P. Bec chercheur et occitaniste lafitte.yan [Forum Yahoo GVasconha-doman 2007-03-24 n° 8056]

- Jean Lafitte

Amics,

Dans un message d'hier vendredi 3 mars, V. Poudampa dépeint assez bien la
mirgalhadure de ceux qui se réclament peu ou prou de l'occitanisme, et je
pense qu'il en est de même du gasconisme, du béarnisme, voir du Sarkosisme,
du Bayrouïsme, du royalisme ou autre -isme.
Je rebondis seulement sur sa phrase : « Le mouvement occitaniste rassemble
aussi bien des artistes que des chercheurs (Pierre Bec est occitaniste que
je sache) ».

Cela me donne l'occasion de rappeler l'avis de J.-P. Chambon, directeur du
CEROc à la Sorbonne, avis que j'ai déjà cité je crois :
« Mais en outre, même au niveau des professionnels de la recherche
scientifique, il s'est créé une certaine situation de porosité ou de
coalescence, voire d'identification déclarée (cf. ci-dessus point 5 pour la
sociolinguistique), entre le champ militant et le champ scientifique. Les
connaissances scientifiques sur l'occitan courent donc le risque d'être
brouillées ou déviées par les préjugés qui se produisent et qui se
reproduisent sans cesse sur le terrain du renaissantisme. Le Que Sais-Je ? de
Pierre Bec, La Langue occitane, paraît une bonne illustration de cette
coalescence : l'ouvrage est franchement téléologique (l'histoire de la
langue se termine en apothéose avec la création de l'Institut dont l'auteur
fut le président !). Pour prendre un autre exemple, si, dans le cas du
gascon [Š], tous les linguistes reconnaissent que celui[-ci] pourrait être
considéré comme une langue indépendante, alors que très peu d’entre eux le
comptent effectivement comme langue indépendante, c’est qu’en réalité la
main invisible du renaissantisme a tranché le débat (les renaissantistes du
domaine gascon ont milité dans les organisations félibréennes ou
occitanistes). On se doute bien que cette osmose de longue date et pour
ainsi dire désormais structurelle que la recherche sur la langue occitane
entretient, dans notre pays, avec l’amateurisme et l’engagement a non
seulement des conséquences au plan des idées, mais aussi des conséquences
pratiques ; la plus fâcheuse est qu’elle tire constamment les études de
linguistique occitane vers le bas. »

Je vais en donner un exemple tiré d’un de mes travaux et relatif au passage
de "o" fermé à "ou" en gascon au XVIe s., dont témoigne chez Salette la
présence de mots en "ou" à côté d’autres encore en "o", alors qu’ils sont
aujourd’hui en "ou" :

 »Šla même présence sporadique de mots en ou se rencontrait dès 1567 chez le
Gascon Pey de Garros ; par exemple, les mots ou (ou bien) et prou (assez)
dans la soixantaine de vers que Pierre Bec, linguiste et professeur
d’université largement reconnu par ses pairs, commentait presque mot par mot
dans son Manuel pratique de philologie romane de 1970. C’était là une
graphie incongrue chez un poète dont l’auteur venait d’écrire qu’il fut
 » sans doute le dernier Occitan [sic] à utiliser [Š] le système graphique
traditionnel hérité du Moyen-Age » ; or le savant linguiste n’en a rien dit.
Peu avant, même silence de la part de son ami Robert Lafont, également
linguiste et professeur d’université, mais aussi figure de proue de
l’occitanisme : dans sa contribution à un colloque de 1968 sur Garros, La
vision du gascon écrit chez Pey de Garros, il se livre avec intelligence à
une étude approfondie de la graphie de cet auteur ; mais il persiste à voir
dans les o de l’auteur la représentation du son [u] comme du son [o] et
ignore totalement les mots en ou des mêmes œuvres. Serait-ce que la qualité
de président de l’I.E.O. de P. Bec et de meneur occitaniste de R. Lafont
leur interdisait de voir ce qui aurait ébranlé un dogme de la linguistique
et de la graphie occitanistes ?  »

Ce qui n’empêche pas P. Bec et R. Lafont d’avoir produit des travaux
globalement fiables. Mais il faut toujours ouvrir l’oeil, et pas seulement
sur les oeuvres de ces professeurs.

Boûn diményë a touts.

J.L.

Un gran de sau ?

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