle. Des entrepreneurs et des
hommes influents bayonnais se sont ralliés à l'image d'un Bayonne basque dans
les années 30 pour développer une image de marque touristique quelque peu
exotique et une identité plus tranchée et plus claire que l'identité gasconne
assez confuse et faible (ou affaiblie) de l'époque (et d'aujourd'hui, hélas).

C'est, ce que l'on appellerait aujourd'hui, un plan média-marketing qui a
super-fonctionné, mais,qui comme l'Occitanie (un plan qui n'a pas pris...), il
n'est basé que sur du sable...

Maintenant, Bayonne est considéré presque par tout le monde comme la ville
basque par essence et par définition : ses maisons sont basques, sa cuisine
l'est, son histoire aussi, etc...

On assiste impuissants et, trop souvent, inconscients et naïfs, à l'effacement
progressif de tout signe montrant que Bayonne fut (ou est encore) une ville
gasconne. Que ce soit le fait de Basques (nationalistes ou non), de Gascons
ignares, crédules, opportunistes ou bien en mal d'identité (il serait temps de
leur en fournir une bonne et cette fois GASCONNE) ou encore de "Parisiens" et
autres "étrangers"
friants d'exotisme à deux sous, Bayonne accumule peu à peu sur elle les
symboles et les fantasmes de beaucoup qui la considèrent de fait comme la
capitale évidente du (seul)Pays Basque "français" ou du "Nord" (ils oublient
le Sud des Landes, évidemment...) et la future capitale départementale d'un
département Pays Basque.

Pour le commun de mortels, affirmer de nos jours que
Bayonne est une ville gasconne et non basque tient de l'affabulation, voire
peut-être de l'aliénation mentale. "Voyons ! Tout le monde sait très bien que
Bayonne est basque !". Mais, les évidences ne sont souvent que les points de
vue conscensuels et passagés d'une époque...

Evidemment, il existe des associations qui maintiennent quelque peu
symboliquement une présence gasconne dans le triangle Bayonne-Biarritz-Anglet.
Il s'agit, bien entendu, de Aci Gasconha et de l'académie gascoue. Mais, ces
associations sont loins d'avoir le poids politico-médiatiques, idéologiques et
financiers des nationalistes et autres autonomistes basques. On peut donc
s'affirmer gascon à Bayonne sans trop de problèmes car presque personne n'est
à l'écoute et les Basques ne sont donc pas gênés dans leurs actions et leur
revendications.Peu leur chaud que quelques plaques touristiques comprennent
une traduction en gascon (graphie moderne, je précise)ou que quelque panneau
de circulation soit trilingue français-basque-gascon.

En revanche, l'on peut s'attendre à une toute autre réaction si des Gascons
(ou un mouvement gascon)affirment haut et forts et clairement (avec les médias
en appui) que Bayonne a toujours été gasconne et pas basque. Là commenceront
inévitablement, je le crains, les menaces, les intimidations de la part des
nationalistes basques radicaux et peut-être même de la part de l'ETA. Que
Bayonne est une ville qui a toujours été basque et qu'elle soit la capitale
évidente et naturelle du Pays Basque Nord est un dogme qu'ils sont de nos
jours incapables d'abandonner ou même de modérer...

Les Gascons de tout bord le savent, le sentent bien et ne veulent pas,
logiquement, trop risquer leurs peaux et leurs biens pour les beaux yeux d'un
régionalisme gascon ou occitan quasi-absent ou trop faible face au compresseur
basque. Certains se rallient sans êtat d'âme au nationalisme basque ou, au
moins, à un certain basquisme plus "modéré" (type revendication réellement
limité à la création d'un département Pays Basque avec Bayonne comme chef-
lieu), d'autres (beaucoup) optent pour la neutralité pour éviter les
emm...,d'autres affirment aussi pour éviter les emm... que Bayonne est autant
gasconne que basque (ou de l'art de ménager la chêvre et le choux...), enfin
d'autres gascons se défendent en adhérant au nationalisme français "jacobin",
seul rempart, d'après-eux, contre l'influence et la dynamique du nationalisme
basque...

Enfin, je finis avec un petit témoignage du Moyen Age qui confirme que les
Bayonnais parlaient gascon, qu'ils se sentaient gascons et qu'on les
considéraient comme des Gascons :

Il s'agit d'une lettre rédigée en latin par le roi d'Angleterre-duc
d'Aquitaine Henri III et destinée aux conseillers municipaux (échevins) de
Bayonne en 1254. Il nomme dans cette lettre, le nouveau maire (non-designé par
les Bayonnais pour éviter les "guerres civiles" entre clans familiaux
bayonnais, mais nommé directement par le roi-duc) qu'il a décidé de nommer
pour diriger Bayonne avec eux.

Il s'agit d'un Gascon originaire du Bordelais nommé Johan de Podensac
(Podensac : village situé à 40-45 km de Bordeaux). Il précise dans cette lettre
que les échevins bayonnais apprécieront probablement ce nouveau maire "car il
est de la même langue que vous" (traduction littérale). Parlait-on basque dans
le Bordelais à cette époque ?

Bien sûr que non. On y parlait gascon. C'est clair, non ?

(référence : publié dans Champollion-Figeac, Correspondance des rois, reines,
etc..., tome I, comme je n'ai pas le livre, ni les photocopies sous les yeux
je le cite de mémoire et je ne peux dire ici la page),


Per Bayoune, lou secound cap de la Gascougne de lous reyes de Inglaterre e del
dugat de Guyane,

Guillem Pépin

Grans de sau

  • Adishatz !

    "Inde circa Portus Cisereos habetur tellus Basclorum, habens urbem
    Baionam in maritima VIIm trionem. Hec terra lingua barbara habetur,
    nemorosa, montuosa, pane et vino omnibusque corporalibus alimentis
    desolata, excepto quia malis et sicera et lacte est consolata"

    Aimery Picaud (XIIème siècle).

    Amistats,

    Juankar López-Mugartza

    ======================

    Vous pouvez trouvez le texte integre, in :

    Jeanne VIELLIARD
    Le Guide du pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle, texte latin
    édité et traduit en français d'après les manuscrites de Compostelle
    et de Ripoll, Macon 1938

    W. Muir Whitehill (et Resurrección María de Azkue)
    Liber Sancti Iacobi. Codex Calixtinus, Santiago de Compostela, 1944

    Vide, Louis DOLLO
    <http://www.pyrenees-pireneus.com/guide_du_pelerin.htm> : "Ce guide en
    latin est sans doute l'¦uvre d'Aimery PICAUD, un français du XIIème
    siècle. Il décrit l'itinéraire qu'il a parcouru jusqu'à Compostelle
    en donnant des indications intéressantes sur les monuments, reliques
    à vénérer, les populations rencontrées et à comprendre et des
    conseils pratiques sur l'itinéraire à suivre. D'étape en étape il
    nous conduit le long de son pèlerinage passionnant".

    Le Guide du pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle,
    Auteurs : Aimery PICAUD traduit du latin et annoté par Jeanne VIELLIARD

Un gran de sau ?

(connexion facultative)

  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Ajouter un document

Dans la même rubrique :


 

Sommaire Noms & Lòcs