Gohar Des hypothèses étymologiques noyées d’incertitudes…

- VERDIER Gilles

A Saint Sever de Rustan (65), le verbe gascon « gohar » veut dire « mouiller, tremper ».
On dira donc :
Aqueth mainat, qu’ei tot gohat, que va gahar un raumàs…
Lo maitin plan de bona òra, lo hen qu’ei gohat. Que’u cau deishar secar.

1. « Gohar » (Bigorre plaine et coteaux, nord du Gers, Barousse, Sud Comminges) ou « gohir » (Montagnes de Bigorre) a donc un premier sens de « mouiller », « tremper dans l’eau » et même « humecter »..
On a donc :
Que’t vas gohar. Tu vas te tremper
Que’t vas gohir. Idem.
Gohadàs (adj) : tout trempe.
Ua gohidura (Lavedan) : une mouillure.
Ua gohina : pluie fine ; pain trempé dans du vin (Armagnac).
Ua gohatèra : un temps humide et pluvieux.
Gohader (adj) : qui mouille.
Ua gohada : une trempée.
Un gohadís : quelque chose ou un endroit gorgé d’eau.
Gohatiu/va (adj. Bigorre, vallée de l’Arros). Humide en parlant d’un terrain.
Hèr gohar / gohir (Gers, Bigorre, Comminges) : faire tremper dans l’eau.
Eth gòhi (Lavedan). La trempe. Botar ath gòhi = mettre le linge à tremper.
Gohar (Val d’Aran). Tremper le linge : Hè les a gohar = fais les tremper. C’est le seul emploi de ce verbe dans la vallée.

2. A cette première idée de « mouillé » par l’eau, un liquide, vient s’ajouter l’idée de « trempé de sueur par forte chaleur »
Gohar  : que hè un temps de qui gòha (un temps chaud qui fait suer).
Gohit : en sueur à cause de la chaleur.
Ua gohada / gohida / un gohatòri : une trempée de sueur.

3. De là le glissement vers le sens de « temps lourd et chaud ». Ce sens est utilisé dans l’ouest de la Gascogne ; en Bigorre, on utilise exclusivement le mot « un caumàs » pour désigner ces chaleurs étouffantes.
Pour dire qu’il fait une forte chaleur, on a donc de la Bigorre aux Landes :
Que hè caumàs (Bigorre)
Que hè gaumàs (Rivière-Basse, Béarn)
Que hè gohassa / goha (Béarn, Chalosse, Landes)
Que hè gòha (Landes)
On a donc dans la même famille :
Lo temps qu’ei gohós, gohut, gohirut (Landes)
La gohor / goha / gohan / la gòha (Landes). La gòha, arron la pluja, qu’aprofita aus ceps (Le gohe, arroun le pluye, qu’aproufite aus sets - dans le dictionnaire gascon landais de M. Meaule).

4. Dans les Landes, nous avons aussi pour ce terme le sens de fermenter, lever pour une pâte. Il s’agit bien d’une action liant chaleur et humidité.
Gohir (Landes). Lo pastís que gohis a la calor (Lou pastis que gouhis à le calou -dans le dictionnaire gascon landais de M. Meaule).
Gohit/da (Landes) : fermentée, levée pour une pâte. Ua pasta plan gohida.

Etymologie.

L’étymologie de « caumàs » est bien connue : latin cauma-atis (forte chaleur) qui va donner en français « calmer » et « chômer », en occitan languedocien « cauma » = chaleur étouffante, repos du troupeau aux heures chaudes et aussi …grève et en gascon « caumàs » (cauma + augm.-às). On voit bien l’idée que le repos est indispensable durant les grandes chaleurs.

Par contre l’étymologie de « gohar » reste pleine d’incertitudes..!
Ce qui peut être avancé, c’est que gohar/gohir est l’aboutissement phonétique normal en gascon (F>H) d’un ancien *gofar que l’on retrouve en partie en occitan languedocien :
Gòf / gòfi (adj). Trempé, mouillé, raide (étoffe).
Seul à avoir étudié l’étymologie de « gohar », Joan Coromines (Estudis lexicals sobre en gascó) propose deux pistes étymologiques :
• La première, c’est le mot «  golfe » qui en ancien occitan signifie « un gouffre ». Le cheminement sémantique « gouffre », « trou d’eau », « tremper », « mouiller  » est avancé…mais j’avoue que cette hypothèse me semble osée…
• La deuxième, c’est le mot italien « goffo » signifiant maladroit, grossier… Il vient du latin tardif « goffus /guffus » = maladroit. “gohar” serait une création expressive parallèle de ce mot. On passerait donc de “maladroit” à l’idée de “temps chaud et humide” (qui peut rendre lourd et maladroit). Puis le "chaud et humide" glisse vers le "mouillé, le trempé"… C’est l’hypothèse retenue par Joan Coromines…. On aurait donc le glissement : maladroit > gêné par la chaleur > chaleur humide > mouillé. Cette étymologie est elle aussi très hypothétique… Elle me fait penser à une étymologie plus affirmée déjà étudiée sur ce site : celle du mot rustanais « emboturnat » = patraque, venant directement du latin « vulturnus » = vent chaud et humide accablant qui affaiblissait les organismes.