sonque = seulement, rien que
Interview de Louise Cormier, urbaniste, par le journal Sud-Ouest : « On a l’impression d’un État frileux à donner plus de pouvoirs aux collectivités sur ces enjeux de logement »
« Un élu breton, Nil Caouissin, va jusqu’à proposer un « statut de résident », qui conditionnerait l’achat d’un logement à une obligation de travailler et vivre sur le territoire pendant un an au moins. Ce type de proposition est-il concevable ?
Il y a déjà la question de prouver qu’on est un résident permanent pour au moins un an… ce qui est assez obscur. Mais, surtout, cette proposition nie l’égalité des citoyens !
(...)
On a l’impression d’un État frileux à donner plus de pouvoirs aux collectivités sur ces enjeux de logement, et ce, par peur de dérives très à gauche, telles que de spolier certaines personnes pour en contenter d’autres, ou très à droite, qui consisteraient à devoir prouver que ses quatre grands-parents sont basques pour avoir le droit d’acheter un logement en terre basque. »
Malgré sa critique décentralisatrice de « l’État frileux », à deux reprises, au cours de son interview, Louise Cormier semble refuser une priorité aux locaux, que ce soit par un « statut de résident », ou par l’obligation d’un certificat des "quatre grands-parents basques" (que personne au Pays basque n’a sans doute osé proposer, tellement ce serait caricatural - et d’ailleurs, on glisserait alors de la notion de "local" à quelque chose de plus ethnique : basque, gascon pour ce qui nous concerne...).
Mais à lire cet article plus fouillé de la même Louise Cormier, sur le même sujet, chez Terra Nova, Logement : priorité aux résidents permanents ?, je me dis qu’elle pense bien, qu’elle connait son sujet, et finalement qu’elle a raison, et pas seulement sur l’impossibilité d’un statut de résident :
– Elle relativise :
« Au-delà des zones touristiques, ce problème n’est pas fondamentalement différent de celui que pose le niveau des loyers et des prix dans les métropoles les plus prisées, lequel s’accroit avec l’attractivité et la pression de la demande. Ces zones se ferment aux (...) jeunes non-héritiers, parmi lesquels se trouvent parfois les enfants des habitants installés, tous exclus par le niveau croissant des loyers et des prix. »
– Elle rappelle que le logement social est déjà une réponse pour « loger des salariés en leur conférant, grâce au maintien dans les lieux, la stabilité qu’ils souhaitent à des prix défiants toute concurrence »
– Mais elle voit bien que la priorité aux résidents est maintenant invoquée pour l’accès au parc locatif privé, et aussi à la propriété privée ; et là, ça se corse (et pas seulement en Corse !-)) :
« La loi française et la réglementation européenne permettent difficilement de favoriser un type d’habitants répondant à des critères autres que ceux correspondant à des catégories traditionnellement admises comme le revenu ou la taille du ménage. »
– Elle fait, en passant, un rappel salutaire (un peu l’idée du beurre et de l’argent du beurre...) :
Vieux-Boucau-les-Bains
« Touristes et nouveaux résidents contribuent à la revitalisation des territoires dans lesquels ils s’installent. Ils génèrent de l’emploi et font bénéficier les habitants de ressources qui se sont formées ailleurs »
– Les collectivités ont déjà des moyens d’action (PLU et autres...) :
« La loi française peut intervenir sur l’usage des bâtiments : logements vs bureaux, commerces, hôtellerie etc. Elle peut interdire les transformations d’usage du parc existant (conversion de bureaux en logements, par exemple). Elle peut également limiter l’usage commercial des logements à des fins touristiques, à titre permanent ou temporaire, le cas emblématique étant celui d’Airbnb. »
Mais les "locaux" ne seraient peut-être pas les derniers à se plaindre de règlements trop restrictifs... (ça, c’est moi qui le dis, pas Louise Cormier...)
Louise Cormier signale, et là encore, c’est bien vu : « Reste que l’impact du renouvellement du parc de logements pèse peu par rapport au volume du parc existant. » C’est pour dire que les règles d’urbanisme n’agissent qu’à long terme...
– « Les accommodements avec le droit » (e be n’ac sabèvi pas, acò...) :
« Dans toutes les métropoles et presque toutes les villes moyennes, la construction d’un immeuble collectif fait en effet l’objet d’une négociation préalablement au dépôt de la demande. (...)
si l’affichage officiel de l’exigence d’une préférence communale et/ou en faveur de telle ou telle catégorie est illégal, est-il en pratique possible pour un maire d’obtenir ce résultat à l’occasion de la négociation préalable ? »
– créer un nouveau « parc hors marché » ?
Le bail réel solidaire (BRS) est un « statut d’occupation, intermédiaire entre la propriété et la location » qui dissocie propriété du logement et propriété du sol...
Louise Cormier nous apprend que Rennes Métropole l’utilise massivement ; mais ça parait difficilement généralisable, et on ne sait même pas ce que ça peut donner à long terme. C’est en plus très compliqué, et ne semble pas applicable à des particuliers désireux de vendre, sauf à d’audacieux expérimentateurs éthiquement responsables...
Un cas gascon : Biscarrosse !
Aqueth "Locaus sonque" portat per joens gascons de la còsta que vengueré deu « famós “Locals Only” deus surfaires »...
Bizarre de prendre le surf comme étendard du localisme, mais bon...
Si on met en place un statut du résident local à Biscarrosse, les locaus de Parentis auront-ils le droit d’acheter ou de louer à Biscarrosse ? Et ceux d’Ychoux, de Liposthey... ? Bref, quelles limites pour ce territoire local protégé de l’estrangèr ?
Et les autres gascons ?
Si on faisait un statut de résident régional (c’est hautement improbable), dans l’état présent, ce serait un statut de "Nouvelle Aquitaine"... Mais celle-ci, à part ses zones côtières et bordelaises, n’est pas "en tension" : au contraire, les communes y accueilleraient plutôt les "parisiens" à bras ouverts, tout élément revitaliseur étant bon à prendre...
Continuons à chercher !
Lire aussi :
Sud-Ouest : Quand le littoral néo-aquitain essaie de loger les locaux