Les terminaisons -òi (-oy)

- Tederic Merger

Reprise d’une page de l’ancien site Arriba Eskerra - Lo Gaskòi.

La question :

Cette terminaison en "-òi", qu’on trouve en basque et en gascon, est-elle une manifestation du substrat commun ?

Une première conclusion :

Il semblerait qu’il n’y a pas à ce sujet de lien évident entre basque et gascon.
Ce "-òi" existerait aussi dans le reste de l’Occitanie et en Catalogne. Il est peut-être d’origine pré-latine.
Mais la recherche continue...
 

Discussion détaillée :

Le "oi" en basque :

Les mots en "-oi" seraient de deux types :

  • - des mots composés avec koi/goi (qui marque un "penchant excessif") ou toi/doi (lieu planté de quelque chose).

  • Ex :
    ardankoi = "porté sur le vin"
    ameztoi = endroit planté de chênes tauzins
    sagardoi = verger de pommiers

  • - des mots empruntés aux langues latines voisines, où ils se terminent par "on" :

  • Ex : neutroi, meloi, baroi, tapoi, baskoi, baloi viennent de neutron, melon, baron, tampon, vascon, ballon...
    La terminaison "on" serait remplacée en basque par "oi".

Le "òi" en gascon, occitan ou catalan :

Les mots en "-òi" ont souvent, selon Dubedoth, une connotation péjorative.

Endeu Pèir Morà, lo sufixe "-òi" que crea diminutius "qu’an un sens afectuós per la gent".
Endeu lingüista Rohlfs, aqueste sufixe es hòrt corrent en catalan (alegroy, bonicoy, petitoy...). "L’origine n’en est pas encore éclaircie". "Il exprime la tendresse mêlée de compassion."
Rohlfs balha tanben l’exemple amistòi (aimable, galant).

 

baskoi (1) ez da / n’es pas bascòi (2)
(1)"vascon" en basque
(2)"basque" en gascon (familier)

Lo punt de vista de l’universitari Patric Sauzet :

Segon Alibèrt -òi vent de -oticus, coma -ai ven de -aticus dins la varianta -ai de -atge (formai per formatge).
Lo problema es que i a pas de -òtge ben atestat (lo sol mot en -òtge que coneissi es "relòtge" qu’a un -òtge irregularament sortit de "-ogium" e pas de "-oticum").
Per òi tot es donc possible. La preséncia del sufix dins de noms de plantas ("gadòi") o de bèstias ("baudròi") es compatible amb l’ipotèsi d’un sufix prelatin. "-òi" es qualque pauc productiu per donar de noms d’estajants (d’etnics) : agadòi...


Lo punt de vista deu Tederic

Ce suffixe "-òi" qu’on retrouve en Gascogne, en Languedoc et en Catalogne, peut-il avoir une connexion souterraine très ancienne avec la terminaison basque "oi" qui vient du "on" roman ? C’est bien incertain.
Qui sait ?

Le "-òi" gascon-occitan-catalan semble être un suffixe ancien, prélatin, qui a été supplanté par d’autres suffixes (comme "-òt" ou "-et" pour les diminutifs).

Une hypothèse sur le sens péjoratif, dédaigneux, ou au moins familier, de beaucoup de mots en "oi" :
Les langues romanes ont supplanté les parlers anciens grâce au prestige du latin, langue du conquérant. Il serait cohérent que les formes pré-latines, donc dévalorisées, se soient maintenues plus longtemps dans la partie la moins "châtiée" du vocabulaire.*

* de même que le gascon, dévalorisé par rapport au français, s’est maintenu dans des formes populaires comme le bordeluche.

 

Es pas passat a Blancòi !
Formule recueillie par Arnaudin.
Elle vise quelqu’un qui a le teint foncé.
Blancòi est une localité imaginaire où quelqu’un de teint foncé ne pouvait pas être passé.
Il ne faut peut-être pas y voir une plaisanterie à tonalité raciste, mais par contre, c’est un exemple de la vitalité du suffixe "òi".

Exemples de mots ou de noms en "-òi"*

*souvent écrit "oy" en français. "oi" en basque.

en Bascoat / Euskal herrian :

Ua listòta comentada de Martin Bachoc :

Arradoi , montagne
Ardoi : vineux ? (ardo= vin) 
Ametztoi ( maison d’Irissarry)
Amestoy (ametz= chene tauzin)
Sagardoi : pommeraie
Saroi : enclos d’estive (mot très ancien), se dit aussi sarua en Garazi (Cize)
Hardoi : véreux (fruit véreux)
 

En Gasconha :

Une liste commentée de Felip Dubedoth, de Doazit en Chalosse :

Bardòi (nom de maison, Vielle-St-Girons 40)
Berdòi (nom de maison, Maylis 40, "Berdoy") (ou nom de
Famille)
 ;

Betòi (maison du poète Loys Labèque, Léon
40)
Còges (nom du quartier des Cagots, Laurède 40,
"Coyes")
Còi (nom de maison, Doazit 40, "Coy")
Maròi (Maison, Lit-et-Mixe 40, et Aurice 40)
Menjòi (lieu-dit, Saugnac-et-Muret 40) :
Pourquoi pas diminutif du prénom Domenge ?
Tenòi (lieu-dit, Saugnac-et-Muret 40) ;
Cantòi : (lieu-dit, Linxe 40)
calòi : bellâtre (Palay "calòy")
chicòi : diminutif de "chic" : très petit (Palay
"chicòy")
còi, còge : panier (Palay "coy, còyo")
cibòi, liròi : niais (Palay "libòy,
liròy")
cicòi : délicat, difficile pour la nourriture
(Palay "licòy")
lilòi : colifichet (Palay "lilòy")
pelhòi : espèce de limande (Palay "pelhòy")
pilòi, pelòi : miséreux ; avorton
(Palay "pilòy, pelòy")
pingòi : personne grande et maigre.
picòi : cheville du joug (Palay "picòy")
pichòi : tout petit ; niais (Palay "pitchòy")
pishòi : jet d’urine
polòi : dindon, dinde, benêt, vaniteux (Palay "poulòy")
bascòi : basque (péjoratif)
bascòja : panier (Palay "bascoye")
gahòi : Personne désordonnée, malpropre
(Palay "gahòlh")
garibòi : insecte (non identifié, Marensin)
lolòi : benêt (prononcé "lòlòi")
mangòi : maladroit

On trouve aussi à Gradignan, en banlieue bordelaise, la rue
de Catoy
et l’allée de Titoy.

énter País Basco e Gasconha :

Anglòi : habitant d’Anglet

en Occitania, hòra Gasconha : 

Agadòi (habitant d’Agde)
Setòi (habitant de Sète) 
 noms de plantas ("gadòi") o de bèstias ("baudròi")
(Sauzet)
 

en Catalonha : 

alegroy, bonicoy, petitoy (Rohlfs)

 

Le cas "Amestoy"
Le nom de famille "Amestoy" vient-il du gascon "amistòi" (aimable) ou du basque "ametztoi" (lieu planté de chênes tauzins") ?

Grans de sau

  • Le gran de sau que Guilhem avait placé ici, à propos de l’emploi qu’il juge inapproprié de l’expression "Occitanie" a été raccroché au hiu de la rubrique Gasconha e Occitània.

  • Je pense que, dans un souci de simplification et de clarté, il faudrait supprimer tous les toponymes basques qui sont clairement formés du suffixe collectif -toi/-doi de cette page, un lien avec le suffixe gascon -òi semblant peu probable.

    En plus des anglòis à Anglet, signalons les arancòis à Arancou.

    Pour les mots d’origine romane en -on qui sont aujourd’hui passés en basque unifié en -oi (kamioi, meloi, baloi...), leur forme navarro-labourdine était traditionnellement en -oin (kamioin, meloin, baloin...), leur forme souletine étant en -u (kamiu, melu, balu...).

  • Adiu Peio !
    Merci pour tes précisions.
    J’hésite à faire des retouches sur un article qui est très ancien, mais sa lecture attentive doit bien faire comprendre que les -oi basques n’ont rien à voir avec les -òi (oy) occitans (dont gascons) ou catalans.
    Sinon, ce gran de sau y pourvoira !

    De plus, mes recherches dans la toponymie me font constater que les -òi (oy) sont relativement peu présents en Gascogne voisine du Pays basque, et au contraire bien présents côté Guyenne, voire carrément en Guyenne.

    Quant aux noms de famille, je suis étonné qu’ils portent si peu ce suffixe. Cela serait peut-être dû au fait qu’il était vraiment familier, donc pas digne de figurer dans un nom officiel ?

  • Quauquas remarcas e ajots :

     beròi, bròi (tabé en lengadocian : belòi )
     blanshòi (o blanchòi) se disèva en bordalés
     garibòi diu èster lo sinonime de çò qu’apèran en Gironda cascaribòt, escaribòt = hanneton
     galòi : sinonime vasadés de garibòi
     flòi : vanneau huppé
     licòi : sinonime marmandés de cicòi
     cracòi : balane
     cotòia : cresi qu’es la ’’palourde’’ ?

    Toponimes :
     BABOY(E) (< Isabèu ??) en Gironde
     BERNOY(E) (< Bernat) en Gascogne orientale et dans le Haut Agenais
     CALOY dans les Landes (quelle étymologie ?? probablement un nom finissant par -cau)
     CATOY (< Caterina ?) dans le Bordelais, le Bazadais, les Landes
     COUTOYE (< Janicòt ou autres) à Roumagne
     GUILLOY (< Guilhèm) à Dému
     JANOY(E) (< Jan) dans l’Agenais, l’Entre-deux-Mers, l’Aude, les Landes, le Tarn
     LABOY(E) (< Micolau ??) dans les Landes
     MAROY(E) (< Maria ?) dans les Landes et l’Entre-deux-Mers
     MENOY dans les Landes et l’Agenais ; MENOYE en Basse Guyenne
     MILLOY (< Bertomiu) à Payros-C.
     MINOY (< Guilhemin ?) sur le plateau landais
     MOUNOY(E) (< Ramon) en Gascogne orientale et dans l’Aude
     NAUDOY (< Arnaud) dans l’Aude
     PEYROY(E)(S) (< Pèir) dans le Béarn, les Landes, l’Aude, la Hte Garonne
     POULOY(E) (< Pau ?) dans le Tarn, le Tarn et G. et les Landes
     TABOYE dans le Tarn
     TENOY dans les Landes
     TIBOY (< Matiu) dans la Grande Lande
     TINOY (< Jantin/Martin) à Bommes
     TITOY dans l’Albret et le Béarn
     TOUNOY(S) (< Janton) dans les Landes, le Gers, le Tarn, l’Aude

    Ouf !

  • Et puis MINGOY/MENGOY, surtout dans les Landes.

  • Quauques autes toponimes trobats en País Basco :

     Isturits : Touloumoy (1835)

     Came : Berdoye (forme féminine de Berdòi), Beroy (bèth -òi), Navarroy (Navar(r) -òi), Tignoy

     Bidache : Guiroy (1818)

     Guiche : Choy (1817), Joanchinoy (1817, Joan chinòi), Pignoy (1817)

     Bardos : Chicoy (1594, 1619, chic -òi)

     Hasparren : Gamoy (1835)

     Briscous : Gamoy (1820)

     Urcuit : Gamoy (1831)

     Louhossoa : Beroy (1840, bèth -òi)

     Ustaritz : Camoy (1820)

     Bayonne : Chirroy (1831)

     Anglet : Chicouyoun (1831, chicòi -on), Coy (1831), Jouanchicoy (1831, Joan chicòi) Martingoy (1831)

     Biarritz : Guiroye (1831, forme féminine de Guiròi), Trimoye (1831)

     Le Boucau : Laproye (1827)

    • Ces toponymes sont probablement tous gascons, même pour ceux qui sont en zone bascophone.
      Cela m’amène à modérer mes propos antérieurs sur une moindre présence du -òi en Gascogne voisine du pays basque.

      Je remarque "Touloumoy". Je pense à un dérivé de Bartolom* bien qu’en Gascogne, on ait plutôt Bertomiu et des dérivés en "Toumil*" (Toumilot etc.).

      Je n’ai aucune piste pour les Gamoy et Camoy de la zone bascophone.

      Martingoy : est-il possible qu’une prononciation proche de "Marting" diu côté du Marensin ait pu le créer ?

  • Gamoy et Camoy... Personnes originaires de Came, non ? Ça me semble assez évident !

  • Si l’on part de la forme Gamoy, qui semblerait plus répandue (dans la liste ci-dessus, 3 mentions contre 1 seule pour Camoy), et si l’on tient compte de la répartition de ce toponyme, en terre bascophone, je pense que nous pouvons envisager une explication en passant par la langue basque.

    J’y vois en premier élément le terme gamo, qui désigne un lieu de sources (curatives ?), suivi du suffixe locatif -i, sans doute proche du locatif -ti.

    Pour en revenir à la proposition de Gaby, qui y verrait un habitant originaire de Came, voici deux éléments de réponse supplémentaires :

     les habitants de Came sont traditionnellement appelés les camòts, avec suffixe -òt, et à priori pas les camòis (-òi).

     les maisons Gamoy de Briscous et Urcuit sont dites en basque Gamoia, à savoir notre Gamoi/Gamoy suivi de l’article -a que l’on retrouve à la fin de chacun des noms de maisons en langue basque.
    Or si nous avions à faire à un habitant de Came, et donc à un nom de personne, le basque y aurait naturellement ajouté un suffixe adapté aux personnes comme -ene(a) ou -tegi(a) qui leur est spécifique (= "chez", "la demeure de").
    La forme basque aurait donc été *Kamoienea ou *Kamoitegia. Mais c’est simplement Gamoia, qui confirmerait l’idée d’un vrai toponyme.

  • Quelques gentilés en -òi existent en Pays Basque sharnègo :
    * anglòi à Anglet
    * arancòi à Arancou
    * caperòi à La Chapelle, quartier de La Bastide-Clairence
    * pessarròi à Pessarro, autre quartier de La Bastide-Clairence

    Y’en aurait-il d’autres en terre gasconne ?

  • Après consultation du livre Charnégou de Manuel Castiella (Atlantica, 2000), voici une liste mise à jour des gentilés en -òi existent en Pays Basque sharnègo  :
    * anglòi à Anglet
    * arancòi à Arancou
    * bocalòi au Boucau (selon M. Castiella)
    * caperòi à La Chapelle, quartier de La Bastide-Clairence
    * esperitòi à Saint-Esprit, quartier de Bayonne, ancienne commune landaise (M. Castiella mentionne la forme francisée spiritoy)
    * pessarròi à Pessarro, autre quartier de La Bastide-Clairence

  • Bonjour, près de Francoulès dans le Quercy, en se rendant à cahors, on traverse un village du nom de Pelacoy. Le Quercy étant occupé par les anglais jusqu’en 1472, je pensais que ceci étant d’origine anglaise "pela" pouvant provenir de "pillar" et "coy" pour un lieu signifiant isolé, à l’écart... ce qui aurait pu donner "borne ou pilier isolé". mais on me dit que c’est plutôt du côté de l’Occitan qu’il faut se tourner, ce qui voudrait dire "renard pelé". Or je ne trouve pas "coy, renard" en Occitan. pouvez-vous m’éclairer sur une traduction ? Merci Patrick-Guy Supplisson (du prénom Sulpicius, Sulpice)

    • Bonjour Patrick-Guy,
      Le Quercy étant hors Gascogne, nous sommes moins compétents !
      Essayons quand même :
       comme en Gascogne, l’occupation anglaise en Quercy n’a pas dû être une occupation de peuplement, tout juste une alliance féodale qui a laissé peu d’empreinte dans les noms de lieux : les gens ne se sont pas mis à parler anglais, or la plupart des noms de lieux découlent de la langue usuelle du lieu.
       "Pelacoy" fait bien penser à de nombreux noms gascons Pela+quelque chose (souvent un animal), le plus connu étant Pelapòrc ; pelar = "faire la peau" pelar = peler, écorcher, éplucher
       je ne trouve "coy, renard" ni en occitan ni en gascon.

      En conclusion provisoire, la décomposition pela-coy sur le modèle gascon est envisageable, mais dans ce cas, que voulait dire "coy" en Quercy ? ("coy" peut signifier par exemple panier en gascon, mais ça ne va guère avec le verbe pelar...).

  • En effet il ne faut jamais chercher du côté de l’anglais, qui, si je me souviens bien, n’était que la langue des paysans de l’Angleterre à cette époque (un patois diraient certains haha). Les Gascons n’ont pas cessé de parler gascon, et les nobles anglais parlaient oïl je crois. D’ailleurs, en Gascogne, les textes juridiques et administratifs du Moyen Age sont en gascon, jamais en anglais.

    Pour le toponyme, on pourrait penser à une déformation de Pélacos, le carcinòl ayant tendance à amuïr les consonnes finales. Còs désigne une hauteur, ce qui pourrait correspondre. Pour Péla/Pelle-, on pense à l’idée de "pelé, désert, stérile" mais il me semble avoir vu que ça pouvait être une racine pré-indo-européenne désignant une hauteur également ?

  • Addendum : le FEW donne coy en Rouergue pour désigner un animal... le moyen-duc ! Ca rappelle PELLEGAUS (Sénestis) et PELLECAUS (Fleurance) seraient-ce des Pellegahus ??


Un gran de sau ?

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