Adixat moundë,
Guilhem a été bien inspiré de nous chercher sur le web les avis ou
intentions d'un certain nombre de candidats à la Présidence de la République
sur une éventuelle ratification de la Charte européenne des langues
régionales ou minoritaires.
Et il a rappelé fort opportunément que « quelques députés (surtout bretons)
UMP et PS soutiennent ça et là la ratification, mais ils ne peuvent pas
faire grand chose sans le soutien de l'exécutif... ».
Il y a de toutes façons l'obstacle constitutionnel, et je ne pense pas qu'on
arrive jamais à trouver la majorité nécessaire pour que la Constitution
admette l'usage public de langues autres que le français. Les interventions
dans ce sens de certains élus ne doivent pas faire illusion, pas plus aux
électeurs qu'ils n'en ont eux-mêmes : ce n'est que flatterie d'un électorat
local dont ils ont besoin pour être réélus.
Car dans son message d'hier dimanche, Miquèu Enri Poey en donne l'excellente
raison que voici : « J¹ai bien peur que le débat sur les langues régionales
devienne de plus en plus pollué par celui des langues des minorités
d¹origine étrangère en France. » Voici pour développer son point de vue ce
que j'ai écrit dans le petit livre Langues d'oc, Langues de France, qu'on
doit trouver pour 9,95 euros dans les bonnes librairies de Gascogne et même
d'ailleurs ; j'y rapporte le débat qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale,
lors de la 2ème séance du mercredi 26 janvier 2005 ; après les interventions
favorables de F. Bayrou et Marylise Lebranchu, je poursuis :
Mais il faut aussi mentionner les réserves de M. Jacques Brunhes (PC),
réserves qui ne se comprennent bien que lorsqu¹on sait qu¹en vue de la
ratification de la Charte, le Pr. B. Cerquiglini a compté l¹arabe dialectal
et le berbère parmi les langues de France :
« Le groupe communiste a toujours défendu les langues régionales ; nous avons
déposé depuis plus de vingt ans de nombreuses propositions de lois pour les
défendre, car nous pensons qu¹elles doivent être respectées. En revanche,
nous avons toujours eu une hésitation au sujet de la charte, car c¹est une
charte des langues régionales « et minoritaires ». Il faut bien voir ce que
signifierait dans notre pays, et particulièrement dans nos banlieues,
l¹adoption de certains articles de la Charte, et quelles conséquences
s¹ensuivraient si le français n¹était plus la langue commune pour la justice
et l¹éducation. »
A fortiori, ceux qui n¹ont pas une langue régionale en héritage culturel ont
été surtout sensibles aux menaces qu¹un détournement de la Charte pourrait
faire peser sur l¹unité de la République.
Ainsi M. Pascal Clément, président et rapporteur de la commission des lois ;
après avoir rappelé que le Conseil constitutionnel a déclaré
inconstitutionnel l¹usage d¹une langue régionale dans la vie publique :
« Šun tel droit serait contraire aux principes d’indivisibilité de la
République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français, dans la
mesure où il reviendrait à conférer des droits spécifiques à certains
groupes linguistiques à l’intérieur du territoire. C’est là le point du
débat : les quatre cinquièmes de la charte sont déjà appliqués, mais
reconnaître des droits particuliers à certains groupes reviendrait à
accepter que de pseudo pays se constituent à l’intérieur de nos
frontières. »
Au nom du gouvernement, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de
la justice allait rappeler à son tour que » La Constitution autorise la
reconnaissance culturelle des langues régionales [Š], permet parfaitement
l’expression culturelle à travers la pratique des langues régionales [et que
l’avis du Conseil Constitutionnel] reconnaît même la possibilité, pour la
puissance publique, de favoriser l’enseignement de ces langues à condition
toutefois que celui-ci demeure facultatif. » Et de conclure au statu quo
constitutionnel.
De fait, le vote des députés rejeta les amendements proposés.
Fin de citation.
Du reste, l’autorisation de l’emploi public des langues autres que le
français serait un cadeau empoisonné pour nos langues, car cela montrerait
au grand jour qu’à part quelques militants, qui d’ailleurs parlent une
langue souvent éloignée de celle des locuteurs naturels, personne ne ferait
usage de ce droit... sauf les immigrés des banlieues sensibles. Vous
imaginez ce que serait la double signalétique en français et arabe des
bureaux des mairies, commissariats ou palais de justice ? Et cela produirait
une réaction de rejet de la part de la plupart de nos concitoyens, dont les
huées du Zénith de Pau ont pu donner une idée quand le 26 septembre 1997
Jean-Paul Latrubesse s’adressa en béarnais à André Labarrère et François
Bayrou, et refusa de traduire.
Et ma philosophie est de ne pas se battre pour des chimères, mais pour ce
qui est raisonnablement possible ; le droit français permet beaucoup, mais il
faut une demande forte, et celle-ci ne sera possible que si beaucoup de nos
concitoyens Gascons et Béarnais s’associent aux militants ; or comme on
n’attire pas les mouches avec du vinaigre, cela suppose de la part des
militants beaucoup de gentillesse et de saine gaité gasconne, plutôt que des
slogans agressifs, comme Hartère ou Anaram au patac.
Hèt beroy.
J.L.
Langues historiques de Fance et autres lafitte.yan [Forum Yahoo GVasconha-doman 2007-03-12 n° 8033]