Le fait gascon a été trop peu étudié, d’un point de vue socio-linguistique, et le XXème siècle nous a légué une population trop acculturée pour des témoignages vraiment précis sur la perception par les populations gasconophones de leur propre différence et sur la perception réciproque qu’en avaient les voisins immédiats.
Je suis donc à la recherche de tous les témoignages historiques, ethno-linguistiques, de tous les indices, références qui permettent, d’un bout à l’autre du domaine gascon, de caractériser le fait gascon (ou pas), autrement que par le miroir évanescent du domaine linguistique.
Tous les témoignages sont bienvenus. J’accorde néanmoins une moindre importance aux reconstructions littéraires. Le sentiment de la Guyenne de François Mauriac ne m’intéresse pas, par exemple, pas plus que le Béarn du néo-romantisme palois d’aujourd’hui. Ce sont des visions estimables, mais pas très scientifiques ou historiques.
Voici les différents fronts sur lesquels j’espère un retour. Je possède moi-même des écrits, extraits de mes lectures, que je proposerai ici même, en réponse au fil de discussion.
1. Gironde : La Grande Gavacherie
De quelle façon les "Gabays" de la Grande Gavacherie percevaient-ils leurs voisins d’oc immédiatement au Sud (Médoc, Bourgeais, Cubzadais, Fronsadais, Libournais) ? Comment les nommaient-ils ?
L’opposition des deux langues est telle que les témoignages doivent abonder. Il semble parallèlement qu’aux yeux des vrais Saintongeais, les "Gabays" étaient perçus comme différents : tout témoignage est là encore bienvenu.
2. Gironde : Périgord
C’est probablement là que les témoignages sont les plus difficiles à obtenir : a-t-il jamais existé un sentiment profond de différenciation entre les populations autochtones du Bordelais et du Périgord immédiatement voisin ?
Les témoignages, s’ils existent, concernent la frontière vers Lonchat et Vélines. La figure du migrant périgourdin est ancienne en Libournais et en Entre-Deux-Mers : qu’en est-il ?
3. Gironde / Lot-et-Garonne : La Petite Gavacherie
Je m’étonne de trouver aussi peu de récits ou d’écrits sur cette enclave et les relations qu’entretenaient les Gavaches avec leurs voisins d’oc.
On sait que le parler gavache, dit marotin, était par ailleurs fortement teinté de gascon. On sait aussi que la ville de Monségur était resté gasconophone alors que les villages aux alentours étaient gavaches : que se passait-il sur les marchés ? Comment se nommaient ces populations ?
4. Gironde / Lot-et-Garonne / Tarn-et-Garonne : Agenais
Nous savons que l’Agenais est bicéphale et que le domaine gascon est net.
Nous savons aussi, à tout le moins dans le Marmandais, que s’opposaient nettement les populations qui parlaient le "planiu" (le parler de la vallée de la Garonne, gascon) et le "perigòrd". Jusqu’où les gens en Agenais non-gascon disent-ils parler le "perigòrd" ?
Ce "perigòrd" correspond-il au seul domaine d’influence limousine de l’Agenais guyennais ? Ou est-il aussi la dénomination de la langue autochtone dans la vallée du Lot ? Comment se nommaient les diverses populations ?
Les terres gasconophones confrontent à l’Agenais, qui est une sorte de jumeau de la Gascogne centrale, tout le long de la Garonne, mais à un Agenais qui au fur et à mesure que vers l’amont l’on se rapproche d’Agen perd ses influences septentrionales pour devenir un languedocien net à Agen ou Valence.
De quelle manière les populations du Bruilhois ou de Lomagne percevaient-elles les Agenais du Pays de Serres ou de la région d’Agen ? Étaient-ils vus différemment des Carcinols ?
Toutes ces grosses villes de la Moyenne Garonne, entre Agenais et Quercy, ont été probablement des lieux de rencontre entre les populations locales : qu’en était-il à Agen, Valence, Moissac, voire Montauban ?
5. Tarn-et-Garonne / Haute-Garonne : Toulousain
Le Toulousain succède à l’Agenais et au tout petit bout de Quercy sur la Garonne (à savoir Moissac).
Les questionnements sont les mêmes, de Castelsarrasin à Auterive, sans oublier évidemment Toulouse, où les témoignages devraient abonder.
6. Ariège : Pays de Foix
Le Couserans fait face au Pays de Foix : la Gascogne pyrénéenne face à l’Ibéro-Languedoc. Quid des relations ? Des appellations ?
Un cas particulier doit être réservé à une zone interférentielle connue : le Séronais.
7. Chaîne pyrénéenne : Catalogne et Aragon
Pas besoin de plus de précisions : quelle était la figure du Gascon chez nos voisins ibériques immédiats ? Et à rebours, la vision du Catalan ou de l’Aragonais dans nos vallées.
8. Pyrénées-Atlantiques : Pays Basque
La confrontation la plus nette, et pourtant une sur laquelle l’on a peu écrit : quid des relations des Gascons avec leurs voisins basques ? Quid des relations de voisinage entre Bayonne et sa périphérie bascophone ? Quid de la vie à Labastide-Clairence, quasi-enclave en Basse-Navarre ? Quid du Pays Charnégou ? Des Souletins de la vallée du Saison avec les Béarnais de cette même vallée ? Des Basques d’Esquiule à Oloron ?
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Voilà ce qu’il en est, de l’estuaire de la Gironde à la pointe des Trois Comtes. A vous lire ! N’hésitez pas à répondre, même le plus anodin des témoignages, la plus banale anecdote familiale peuvent être intéressantes.