Lingua occitana, occica, oc(c)ana Jean Lafitte [Forum Yahoo GVasconha-doman 2010-12-16 n° 10271]

- Jean Lafitte

Bonjour,

M. Jean-François Blanc écrit : « je parle du territoire (de la
patria linguae occanae comme l'écrit un archevêque de Toulouse au XVe siècle). »

Voici quelques précisions avec les dates de première apparition
de diverses formes, selon les recherches de Guilhem Pépin et de moi-même :

Voici la citation complète : « Et inter alia singularia [Francia] habet duo specialia ydiomata sive duas linguas, gallicanam scilicet et occanam, quarum una de "oy", alia de "oc" est vulgariter dicta. Sunt hec dua patrie que tamen in se habent unam Ecclesiam gallicanam et sunt sub uno ceptro christianissimi Francie regis. » (Et entre autres singularités, [la France] a deux idiomes ou langues distinctes, "gallicane" [ou française] et "occane", d'ont l'une est appelée d'oy en langue vulgaire et l'autre d'oc. Elles forment deux "patries" [territoires ; voir plus loin] qui n'ont cependant qu'une seule Église "gallicane" est sont sous un seul sceptre du roi de France très chrétien.)

Cet archevêque est Bernard de Rosier (1400-1475) qui fut d'abord conseiller de Charles VII ; on en saura davantage aux liens suivants :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jds_0021-8103_1990_num_3_1_1540
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1992_num_150_2_450657

J'en tire ceci : accédant à l'épiscopat en 1448 comme évêque de Bazas, il fut nommé archevêque de Toulouse en 1452. Il avait publié auparavant, en 1450, un
traité politique de  Miranda de laudi­bus Francie et de
ipsius regimine regni
(Merveilles à la louange de la France et du gouvernement de son royaume). C'est là qu'il emploie la forme occana, apparue plus d'un siècle plus tôt.

Voici un extrait de la chronologie que j'ai réunie au fil de nos
études :

14 aout 1302Lingua Occitana, latin, désigne des territoires de langue d’oc dans la convocation par Gilles, archevêque de Narbonne, d’un concile à Nîmes, au sujet du différend du pape Boniface VIII avec le roi Philippe le Bel – territoire (HGL, t. X, col. 399).

Après 1337Lingua Occica, latin, désignant le territoire de Langue d’oc, comme région d’origine d’un noble décapité pour trahison, puis de barons ayant contribué à la prise de villes et châteaux en Gascogne ; ces barons sont présentés comme distincts des Toulou­sains :
« baronibus de Lingua Occica ac Tholosanis » (« Continuatio » de la Chronique latine de Guillaume de Nangis, Géraud (H.) éd., t. II, Paris, 1843, p. 158).

26 aout 1344lingua ocana, latin, avec une
acception nettement linguistique, dans une lettre du pape Clément VI ; le pape enjoint au chancelier de l’Église de Paris de conférer le grade de maître, avec licence d’enseigner, à Peyre de Paternas [de Pernes, Vaucluse], s’il en est jugé digne par les Maîtres de la Faculté de théologie, « cum
comitatus et Ordo predicti nullum magistrum habeant de lingua Ocana
[…], qui in aliquo studio legere possit », car le Comtat [Venaissin] et l’Ordre récités [des Frères Ermites de saint Augustin] n’ont aucun maître de langue d’Oc […] capable d’enseigner en un studium » (Chartularium Universitatis parisiensis, Cartulaire de Université de Paris, Denifle (H.) et Chatelain (É.) éd., Paris, 1891, p. 552).

1er décembre 1359 partes Occitanie, latin, dans la titulature de Jean, comte de Poitiers, fils du roi Jean le Bon et son lieutenant in partibus Occitanie & Alvernie, dans les régions de Langue d’oc et d’Auvergne (HGL, t. X, col. 1176).
Cette expression se retrouve dans un acte de 1366 (Histoire générale de Languedoc, éd. Privat, t. IV-2, p. 858, note 2), un autre de 1413 (t. X, col. 1972) et, en variante patria Occitanie dans un quatrième, de 1443 (ib. col. 2208). C’est tout, et on n’a pas trouvé Occitania seul. Quant au patria de 1443, c’est le roi Charles VII qui en use, et non un quelconque habitant des pays d’oc. Ce serait donc un grave contre-sens de traduire patria par « patrie » avec le sens qu’a aujourd’hui ce mot ; tout le contexte montre qu’il ne veut rien dire d’autre que « pays, territoire, région », sans qualification juridique particu­lière, contrairement à ducatus, duché, ou comitatus, comté.

Plân couraumén,

J.L.

Un gran de sau ?

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