Nous avons récemment été alertés sur le danger que font courir à l’habitat traditionnel en colombage les nouvelles obligations de rénovation énergétique. Nouvelles obligations de rénovation énergétique et colombage
Le risque d’une pression légale indifférenciée, c’est de pousser les propriétaires à commander des travaux d’isolation inadaptés, dans le seul but de quitter à court terme les niveaux de performance énergétique F et G.
Le bâti traditionnel n’est pas partout fait de colombage en Gascogne, et vers Comminges et Magnoac, on construisait plutôt en briques de terre crue, ou adobe, ou, pour utiliser un mot gascon, en teules (téwles, téwlos).teula, teule = tuile
Le Centre de REssources pour la réhabilitation responsable du Bâti Ancien (CREBA) donne un "retour d’expérience" d’une de ces maisons, entre Boulogne-sur-Gesse et Thermes-Magnoac.
Cette réhabilitation est un exemple vertueux.
Elle n’a justement pas été faite sous la pression des nouvelles dispositions légales sur les "passoires énergétiques", qui sont encore en discussion au Parlement...
On se doute qu’avant travaux, la performance énergétique de la maison était médiocre, voire mauvaise, mais il n’est pas rapporté qu’elle était classée F ou G (on aurait aimé savoir !), et les murs en terre crue sont bien isolants :
Aucune isolation complémentaire n’a été installée sur les murs en adobe de terre crue. Le maître d’ouvrage a en effet considéré que 40 cm de terre crue développaient une résistance thermique suffisante, une inertie confortable et une régulation de l’humidité relative. Ce choix paraît approprié, dans une région où les étés sont chauds et les hivers peu froids.
L’amélioration de l’isolation a donc porté surtout sur la toiture et les portes et fenêtres.
Là il faut dire que le maître d’ouvrage est :
architecte, fortement impliqué dans la préservation du patrimoine. Il a une connaissance approfondie des techniques traditionnelles et connaît les professionnels qui œuvrent au maintien de ces modes constructifs dans sa région. Il connaît les qualités des maçonneries en terre crue, ainsi que leur comportement hydrique et thermique. Il s’intéresse également aux menuiseries bois, à la recherche de solution pour la préservation et l’amélioration des menuiseries anciennes. Il est l’auteur de l’étude sur les fenêtres en secteur sauvegardé de Toulouse.
Evidemment, ça change tout, et il a réussi à conserver en partie les menuiseries d’origine :
Quatre des neuf fenêtres ont pu être préservées grâce à un dispositif permettant d’intégrer des doubles vitrages
Les autres fenêtres, dont les bois étaient voilés et dégradés, ont été restituées en intégrant des doubles-vitrages 4-16-4 à faible émissivité.
"restituées" : on peut supposer que les nouvelles fenêtres reproduisent la forme des fenêtres anciennes ; il n’est pas dit qu’elles sont en bois (et non en PVC ou en alu !), mais on peut le supposer au vu des compétences du maître d’ouvrage.
La porte d’entrée d’origine a été conservée. La partie basse était dégradée. La réparation de la traverse basse a été l’occasion d’encastrer une plinthe automatique assurant l’étanchéité au niveau du seuil.
"plinthe automatique" : je laisse le gasconhaute faire marcher, si nécessaire, son moteur de recherche pour comprendre ce que c’est... moi je ne sais pas...
Aucun système de ventilation n’a été installé. Les occupants de la maison assurent la ventilation naturelle.
Bilan énergétique après réhabilitation : bon, forcément !
Là encore, manque - après travaux - le classement de performance énergétique de A à G sur lequel nos législateurs entendent fonder la lutte contre les "passoires énergétiques".
Mais on peut être sûr que la maison est sortie des notes calamiteuses F ou G, si jamais elle y avait été avant travaux (sinon, il y aurait de quoi désespérer !) :
Les maîtres d’ouvrages apprécient le confort du bâtiment, tant en hiver qu’en été où la fraîcheur se maintient à l’intérieur du bâtiment.
Mais à quel prix ?
Cette réhabilitation s’est prolongée sur quatre années et les maîtres d’ouvrage ont participé activement aux travaux de gros-œuvre (tranchées, réalisation du hérisson…) et de finition.
Concernant les travaux liés à la réhabilitation énergétique (installation de chauffage et production d’ECS, remplacement des menuiseries ou complément d’isolation, isolation des combles et des planchers bas) le montant des travaux est d’environ 40 000 euros.
De nombreux travaux d’aménagement ont été réalisés en auto-réhabilitation en favorisant la réutilisation ou le recyclage.
Le prix parait modeste pour une grande maison, surtout que le chauffage installé est dimensionné pour satisfaire à une extension ultérieure en maison d’hôte.
Deux questions se posent :
– Dans ces 40 000 euros, quelle part a été prise en charge par les aides publiques ?
– Combien ça aurait coûté si le maître d’ouvrage n’avait pas été lui-même architecte, et s’il n’avait pas mis "la main à la pâte" d’un bout à l’autre du projet (conception, recherche des artisans, participation manuelle aux travaux...) ?