Élites et langues lafitte.yan [Forum Yahoo GVasconha-doman 2008-06-01 n° 8814]

- Jean Lafitte

Adixat moundë,

Je viens de lire avec beaucoup d'intérêt le message de Vincent Poudampa sur
les Basques et celui de Daniel Séré qui l'approuve sans réserves.

Je suis aussi d'accord sur l'importance des modes de production économique
pour le maintien ou la disparition des sociétés traditionnlelles et de leurs
langues.

Sans le contredire, j'ajoute le rôle des élites, dont l'influence n'est pas
seulement fondée sur l'économie. Voici ce que je viens d'écrire à
l'intention de quelques amis qui militent pour la langue béarnaise et
gasconne :

...ce que je sais de l'histoire des langues montre que ce sont les élites
qui les ont toujours fait triompher ou laissé disparaitre :
­ les élites juives déportées à Babylone au VIe s. avant J.-C. y ont appris
l'araméen local, langue d'une grande civilisation, et l'ont ramené avec
elles quand le Perse Cyrus, vainqueur de Babylone, leur eut permis de
rentrer en terre de Juda ; désormais, l'hébreu ancestral ne fut plus qu'une
langue liturgique ;
­ quand les élites franques eurent supplanté Rome à la tête de la Gaule
romanisée du Ve s. de notre ère, elles apprirent le latin des Gaulois, dans
lequel s'exprimaient et écrivaient les élites gallo-romaines ; elles
abandonnèrent donc leur francique dont il ne demeure que des vestiges en
Moselle et en Luxembourg ;
­ au Moyen Âge, les élites basques des villes et bourgs du nord des Pyrénées
adoptèrent le gascon, langue prestigieuse à leur yeux, pour s’administrer et
communiquer avec le reste du monde romanisé ; [c’est l’universitaire basque
Joaquin Gorrochategui qui l’a écrit]
­ et au XIVe s., notre Gaston Fébus qui parlait gascon avec ses sujets ‹ le
nom de béarnais n’apparaitrait que 200 ans plus tard ‹ parlait aussi
français et c’est dans cette langue qu’il écrivit son célèbre Livre de la
chasse. Et coeteraŠ
Chez nous, ce sont les élites qui ont adopté le français, langue de
prestige, et ceux qui voulurent s’élever dans la hiérarchie sociale ont
suivi. Rappelons-nous la chanson de De Mesplès, écrite vers 1760, où la
bergère vante son berger amoureux » qui sap plân parla lou francés ».
Plus près de nous, ce sont des capulats qui ont fondé l’Escole Gastoû Febus
en 1896 ; le député d’Orthez Adrien Planté en fut le premier président. Et ce
sont des enseignants, donc des gens plus instruits que la moyenne, qui ont
implanté l’occitanisme en Béarn et Gascogne vers 1960, car
l’électro-encéphalogramme de l’Escole Gastoû Febus était de plus en plus
plat...

Pourtat-ve plân.

J.L.

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