Coche raté Jean Lafitte [Forum Yahoo GVasconha-doman 2010-06-06 n° 9904]

- Jean Lafitte

Bonjour à tous,

Je trouve excellentes les contributions récentes de MM. Ramond, Poudampa et Pépin.

Je n'ai guère le temps d'en rajouter, sauf à vous donner ce que je viens d'écrire sur Lespy en vue d'une nouvelle mouture du livre que G. Pépin et moi-même avons publié l'an dernier chez Princi negue / Pyrémonde, « La “Langue d'Oc” ou leS langueS d'oc ? »

En 1858, le Béarnais Vastin Lespy (1817-1897) publie la première Grammaire béarnaise. Il cite Honnorat [premier appliquer « langue d'oc » aux parlers modernes] trois fois (pp. 8, 42 et 60), mais n’use jamais de notre expression [langue d'oc] ; il s’en tient à l’antique « langue romane » de Raynouard, dont le béarnais est « un des plus purs dialectes » (p. I-VIII) ; mais quand, pp. 107 sqq., il veut comparer le béarnais aux « autres dialectes de la langue romane », il finit par les nommer « langues » ;
et ce sont, sur un même plan, la « langue des troubadours », l’italien, le portugais, l’espagnol, le provençal (de Roumanille), le « dialecte de Montpellier » (Peirottes), le languedocien (Goudelin), et le « gascon d’Agen » (Jasmin). Et il ne manque pas d’évoquer le temps où « le béarnais était une langue nationale dans le Pays Souverain de Béarn » (p. I-XVIII).

Cependant, en première page de l’Introduction de la 2de édition de cette Grammaire (1880), Lespy écrira incidemment du béarnais : « notre dialecte de la langue d’oc » ; et en plusieurs passages, il montrera qu’il a admis l’existence de cette langue et de ses « dialectes ». Il ira plus loin encore avec son Dictionnaire béarnais (1887), p. XI : il admettra que le béarnais est un sous-dialecte du gascon, lui-même dialecte de la langue d’oc.
L’intégration au gascon, il l’aura puisée dans les ouvrages de Luchaire de 1879-1880 qu’il cite, mais n’en aura donc pas retenu que le gascon doit être considéré comme distinct du « provençal », entendu au sens de « langue d’oc ».

J'ajoute trois remarques :

– dès le milieu du XIXe s. on avait abandonné l'hypothèse d'une « langue romane » lancée par Raynouard dans les années 1820, langue issue d'une « corruption » du latin et qui aurait été la mère de toutes les langues « romane » ou « néo-latines ». Mais je me demande si elle était autre chose que le « latin parlé tardif » dont parlent aujourd'hui les spécialistes et qui a récédé les diverses langues romanes, nées le jour où l'on a pris conscience de leur distance au latin classique.

– Lespy fut mû par un incontestable patriotisme béarnais, favorisé par la publication des anciens fors en 1840. Mais on avait perdu depuis longtemps sans doute la conscience d'un domaine linguistique gascon entre Garonne et Pyrénées (et Océan), telle que l'affichait Pèy de Garros en tête de ses Poesias gasconas de 1567. Mais si Lespy connaissait le gascon de Bayonne, on voit qu'il considérait comme gascon la langue de Jasmin, qui était du languedocien de l'Agenais : il faudrait attendre 1879 pour que Luchaire [surtout connu comme historien médiéviste] caractérise définitivement le gascon.

– Lespy travaillait seul, et le Félibrige béarnais-gascon créé à partir de 1896 serait peu propice aux études qui ouvrent les fenêtres… Ce qui n'a pas empêché Palay de faire sa 2nde éd. du Dic. pour tout l'ensemble aquitain.

Mais comme le regrette M. Poudampa, l'IBG ne se presse pas de s'ouvrir à la Gascogne, fût-ce à Bayonne et à Tarbes, reproduisant les courtes-vues de l'occitanisme orthézien… Mais comment se faire entendre, quand on est vieux et « parisien » ?

En tout cas, je soutiendrai tout ce que les amis lucides de Gasconha-doman pourront faire pour pousser cet Institut à justifier le « et gascon » de son nom !

Cordialement à tous,

J.L.

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