Réflexions sur la graphie lafitte.yan [Forum Yahoo GVasconha-doman 2008-01-03 n° 8543]

- Jean Lafitte

Bonjour les amis,

Je voudrais répondre ici à la propre réponse de Gérad Loison datée d'hier
1er janvier 10 heures.

Jo non soi pas tant saberut que lo mèste Yan, e las soas correccions me van
hòrt plan.
C'est très sympa de me le dire. De toutes façons, la question n'est pas de
se montrer plus savant, comme des gamins qui comparent leur zizi, c'est de
servir au mieux notre langue, et rien ne vaut la lecture fréquente de
prosateurs comme Camélat, Palay, Lapassade ou Peyroutet, voire Arnaudin
quand on peut le trouver. Et de nous aider les uns les autres.

En quant a la gràfia de l'I.E.O. li tròbi un arramat de defèctes sens cap de
dobte. Per exemple : Que hè nada diferéncia grafica enter pan (lo pan de la
paret) e pan (que's minja), totun, los dus mots se prononcian pas parièr.
Pan e pann m'auren convienut.

Que'ns impausa letras qui's prononcian pas jamei. Com la n finau de non (la
gràfia no m'auré agradat mes)
Les textes médiévaux n'ont que "no" ; "non" est provençal, même pas
languedocien pour autant que je sache. Le catalan, l'espagnol ont "no". Il
est absurde d'avoir répandu "non" en occitan.

o n centrau de tanben (tabé o taben m'auré agradat mes),
n central disparu de l'écrit depuis le moyen-âge. n final totalement amuï
sur la plupart du domaine, même là où "ne" se prononce "eng". Même "taben"
ne peut donc être "graphie englobante" ; seul "tabé" obéit aus normes de
l'I.E.O., avec "taben" comme variante irréductible là où l'on prononce
"tabeng". Cette prononciation a d'ailleurs entrainé "tabencas" (gr. I.E.O.).
Même chose pour "arré", "arren" ne pouvant être qu'une variante
irréductible.

la s de tostemps,
Coromines refuse ce -s (Š Val d’Aran, p. 119) ; l’ALG III, 836 ne l’a
rencontré qu’en un seul point à Aulus. L’écrire pour l’ensemble du domaine
trompe sur la prononciation quasi générale et oblige à apprendre le mot
comme une exception, alors que le principe de la graphie est d’être
phonétique pour les mots de formation populaire. Mais qui connait et
applique les principes ?

e sustot la r finau deus infinitius que ns’anutja (ací que’m soi
autocensurat :))) per arren.
Avait disparu avant le XVIe s. et la "domination" du français. Ni Garros, ni
Salette ne l’écrivent. Coromines ne l’écrit pas non plus. Mais les
"linguistes" occitanistes ignorent tout cela.

La gràfia febusiana o neo-febusiana que’m va plan tà léger tèxtes en
dialèctes, mès n’ei pas unificadora, e doncas no’m convien pas per ua lenga
gascona unificada qu’ei la qu’espèri. Doncas, messatge e non pas messatyë,
ja que jo prononci messatge a l’orientau, qu’ei a diser dab la e finau com
la e de la debuta deu mot, e la j com ua j e non com ua yod.
Il ne faut pas confondre normalisation graphique et normalisation
linguistique, Taupiac l’a dit et écrit avec beaucoup de pertinence. C’est
aussi ce que sous-entend Txatti (message du 1er, 17 heures) : » N’esista
cap nac gascon "unificat", alavetz non podem escíve-u !  »
Quand la graphie de linguistes "au petit pied" ne permet pas de retrouver la
prononciation locale, elle unifie subrepticement la langue. Alors que le
système exige qu’un graphème (simple ou complexe) ait en un même lieu la
même valeur dans tous les mots. Cela aussi, c’est un "dada" de Taupiac, tout
à fait justifié. Sinon, il faut transcrire la prononciation locale comme
variante irréductible, et non inscrire le mot dans des listes d’exceptions
pratiquement impossibles à dresser et encore plus sûrement à retenir.

Pour ce qui est du "ë", c’est "presque" une invention de votre serviteur,
pour noter facilement ce que Palay a noté par un "e" avec "point inférieur",
Je dis "presque", car Robert Darrigrand a cité le titre d’une édition de
Fondeville où l’on peut voir des "ë" de même valeur, au début du XVIIIe s.
Quant à la valeur, c’est [é] atone ou "e muet" français, selon les régions ;
donc M. Loison le pronce [é] faible, sans problème.
Pour ce qui est de yod ou j, quand mes amis MM. Moreux et Puyau ont publié
leur Dic. français-béarnais, j’ai estimé qu’ils avaient eu tort d’écrire "y"
au lieu de "j", alors que Palay avait adopté le "j" englobant. Mais l’étude
minutieuse de l’ALG et des Dic. gascons qui donnent la prononciation de
façon fiable m’a montré qu’en un même lieu, des "j" se prononçaient soit
[j], soit [y] ; voici par exemple ce que j’ai constaté dans ma thèse pour le
Bazadais :
 » selon Dulau (1994) qui accompagne chaque mot de sa prononciation figurée :
tous notés en j ou g, on voit se réaliser en [y] avantatge, avantatjós,
viatjar voyager, ditjaus jeudi ; radj radeau ; ange, anjolet, arrenjar,
minjar, congèit, granja, monge moine, iranja orange, Sent-Jan (p. 8) ;
gojat,-a, apujar, raja(r) (p. 351) et mojen ; et en [j], congelar,
congestion, conjugar, enjura, enjuste, esconjurar, venjarŠ ; ajacar, bajart,
cuja, dejà, exigir etc.  »
De même, Taupiac a montré que dans les zones (les plus étendues) qui ont le
[w] intervocalique, le -v- se prononce [b] ou [w] selon les mots, et qu’il
faut noter "v" ceux qui se prononcent [b] et "u" ceux qui se prononcent [w].
Il a réussi à faire adopter cette règle par les Aranais.
La même logique exige de distinguer "j" ou "y" selon la prononciation
réelle. Rien moins que les Professeurs Jean Séguy et Xavier Ravier l’ont
fait ; cf. pour Séguy les cartes ALG 1114 et 1125 avec "y" ; 1103, 1175 et
1289 avec "j".
Et je puis assurer, pour en avoir fait l’expérience, que devant un "y", les
Gascons qui savent leur langue lisent un "j" si tel est leur parler (ex. les
Ossalois). Écrire "j" partout, c’est le "lit de Procuste".

Doncas, per merdica que sia la grafia de l’I.E.O., jo que’m la guardi.
Oui, mais vous n’avez pas à enseigner le gascon !

L’ortogràfia francesa ei hèra mes merdica, n’ei pas ua rason tà escríver-la
diferentament, cada un a la soa mòda.
L’orthographe française date du XVIIe s., suivant un courant archaïsant
imposé par une Académie qui voulait » distinguer les gens de lettres des
ignorans et des simples femmes ». Elle a néanmoins été réformée maintes fois
aux XVIIIe et XIXe s ; depuis, avec l’enseignement primaire obligatoire et
tous les instituteurs qui en ont fait leur "pré carré", les réformes sont
bien plus difficiles.
Alors que l’orthographe de l’I.E.O. n’est le fait que d’une association
privée, et d’un homme, Alibert, qui, pour ce qui nous concerne, connaissait
très mal le gascon... et a oeuvré avant les irremplaçables travaux de l’ALG.
En outre, il y a à peine 40 ans qu’elle a commencé à entrer véritablement en
vigueur (Per noste à partir de 1967), et seulement dans les milieux
scolaires. La comparaison avec l’orthographe française est impossible.

Escrivi aquò sens nada animositat e dab tot l’arrespècte que pòrti envèrs
Yan Lafitte, pr’amor que m’estimi més léger un tèxte escriut en gascon, que
sia en gràfia febusiana o dera ’scolo deras pireneos o quinsevolha auta
gràfia, qu’estar privat de lectura en gascon.
Merci pour l’estime, qui est réciproque, croyez-le. Sinon, je n’aurais pas
passé tant de temps à vous donner ces explications. Et mille excuses de
l’avoir fait en français, je tenais à ce que ceux qui maitrisent mal le
gascon en profitent.

Boune anade a touts.

J.L.

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